Alors que les tensions nucléaires refont surface, les milliardaires se tournent vers un nouveau symbole de sécurité : le bunker de luxe. Porté par la peur d’une nouvelle guerre froide, le marché des abris souterrains explose, dominé par l’Américain Ron Hubbard et son entreprise Atlas Survival Shelters. Numerama a pu l’interviewer.

Alors que le film A House of Dynamite narrant les réactions des autorités civilo-militaires face à une menace nucléaire contre les États-Unis est disponible sur Netflix depuis le 24 octobre en France, la réalité dépasse désormais la fiction. Après que le président russe Vladimir Poutine s’est félicité du test d’un drone sous-marin à capacité nucléaire le 29 octobre, il n’a fallu que quelques heures pour que son homologue américain Donald Trump annonce la reprise des essais nucléaires par Washington, plus de trente ans après leur suspension. 

Face au spectre d’une nouvelle guerre froide, un homme sait tirer profit de la situation : Ron Hubbard, à la tête d’Atlas Survival Shelters. Avec son entreprise lancée en 2011 dans le Texas, il construit des bunkers. Un marché plus florissant que jamais grâce, notamment, aux ultra-riches.

À 61 ans, vous êtes devenu le magnat des bunkers le plus connu d’Amérique. Comment l’expliquez-vous ?

Probablement grâce aux réseaux sociaux. J’ai deux millions et demi d’abonnés sur YouTube, Facebook, TikTok et Instagram, car la plupart des gens me suivent grâce à mes vidéos de construction. J’ai d’ailleurs presque atteint le milliard de vues cumulées.

En 2011, vous vendiez des abris en acier comme espaces de loisirs. Quand avez-vous réalisé que la survie pouvait devenir un produit de luxe pour milliardaires ? 

Environ cinq ou six ans plus tard, j’ai compris que les gens voulaient intégrer les bunkers à leurs maisons. J’ai ainsi créé des bunkers aux intérieurs très esthétiques. Mes clients se sentent donc tout à fait normaux, enfermés dans leur bunker. Ainsi y ont-ils aménagé une magnifique cave à vin, une salle de cinéma, voire une armurerie. Personnellement, j’aime construire des bunkers secrets avec des passages dissimulés reliant la maison principale au bunker, un peu comme Bruce Wayne dans Batman, quand il accède à la batcave par sa bibliothèque. Je crée en quelque sorte des batcaves.

L’évolution morose du climat international a-t-elle agi comme un accélérateur de la demande ?

Ce qui est certain, c’est que la guerre en Ukraine a été un élément déclencheur. Beaucoup ont pris conscience que la Russie était un agresseur, ce qui a également entraîné une forte augmentation du nombre de personnes souhaitant se lancer dans le secteur des bunkers en Europe. Depuis le début de la guerre en Ukraine, il y a au moins une vingtaine d’entreprises qui se sont lancées dans la vente d’abris anti-bombes. Certaines m’ont contacté pour me demander si elles pouvaient en vendre en mon nom, obtenir une licence ou devenir des franchises d’Atlas Survival Shelters. Nous nous sommes donc développés en Europe et avons concédé des licences. Je devrais avoir des franchises dans toute l’Europe d’ici la fin de l’année prochaine.

Comment fixez-vous le prix de l’angoisse ? 

Je ne parlerai pas d’angoisse mais de sécurité. Un bunker apaise l’anxiété, on s’y sent en sécurité, on sait qu’on est protégé à l’intérieur. Pour répondre à votre question, nous avons de tout, de la « Kia » à la « Bugatti ». Nous proposons un bunker d’entrée de gamme pour une famille de quatre personnes à 25 000 dollars soit le strict minimum et le moins cher du marché. Il mesure 2,40 m sur 3,60 m, pour une surface d’environ 8 m². L’intérieur est assez petit, mais il est largement suffisant pour vous protéger des retombées radioactives, des bombardements d’artillerie ou des missiles russes. Nous pouvons aussi construire des bunkers haut de gamme à 5 millions de dollars, équipés de chambres privées, d’un salon, d’une cuisine, d’une salle de bains, d’une salle de décontamination, d’une salle des batteries ou d’une salle des générateurs. Nous vendons par ailleurs des pièces détachées aux personnes qui souhaitent construire leur propre bunker en béton. Nous fournissons notamment les portes et les systèmes de ventilation nécessaires pour la construction d’un bunker ou la transformation d’une cave en abri antiatomique.

