Patrick Drahi a été très clair : SFR a beaucoup trop de salariés. D’après lui, la garantie sur l’emploi de 3 ans donnée à l’État lors du rachat de l’opérateur est « inopportune » et « a rendu les choses compliquées et créé des tensions ». Conclu en 2014, ce pacte prendra fin l’an prochain. Une échéance qui n’a pas échappé à la direction de SFR, puisqu’elle commence à évoquer une réduction de la masse salariale.
Mais il serait hasardeux de croire que seul l’opérateur sera affecté par la politique de réduction des coûts. Les sous-traitants risquent aussi de trinquer dans les mois à venir. Le journal Le Monde rapporte la situation de deux d’entre eux, Sitel et Arvato, qui se trouvent dans une voie sans issue : en effet, aucune des deux options sur la table n’est en mesure de donner satisfaction
« Ils ont proposé de continuer un an de plus, mais avec une baisse de flux de 70 %. Ce qui nous pousserait à mettre rapidement 1 000 de nos 1 500 salariés dédiés à SFR dehors », commente un salarié d’Arvato. La seule autre alternative proposée est de se détourner de SFR, puisque celui-ci leur a signifié la fin de leur partenariat à la rentrée prochaine. Un délai trop court pour que les deux sous-traitants puissent se retourner.
« Il n’est pas anormal de changer de prestataire, mais nous demandons un délai au moins jusqu’à fin 2017, le temps de trouver de nouveaux clients. En l’état, avec une baisse de charge prévue aussi rapide, nous courons le risque de devoir faire un plan social dès la rentrée », prévient un autre proche du dossier. Or, tout a été décidé dans des délais très courts, dans des volumes bien trop importants.
Pour Arvato et Sitel, c’est leur avenir qui est sur la sellette : en effet, le premier génère près d’un tiers de ses revenus issus de la relation client grâce à son contrat avec SFR. Le second quant à lui réalise l’essentiel (70 %) de son chiffre d’affaires avec l’opérateur. Il y a 600 personnes qui travaillent pour Sitel en France. Un divorce aussi rapide avec SFR laisserait là aussi beaucoup d’employés sur le carreau.
Les nouvelles relayées dans la presse ont provoqué des réactions au sein du personnel politique, à commencer par Axelle Lemaire, la secrétaire d’État chargée du numérique. Dans un message, elle reproche à demi-mot cette vision comptable au détriment du sort des gens et de la qualité de la relation client, alors qu’une partie des appels pourraient être délocalisés à l’étranger.
De son côté, la députée Côtes-d’Armor, Corinne Erhel, s’étonne toutefois du manque d’anticipation du gouvernement. Elle rappelle que ce sujet avait été évoqué début avril à l’Assemblée nationale, dans une discussion qui impliquait non seulement Axelle Lemaire mais aussi le ministre de l’économie, du redressement productif et du numérique de l’époque, Arnaud Montebourg.
À l’époque, la parlementaire faisait remarquer que « Numericable a pris des engagements pour les emplois actuels, mais seulement au sein du groupe ». « Or, invariablement, les rapprochements se répercutent chez les équipementiers et les prestataires. Qu’en sera-t-il en l’occurrence ? Dans le rapport […] sur l’impact de la régulation après l’arrivée du quatrième opérateur, nous avions mis en exergue la nécessité absolue de mesurer l’impact économique global des décisions prises ».
Arnaud Montebourg avait alors réagi en annonçant, citant l’exemple de Bouygues Telecom de rapatrier ses centres d’appel en France, que le gouvernement allait « en demander autant à SFR-Numericable ; nous veillerons à tout le moins au maintien de ceux qui existent et nous n’accepterons pas que les engagements pris aient pour conséquence des licenciements chez les sous-traitants, même si cela se voit moins ».
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