Le terme de blockchain vous effraie, le nom du bitcoin ne vous évoque que du dark net et vous n’avez jamais manipulé d’ether de votre vie ? Cet été, Numerama vous explique tout sur les crypto-monnaies.

La crypto monnaie est un monde un peu étrange, même sur les standards de l’industrie de la tech. Regorgeant de subtilités techniques que peu de gens ont encore vraiment tenté de vulgariser, c’est le genre d’univers palpitant où des projets âgés de trois semaines peuvent atterrir sur le podium des capitalisations cryptofinancières, et où un actif peut perdre 80 % de sa valeur en 24 heures.

Si cette nouvelle ruée vers l’or vous fait rêver, vous êtes au bon endroit : dans les semaines à venir, on vous expliquera tout sur les crypto monnaies (ou cybermonnaies…) et comment investir dessus. Aujourd’hui, nous commençons donc avec quelques généralités.

Cet article sera assez bitcoin-centrique, tout simplement parce que c’est la première cryptomonnaie décentralisée, que c’est celle à la plus forte capitalisation, qu’elle a inspiré beaucoup d’autres monnaies et que son fonctionnement est assez basique, contrairement à d’autres devises comme Ethereum que nous couvrirons plus tard. Il faut aussi noter que vu le nombre de cryptomonnaies en circulation, il est fort probable que certaines d’entre elles invalident les généralités que nous ferons. Ne nous en voulez pas.

Pourquoi ne parle-t-on que du bitcoin ?

Le bitcoin, première cryptomonnaie décentralisée créée en 2009 par un être mystérieux nommé Satoshi Nakamoto, a suffisamment de notoriété pour que le grand public utilise son nom de manière interchangeable avec « crypto monnaie ».

Mais ce serait comme si des extraterrestres pensaient que la seule monnaie présente sur Terre est le dollar américain. Alors que sur notre planète circulent des monnaies aussi diverses que le dollar, l’euro ou le quetzal guatémaltèque ; chacunes avec leurs propres taux de change et d’inflation, avec leurs propres banques centrales soumises à leurs propres règles, certaines ayant un taux fixe vis-à-vis d’une autre monnaie, d’autres voltigeant au gré de la spéculation.

CC Beau Lebens

CC Beau Lebens

 

cryptocurrency-dominance

coinmarketcap.com

C’est ainsi qu’existent des centaines de cryptomonnaies différentes, le bitcoin s’apparentant peut-être au dollar, l’éther à l’euro, le ripple au yuan ou le litecoin au yen. Le site coinmarketcap.com donne en temps réel les cours, volumes et capitalisations des diverses cryptomonnaies existantes. À l’heure où sont écrites ces lignes, le marché total des cryptomonnaies pèse 100 milliards de dollars (soit les deux tiers de la valorisation d’Intel), dont environ 44 % de bitcoin, 25 % d’éther, 10 % de ripple et 3 % de litecoin.

Mais en janvier 2016, le bitcoin raflait encore 90% du marché. Sa domination ne s’est durablement effondrée qu’à partir de ce février 2017, face à l’ascension de l’éther et au renouveau du ripple.

Qu’est-ce qu’une crypto monnaie ?

Quand vous utilisez votre carte de crédit traditionnelle pour effectuer un achat, deux banques sont au courant de la transaction : la vôtre et celle du magasin dans lequel vous payez. Dans le monde de la cryptomonnaie, il n’y a qu’une seule banque, et elle fait tout : c’est à la fois elle qui gère toutes les transactions et elle qui sert de banque centrale en émettant régulièrement de l’argent. Ce qui fait que cette banque (appelée « le réseau ») est décentralisée, c’est qu’elle n’est pas dirigée par des humains mais par du logiciel open source, distribué sur des machines à travers le monde.

Cette banque ne contient ni coffres-forts ni lingots d’or : elle distribue des copies d’un immense registre de toutes les transactions jamais effectuées en son sein — la fameuse blockchain. Chacune de ces copies, et la machine sur laquelle elle se trouve, constituent un nœud du réseau. La chaîne de blocs est une technologie issue du monde de la cryptographie et n’est pas intrinsèquement liée à la finance, même si c’est là son application la plus répandue aujourd’hui. Le principe est celui d’un livre où on ajoute à intervalle régulier de nouvelles pages (blocs), sur lesquelles sont inscrites les dernières transactions.