Vous affirmez avoir quatre des quinze personnes les plus riches du monde comme clients. Pouvez-vous nous en dire un peu plus ? 

Je suis tenu par des accords de confidentialité, mais ma clientèle compte des gens comme Mark Zuckerberg, les frères Tate, Kim Kardashian ou encore MrBeast. Concernant le PDG de Meta, on m’a d’abord contacté pour m’acheter un bunker et le faire expédier à Hawaï, ce à quoi j’ai rétorqué qu’il serait plus simple de le construire sur place et que pour une somme modique, je donnerais à ses entrepreneurs des indications pour les aider à le concevoir. Ils ont donc construit eux-mêmes l’abri, ce qui est très courant pour la plupart des clients haut de gamme. Souvent, je me contente de concevoir le bunker et de leur indiquer comment le construire. Ensuite, ils font appel à des locaux pour les travaux, puis je leur vends les pièces détachées : les portes, les systèmes de ventilation et les éléments essentiels dont ils ont besoin.

Le bunker est-il devenu un symbole de statut social, comme posséder un jet privé ?

Le bunker est effectivement devenu un symbole de réussite pour les ultra riches qui pensent avoir tout acquis. Il existe un groupe d’élite qui souhaite survivre à l’apocalypse et ils ont le sentiment de pouvoir se le permettre, alors, ils s’offrent la possibilité de pouvoir survivre en cas d’apocalypse.

Pour vous, l’apocalypse n’est-elle qu’un argument marketing, ou une véritable conviction ?

Je crois qu’un jour quelque chose de grave se produira. Je pense que nous le croyons tous, et l’histoire le prouvera, qu’il s’agisse d’une catastrophe naturelle, d’une troisième guerre mondiale, d’un attentat terroriste, d’une épidémie comme la grippe espagnole de 1918 ou d’une maladie plus grave encore qu’Ebola. Le président Donald Trump n’a-t-il pas dit le 30 octobre dernier que les États-Unis allaient reprendre les essais nucléaires ? Nous n’en avions plus fait depuis 1992. Si nous reprenons les essais nucléaires, nous allons devoir repartir de zéro, un peu comme dans les années 1950 – 1960, quand les bunkers étaient populaires en raison de la Guerre froide avec la Russie. Pour moi, le bunker reste la meilleure protection contre toute menace.

Découvrez les bonus

+ rapide, + pratique, + exclusif

Zéro publicité, fonctions avancées de lecture, articles résumés par l'I.A, contenus exclusifs et plus encore.

Découvrez les nombreux avantages de Numerama+.

S'abonner à Numerama+

Vous avez lu 0 articles sur Numerama ce mois-ci

Il y a une bonne raison de ne pas s'abonner à

Tout le monde n'a pas les moyens de payer pour l'information.
C'est pourquoi nous maintenons notre journalisme ouvert à tous.

Mais si vous le pouvez,
voici trois bonnes raisons de soutenir notre travail :

  • 1 Numerama+ contribue à offrir une expérience gratuite à tous les lecteurs de Numerama.
  • 2 Vous profiterez d'une lecture sans publicité, de nombreuses fonctions avancées de lecture et des contenus exclusifs.
  • 3 Aider Numerama dans sa mission : comprendre le présent pour anticiper l'avenir.

Si vous croyez en un web gratuit et à une information de qualité accessible au plus grand nombre, rejoignez Numerama+.

S'abonner à Numerama+
Toute l'actu tech en un clien d'oeil

Toute l'actu tech en un clin d'œil

Ajoutez Numerama à votre écran d'accueil et restez connectés au futur !


Tous nos articles sont aussi sur notre profil Google : suivez-nous pour ne rien manquer !