Le retrait du jeu de société « Antifa » du site de la Fnac crée la polémique. Ce retrait survient après une mobilisation de l’extrême droite, qui tente d’ailleurs depuis l’an dernier de faire parler de ce jeu. Cette fois-ci, le bad buzz Twitterien semble avoir eu raison du jeu de société. Mais celui-ci profite d’une renommée nouvelle, sur d’autres sites de vente en ligne.

Depuis le dimanche 27 novembre 2022, Antifa n’est plus disponible sur le site de la Fnac. Le jeu était la cible depuis le 26 novembre d’attaques de la part de membres du Rassemblement national (RN), dont le député Grégoire de Fournas (exclu de l’Assemblée après avoir tenu des propos à teneur raciste). L’élu de Gironde avait tweeté dans la journée en disant que le jeu appelait à la violence contre des militants de droite ou contre les forces de police. Peu de temps après, le jeu était retiré de la vente par la Fnac. Sur le site de l’enseigne, on ne peut plus le commander.

L’histoire fait polémique : outre le fait que le syndicat des commissaires de police ait pris part à l’affaire sur Twitter, la décision de la Fnac de retirer le jeu dérange — d’autant plus, vu que l’enseigne vend d’autres produits à caractère violent.

Le jeu ne propose pas de « tabasser des militants de droite »

Contrairement à ce que dit Grégoire de Fournas dans son tweet, le jeu ne propose pas de case où il faudrait que les joueurs « bloquent une fac », « tabassent un militant de droite », « attaquent un meeting du RN », ni ne « lancent un cocktail Molotov sur les flics ». Comme Numerama a pu le confirmer, Antifa ne propose pas ces actions.

Le site de la Horde, le groupe antifasciste à l’origine du jeu, précise que le but du jeu est de répondre à « des exactions d’extrême droite », tel que des dégradations de tombes juives ou de salle de prières musulmanes, ou encore l’attaque d’un rassemblement antiraciste. Pour cela, les joueurs disposent de plusieurs choix : des cartes « activités », « initiatives », ou encore « ripostes ».

Les cartes « activités » et « initiatives » ne proposent pas de mener des actions violentes : il s’agit pour le joueur d’organiser des « concerts de soutien », des séances de tractage, ou encore des « projections débat ». Parmi les cartes « ripostes » que Numerama a pu voir, notamment dans cette vidéo explicative, les options sont « rassemblement », « manifestation », « blocage occupation », et « action offensive ».

Les actions possibles dans le jeu Antifa // Source : YouTube / Antifa
Les actions possibles dans le jeu Antifa // Source : YouTube / Antifa

Cette dernière carte est la plus extrême, mais il n’est là non plus pas question de tabassage ou de cocktail Molotov : il est cependant fait allusion à un « cocktail Cacatov », qui semble être… une bouteille de fientes. La vidéo ne précise pas dans quel cadre ces derniers doivent être lancés, ni vers qui.

Des cocktails Cacatov, oui, des cocktails Molotov, non // Source : YouTube / La Horde
Des cocktails Cacatov, oui, des cocktails Molotov, non // Source : YouTube / La Horde

La Fnac propose d’autres contenus extrêmes

La Fnac a annoncé sa décision de retirer de la vente Antifa par un tweet, dans lequel l’enseigne explique qu’elle comprend que « la commercialisation de ce jeu ait pu heurter certains de nos publics », en réponse à un message du syndicat des commissaires de police.

Ce n’est pas la première fois que des produits vendus par la Fnac font polémique — mais c’est la première fois qu’une réponse aussi prompte est donnée, et c’est ce « deux poids, deux mesures » qui fait surtout grincer des dents. Ainsi, comme l’a fait remarquer le groupe Action Antifasciste Paris-Banlieue sur Twitter, la Fnac vend également le livre raciste Le Grand Remplacement, qui a inspiré les attentats contre deux mosquées de Christchurch, en Nouvelle-Zélande, en 2019. Interrogée pour savoir si elle allait retirer de la vente ce livre, l’enseigne nous a répondu qu’elle ne faisait « pas de commentaire ».

Ce n’est pas le seul produit polémique de la boutique Fnac. On trouve les livres de Christian Tal Shaller, auteur de Vaccins, un génocide planétaire, et d’un guide sur la dangereuse pratique de l’urinothérapie ; les livres de Jean-Jacques Crèvecoeur, militant anti-vaccin surveillé par la Miviludes pour dérive sectaire ; et de très nombreux livres complotistes sur le Covid. En août 2021, une sélection de livres mensongers sur la maladie avait été mise en avant par la Fnac, qui avait été à l’époque très critiquée. En novembre 2022, ces livres sont toujours en vente et disponible sur le site de l’enseigne.

Il semblerait cependant que le retrait du catalogue de la Fnac ait profité à Antifa : sur le site de Libertalia, l’éditeur du jeu, il est indiqué que ce dernier est désormais « momentanément épuisé ». « Grâce à votre solidarité, le tirage de la nouvelle édition du jeu Antifa est épuisé sur notre site », est-il précisé.

Le jeu Antifa est désormais sold out // Source : Libertalia
Le jeu Antifa est désormais sold out // Source : Libertalia

Un succès qu’a confirmé Nicolas Norrito, le cofondateur de Libertalia, à Médiapart : « depuis hier soir, c’est un flot de commandes incessant. […] On avait tiré 4 000 exemplaires du jeu, ce soir il n’y en aura plus.» Libertalia indique avoir lancé une réimpression, qui ne sera pas disponible avant janvier à cause des « pénuries de papier ».


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