CC Adrian Berg

CC Adrian Berg

Ce travail d’écriture est réalisé par les employés de la « banque », bien humains ceux-ci : les mineurs. Tout le monde peut en devenir un à condition d’avoir les ressources en hardware nécessaires. Et comme tout travail mérite salaire, la « banque » rémunère ses mineurs en leur reversant de la cryptomonnaie créée ex nihilo : c’est ainsi qu’est émise de la nouvelle cryptomonnaie dans ce système. Les mineurs empochent également les frais de transaction. Une fois qu’un mineur a terminé un bloc, il l’envoie aux autres nœuds du réseau, qui chacun confirment le nouveau bloc et l’ajoutent à leur copie de la chaîne.

La taille de chaque bloc est fixée à 1 Mo chez le bitcoin ; mais le nombre de transactions augmentant, les pages du registres ne sont plus assez grandes pour tenir compte en temps raisonnable de tous les échanges financiers. Les mineurs se mettent à intégrer en priorité les transactions qui offrent de leur reverser le plus de frais, les autres n’étant plus enregistrées qu’après plusieurs blocs d’attente. Le passage à des blocs de 8 Mo constitue actuellement une grande querelle de chapelle chez les mineurs de bitcoin.

Les transactions sont-elles chiffrées ?

Le principe de la cryptomonnaie est de fonctionner en toute transparence et de manière vérifiable par chacun. À moins d’utiliser une monnaie orientée sécurité comme Zcash, les transactions sont écrites en clair dans la chaîne de blocs ; et si les transactions du dark net sont anonymes, c’est grâce à l’usage de chiffrement PGP et de montages financiers dignes du blanchiment d’argent dans le monde physique. Le « crypto » de « cryptomonnaie » réfère aux techniques qui permettent de s’assurer que personne ne vienne raturer les pages du registre, par exemple pour dépenser deux fois le même bitcoin.

Avant d’écrire chaque nouvelle page, on demande à une fonction de hachage de regarder la page précédente et d’en tirer une ligne de caractères alphanumériques. C’est le même procédé que celui employé pour stocker des mots de passe en sécurité, mais ici, c’est une autre propriété du hachage qui nous intéresse : si vous changez ne serait-ce qu’un bit de vos données avant de les passer au mixeur, le résultat en sort radicalement transformé.

Coffre fort

CC Brook Ward

En l’occurrence, c’est comme si chaque numéro de page contenait un résumé intégral de la page précédente, y compris des transactions qui s’y trouvent. Impossible donc de falsifier une ligne sans re-hacher la page entière, écrire le résultat sur la page suivante, re-hacher cette page suivante, écrire le résultat sur la page d’après, etc… ce qui devient très vite prohibitif. On peut ainsi considérer que tout ce qui est écrit sur la chaîne de blocs est gravé dans le marbre.

Reste encore à assurer que les employés de la « banque » soient dignes de confiance et fassent leur travail correctement. Plusieurs réponses existent, mais la plus répandue d’entre elles s’appelle proof-of-work (PoW). Ce système, originellement pensé pour contrer le spam et les attaques en déni de service, implique des techniques cryptographiques et est au cœur de l’activité de minage de la crypto monnaie.

On peut considérer que tout ce qui est écrit sur la chaîne de blocs est gravé dans le marbre

Comment peut-on miner une monnaie virtuelle ?

Prenons l’exemple du spam dans les boîtes mail. Le principe du proof-of-work est de forcer quiconque veut envoyer un mail à y inscrire le résultat de calculs fastidieux. Le receveur doit pouvoir vérifier facilement que ces calculs ont bien été faits et que l’envoyeur n’a pas triché. C’est comme si pour mettre une enveloppe à la poste, on devait peindre soi-même le timbre. On comprend vite qu’une telle masse de travail fasse abandonner un spammeur — autant qu’un mineur malhonnête.

