Alors que les internautes peuvent redouter le volet "anti-contrefaçon" de l'accord de libre-échange TTIP négocié entre les Etats-Unis et l'Europe, les ayants droit français s'inquiètent du fait que le traité pourrait remettre en cause des avantages acquis au nom de l'exception culturelle. 

Les ayants droit français et les internautes vont-ils faire cause commune dans une alliance contre-nature ?La semaine dernière, nous rapportions que les Etats-Unis et Bruxelles s'étaient mis d'accord pour ouvrir des négociations en vue d'établir un nouvel accord de libre-échange USA-Europe, le futur Partenariat Transatlantique de Commerce et d'Investissement (TTIP). Nous avions vu dans cette annonce la voie ouverte à un retour des dispositions de l'ACTA, pourtant rejetées par le Parlement Européen, puisque l'accord visera notamment à "promouvoir un haut niveau de protection de la propriété intellectuelle", avec vocation à s'appliquer ensuite à d'autres pays.

Mais l'industrie culturelle française, qui croise bien sûr les doigts pour que l'ACTA fasse effectivement son retour, redoute elle-aussi les dispositions du futur TTIP. En effet, la Coalition française pour la diversité culturelle, qui regroupe plusieurs dizaines d'organisations d'ayants droit dans les domaines de la musique, du cinéma, de l'audiovisuel, de la littérature ou encore du spectacle vivant, a publié un communiqué dans lequel elle se dit inquiète des répercussions d'un tel accord.

S'agissant d'un accord de libre échange, la Coalition estime que "l’ouverture de ces négociations commerciales comporte des risques de remise en cause du droit des Etats et des regroupements d’Etats à mener librement des politiques de soutien à la création culturelle". Il pourrait, par exemple, devenir interdit d'imposer un quota de chansons françaises à la radio, ou de prélever une partie du prix du billet d'entrée des films américains pour abonder le fonds du CNC dédié au cinéma français.

Plus fondamentalement, les ayants droit craignent que dans le jeu des régulations, des services comme la VOD et la catch-up TV ne soient plus considérés comme des services du secteur audiovisuel, soumis à des règles propres, mais soient rattachés à la régulation des réseaux, libéralisée. "L’exception culturelle serait alors réduite à peau de chagrin car elle n’aurait plus vocation qu’à s’appliquer à la distribution des œuvres via les médias traditionnels mais ne vaudrait plus pour la diffusion des œuvres par Internet, qui représentera à l’avenir l’essentiel de ces services", préviennent les ayants droit, qui défendent d'abord leur porte-monnaie.

En effet, "cette démarche de libéralisation reviendrait également à rendre difficile toute modernisation du financement de la création en protégeant les acteurs importants de l’Internet américains (Apple, Facebook, Amazon, Google, etc…) d’une « exception culturelle 2.0 »". Au moment même où la mission Lescure réfléchit au moyen de taxer les géants du web pour financer les milieux culturels, l'annonce de l'accord de libre-échange est vécue comme une menace.

Ils demandent donc que le mandat de négociation exclue explicitement les biens et services culturels. Pour le moment, le document officiel (.pdf) dit simplement qu'il faudra que l'accord "réponde à des obstacles à l'entrée au marché qui subsistent depuis longtemps, en reconnaissant la nature sensible de certains secteurs".

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