La commercialisation, pour les fêtes de Noël, d’un téléphone mobile à destination des enfants suscite de vives réactions auprès des associations. Le ministère de la culture invitait donc les consommateurs à la prudence, sans pour autant céder à la paranoïa, car rien ne permet d’affirmer que les ondes radiophoniques constituent bien un danger. Alors, réaction démesurée ou mesure de précaution indispensable ?

Le ministère de la santé monte au créneau contre les téléphones mobiles. Dans un communiqué diffusé mercredi, il enjoint les familles « à la prudence et au bon usage dans leurs achats et l’utilisation de tels dispositifs », en particulier pour leurs enfants, qu’il considère comme « plus sensibles étant donné que leur organisme est en cours de développement. »

Ce qu’il faut voir dans cette déclaration, c’est avant tout une façon de satisfaire diverses associations – Agir Pour l’Environnement et Priartèm notamment – ayant vivement protesté contre la mise sur le marché pendant les fêtes de Noël d’un mobile à destination des enfants. Mais comme le rappelle avec prudence le communiqué, « aucune preuve scientifique ne permet de démontrer aujourd’hui que l’utilisation des téléphones mobiles présente un risque notable pour la santé. »

Cette réaction du ministère est-elle donc justifiée ou démesurée ? La question de l’impact sur la santé des ondes radiophoniques mérite bien entendue d’être posée, mais force est de constatée qu’elle fait sans cesse le jeu d’une psychose générale. La mairie de Paris fermait encore il y a peu les accès WiFi dans ses bibliothèques suite aux plaintes du personnel, de quoi semer le flou dans l’esprit du consommateur. Les ondes sont-elles dangereuses ou non pour la santé ? Le fait est que les ondes radiophoniques sont diffusées en quantité si infime que considérer le WiFi comme un danger est tout à fait injustifié.

Si danger il y a, c’est avant tout dans le téléphone mobile qu’il faut le voir, de par sa proximité directe avec la tête de l’utilisateur. Et si victimes il y a, les enfants seraient plus sensibles dans cet usage puisque, comme le notent les associations, « on sait que le cerveau des enfants absorbe 60% de plus de rayonnement électromagnétique que celui des adultes« , ce qui justifie pleinement leur inquiétude.

Mais à l’heure actuelle, personne n’est en mesure d’affirmer sérieusement si oui ou non les ondes radiophoniques ont un impact sur la santé dans cette proximité que constitue le téléphone mobile. Le seul moyen de le savoir serait de comparer un échantillon de population atteint de tumeurs au crâne avec un échantillon témoin, et de les considérer dans leur usage du mobile. Comme vous pourrez le deviner, il n’est pas particulièrement aisé de réunir une population assez grande pour qu’elle donne des résultats pouvant affirmer un lien de cause à effet. C’est pourquoi une étude à l’échelle mondiale avait été commandée.

En ce début 2008, seules quelques unes d’entres elles – les plus sérieuses – ont pu communiquer leurs résultats, l’une suédoise, l’autre israëlienne. Le problème, c’est que si la suédoise n’a trouvé aucun lien entre usage du portable et apparition de tumeurs, l’israëlienne établit quelques corrélations, ce qui renforce encore plus le flou qui règne autour de la question. Mais les échantillons utilisés sont trop petits pour affirmer quoi que ce soit, et le monde scientifique attend encore les résultats des autres pays, dont la plupart devraient sortir cette année. En fait, ces différentes études n’auront de réelle valeur que quand elles seront considérées dans leur globalité, car les variations obtenues entre l’une et l’autre peuvent tout à fait être le fruit de coïncidences hasardeuses.

En attendant, voilà à quoi nous pouvons nous en tenir.

  • Le communiqué du ministère de la santé est tout à fait légitime. Il mise sur la prudence sans céder pour autant à la psychose générale car il rappelle à bon escient que rien ne permet de dire que le téléphone mobile constitue un danger ou non.
  • Contrairement à une idée reçue, les fabricants de mobile n’essaient pas de cacher quoi que ce soit aux consommateurs. Bien au contraire, il leur serait beaucoup plus profitable de pouvoir affirmer quelque chose de tangible et mettre un terme à cette situation de grand flou.
  • Malheureusement, cette même situation profite à d’autres industriels peu scrupuleux, qui vendent des produits à appliquer sur la tempe ou des pastilles sensées protéger des ondes. Comme l’expliquait Bernard Veyret lors d’une conférence donnée le mois dernier au Cnam, ces produits sont une arnaque complète. Une lotion ne risque pas de bloquer les ondes, et une pastille sur l’antenne ferait même pire, elle obligerait le téléphone à augmenter sa force d’émission pour outrepasser ce blocage.
  • On entend de tout et de n’importe quoi dans les médias, même dans les journaux les plus sérieux. Le JT de TF1 affirmait ainsi le 17 octobre 2007 que les téléphones mobiles favorisaient les cancers du cerveau. Déjà que l’apparition de tumeurs n’a jamais été prouvée de manière suffisamment solide, alors de là à parler de cancers, on tombe dans la désinformation la plus totale.

En l’état actuel des choses, la réaction la plus raisonnable est d’attendre ce que donneront les résultats de l’étude à l’échelle mondiale avant de crier au scandale. A condition qu’il y ait un jour des choses tangibles sur lesquelles s’appuyer, puisque la recherche dans le domaine se voit peu à peu couper les fonds, notamment aux Etats-Unis, faute de résultats probants.

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