Dans le cas du bitcoin, les mineurs doivent trouver un nombre entier appelé « nonce » qui soit suffisamment petit pour que, une fois haché avec le bloc, le résultat soit numériquement inférieur à un objectif de difficulté fixé par le réseau (la « banque »). Cet objectif est calculé en fonction de la puissance de calcul du réseau bitcoin, de manière à ce que le temps d’émission de chaque bloc soit à peu près constant ; il est ainsi mis à jour tous les 2016 blocs, soit environ deux semaines. Le seul moyen de trouver le nonce est d’essayer bêtement chaque nombre (1, 2, 3…) jusqu’à atteindre le bon, ce qui nécessite facilement plusieurs trillions de tentatives. Vérifier si le nonce est le bon est très facile pour le réseau : il suffit de le hacher une fois avec le bloc.

Au cœur de la blockchain, des serveurs CC grover_net

CC grover_net

Plus le réseau se développe, plus la puissance de calcul demandée augmente, et la consommation énergétique aussi — de manière exponentielle. Au-delà du désastre écologique en puissance, les contraintes de puissance tendent à centraliser les activités de minage autour de pools dédiés. Il est aujourd’hui peu envisageable pour un individu seul de se lancer dans le minage ; et les mineurs à succès sont immanquablement ceux ayant le plus de moyens financiers pour acheter le plus de GPU et autres ASIC.

C’est pour cela que des systèmes alternatifs, tels que le proof-of-stake (PoS), sont employés dans des crypto monnaies comme le Nxt ou le Peercoin. Ethereum compte lui aussi à terme migrer vers un protocole PoS ; nous verrons tout cela au prochain épisode.

Est-ce que je peux changer mon Livret A par un compte Coinbase ?

Les monnaies traditionnelles sont généralement portées par l’inflation : les banques centrales font tourner la planche à billets de manière à toujours augmenter la quantité d’argent en circulation, qui du coup perd de la valeur. C’est ainsi que l’ordinateur mythique qu’est le Commodore 64, étiqueté à 595 dollars à sa sortie en 1982, coûtait en fait l’équivalent de 1 500 dollars d’aujourd’hui : le dollar a perdu plus de la moitié de sa valeur en trente-cinq ans.

Les cryptomonnaies tendent au contraire à la désinflation : par exemple, la quantité de bitcoins émis à intervalle régulier est divisée par deux tous les quatre ans, jusqu’à l’an 2140 après lequel plus aucun nouveau bitcoin ne sera émis. La valeur du bitcoin est donc économiquement vouée à monter sur le long terme, en faisant ainsi un bon placement économique. À sa création en 2009, un bitcoin valait un dollar ; la valeur de cette cryptomonnaie a depuis augmenté de plus de 250 000 %.

CC Scott Beale / Laughing Squid

CC Scott Beale / Laughing Squid

Cela dit, la désinflation vient avec ses inconvénients, et elle est redoutée chez les monnaies traditionnelles pour de très bonnes raisons : vu que vous savez que vos bitcoins vont prendre de la valeur si vous attendez, vous préférerez spontanément les garder au chaud plutôt que les dépenser. Et qui dit pas de dépenses, dit une économie qui s’arrête.

C’est pour cela que les cryptomonnaies ne remplaceront pas en l’état les monnaies traditionnelles, d’autant plus que ces dernières doivent voir leur inflation ajustée selon des objectifs politico-économiques et que cela semble difficilement envisageable dans un système décentralisé.

Le cours d’une cryptomonnaie varie de plusieurs pourcents en 24 heures

Ce manque de régulation économique rend d’ailleurs les cryptomonnaies très volatiles, soumises à des mouvements brutaux d’inflation et de désinflation. Le cours d’une cryptomonnaie varie typiquement de plusieurs pourcents voire dizaines de pourcents en 24 heures, d’où les craintes de certains gouvernements qui y voient un risque pour la stabilité financière.

Vous savez maintenant comment marchent le bitcoin et les crypto monnaies en général. Le prochain article de notre série vous fera découvrir la devise qui monte en puissance en ce moment et qui ouvre d’intéressantes perspectives technologiques : Ethereum.


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