Wizz, une application présentée comme un moyen pour les adolescents de se faire de nouveaux amis, se retrouve accusée d’avoir servi de terrain de chasse à de nombreux prédateurs sexuels pour entrer en contact avec des mineurs. Aux États-Unis, les médias tirent la sonnette d’alarme et appellent les politiques à agir.

(L’article de The Hill évoqué dans ce texte est accessible ici. Il recense et détaille davantage les différentes affaires liées à Wizz. Vous pouvez le consulter pour plus d’informations. Le reste de cet article se concentrera uniquement sur les aspects techniques et cyber de cette affaire.)

« L’app pour te faire des potes », voilà la promesse affichée par Wizz sur sa page de téléchargement disponible sur l’App Store et Google Play.
Dans la fiche descriptive rédigée par l’entreprise, on promet « le fun de l’inattendu », « le frisson de la nouveauté », mais aussi « un environnement sûr et inclusif ».

Concrètement, le principe repose sur un système de swipe commun à de nombreuses applications de rencontre comme Tinder : des profils défilent à l’écran, il faut swiper vers la droite si le profil de l’utilisateur ne vous plaît pas, et vers la gauche si l’on souhaite faire plus ample connaissance. Si le swipe est réciproque, une fenêtre de conversation s’ouvre, permettant de discuter en direct avec son interlocuteur.

Il suffit d’un rapide coup d’œil aux visuels, à la description et au site de Wizz pour identifier sa cible évidente : les jeunes, et plus précisément les très jeunes.

Au-delà de l’aspect moral du fonctionnement de l’application et de sa cible, un problème majeur se pose concernant Wizz : sa cybersécurité.

Déjà retirée des plateformes en janvier 2024 à la suite de scandales de sextorsion impliquant des mineurs, Numerama avait alerté sur les failles de son nouveau système de contrôle d’âge lors du retour de l’application sur les plateformes de téléchargement en mars 2024, en relayant les découvertes d’un hacker éthique.

À l’époque, Wizz avait invoqué dans la rubrique Cyberguerre « les compétences techniques rares de cet expert qui lui ont permis de contourner les systèmes de sécurité de pointe de Wizz ».

Mais visiblement, ces compétences sont à la portée de bien plus de monde que ne le prétend l’entreprise parisienne.

Dans un article publié le 7 décembre 2025, le journal américain The Hill recense plusieurs affaires sordides survenues aux États-Unis présentant le même schéma : des prédateurs sexuels ont réussi à créer des profils et à contacter de jeunes victimes en se faisant passer pour des mineurs auprès du système de protection.

Pire encore, le média affirme que l’un de ses journalistes de 28 ans est parvenu à créer «  facilement  » un profil en se faisant passer pour un adolescent de 16 ans.

Contenu promotionnel de Wizz sur l'App Store // Source : App Store
Contenu promotionnel de Wizz sur l’App Store // Source : App Store

Des discussions cloisonnées en fonction de l’âge

Concrètement, même si Wizz est référencée comme une application réservée aux plus de 18 ans sur l’App Store, l’entreprise affirme explicitement viser les 13-21 ans.

Dans sa rubrique de conseils destinés aux parents, elle explique avoir créé l’application afin que « vos enfants profitent d’interactions sociales positives  » et bénéficient d’« un espace d’expression authentique ».

Pour cela, Wizz invite ses jeunes utilisateurs à explorer de nouveaux horizons tout en garantissant un cloisonnement des utilisateurs selon leur âge : « Par exemple, un utilisateur de 14 ans ne pourra interagir qu’avec des pairs âgés de 13, 14 et 15 ans. »

C’est précisément ce point que conteste The Hill, en répertoriant les affaires dans lesquelles Wizz est citée par des prédateurs et en démontrant qu’un journaliste a pu créer un compte destiné aux mineurs. Ce résultat remet en question les mesures de sécurité de la plateforme, pourtant mises en avant sur son site officiel : « Les initiatives de sécurité de Wizz comprennent des technologies d’IA sophistiquées, une vérification d’âge approfondie couvrant tous les utilisateurs de l’application avec Yoti, une modération pionnière des textes avec Bodyguard et des images avec Hive, ainsi qu’une équipe de modération dédiée de 20 personnes travaillant 24 heures sur 24 pour superviser les activités de la plateforme et traiter rapidement les signalements. »

Ce sont ces mêmes dispositifs qui avaient permis à Wizz de réintégrer les plateformes de téléchargement quelques jours seulement après son premier bannissement.

Pour le journal américain, cette nouvelle preuve doit servir d’électrochoc pour les autorités. The Hill appelle les membres du Congrès à adopter le Kids Online Safety Act, un projet de loi imposant une obligation de vigilance aux plateformes en ligne susceptibles d’être utilisées par des enfants.

Concrètement, cette loi viserait à contraindre les entreprises technologiques à faire preuve de diligence raisonnable en concevant leurs services dans une optique de sécurité des mineurs. Une telle mesure aurait, selon The Hill, pu empêcher la diffusion de Wizz de la plateforme française vers les États-Unis.

Une plateforme détenue par un géant français

Car oui, même si la communication de l’application, qui compte des centaines de milliers de followers sur Instagram et TikTok, est résolument tournée vers le marché international, et plus particulièrement américain, Wizz est bel et bien une entreprise parisienne.

Elle appartient au groupe français Voodoo, qui développe notamment l’application BeReal.

Dans un article de blog publié en 2023, les fondateurs de la plateforme, lancée en 2019, expliquaient l’avoir conçue comme un projet expérimental destiné à accompagner le catalogue de jeux mobiles de Voodoo, pour la plupart gratuits.

Dans ce même article promotionnel, l’entreprise annonçait que ses jeux avaient été téléchargés plus de six milliards de fois sur l’App Store et Google Play, réunissant plus de 150 millions d’utilisateurs mensuels.

À l’époque déjà, Wizz comptait plus de 14 millions de téléchargements. Aujourd’hui encore, l’application reste disponible sur l’App Store et Google Play, accessible et utilisable en français, allemand, anglais, danois, espagnol, italien, japonais, norvégien, néerlandais et suédois.

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