Vladimir Poutine veut surveiller sa population sur le web. L’organisme russe qui donne notamment dans la surveillance de l’internet, le Roskomnadzor, a trouvé une entreprise pour développer une intelligence artificielle censée analyser les sites à la recherche d’informations dites interdites.
Le système sera baptisé « Oculus » – l’œil en latin – et examinera les URL, les images, les vidéos et les échanges sur les réseaux sociaux des internautes russes, selon un article du Kommersant, publié ce 17 août. Les discussions privées devraient également faire l’objet d’un contrôle.
Quelles informations seront ciblées par l’IA du Kremlin ? La liste est longue. Selon le Roskomnadzor, le réseau neuronal va sélectionner des propos faisant la propagande de l’homosexualité, des signes d’extrémisme, de terrorisme, des appels à des évènements illégaux, des manques de respects envers la société, ainsi que méthodes de fabrications de drogue ou des ventes d’armes.
L’entreprise chargée de créer le KGB du web se nomme Eksikyushn, une société russe de logiciel relativement inconnue, d’une trentaine d’employés, avec un chiffre d’affaires de près de 4 millions d’euros. Le Kremlin accordera un budget de 57,7 millions de roubles, soit 965 000 euros, à son prestataire pour développer Oculus. Le système pourra parcourir le web, décryptant 2,3 images par seconde grâce à 48 serveurs dédiés. Le Roskomnadzor estime que le réseau sera déployable dès le mois de décembre.
Maintenant, revenons à la réalité : il est impossible de créer un tel système avec un budget aussi faible. De plus, le Kommersant relève que « la formation de l’algorithme d’apprentissage automatique pour une tâche aussi complexe en seulement quatre mois est un délai très court, et le résultat ne devrait pas avoir une précision de détection supérieure à 90 %. » Ce qui signifie que de nombreux Russes pourraient se retrouver en instance judiciaire sans preuves réelles.
Beaucoup d’options pour échapper au contrôle
Vladimir Poutine aimerait recopier le modèle du gouvernement chinois, capable de surveiller ses citoyens sur le web, sauf que la Russie est loin d’être capable de fournir tous les besoins et les usages à sa population. Si Beijing réussit aussi bien sa mission de contrôle, c’est parce que les Chinois surfent exclusivement sur Baidu et discutent sur WeChat. Les Russes ont bien Yandex comme moteur de recherche – 47% de part de marché dans le pays – ainsi que VKontakte comme réseau social local – 76% de la population détient un compte – mais lorsqu’il s’agit d’échanges privés, ils privilégient Telegram, WhatsApp ou Google.
On peut néanmoins y voir une nouvelle étape dans la radicalisation du régime russe. Un mois après l’invasion de l’Ukraine, le Kremlin interdisait tous les médias d’opposition dans le pays, sous peine de 15 ans de prison pour diffusion de « fausses informations ». Vladimir Poutine rêve depuis longtemps de contrôler l’activité internet de ses citoyens, mais la nouvelle de ce réseau de surveillance ne fera que déplacer des millions de Russes sur d’autres plateformes. Selon Top10VPN, entre février et mars 2022, la demande de VPN en Russie a augmenté de 2 692 %.
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