Mercredi, le premier ministre Manuel Valls présentera le plan anti-Djihad sur lequel il avait travaillé au ministère de l'intérieur. Parmi les mesures phares figurera une surveillance accrue des réseaux terroristes sur Internet, avec le risque d'une violation de la vie privée et de la liberté de communication.

Le premier ministre Manuel Valls présentera lui-même mercredi matin en conseil des ministres le "plan anti-Djihad" qu'il avait préparé lorsqu'il était place Beauvau, et qui sera porté par le nouveau ministre de l'intérieur Bernard Cazeneuve. A l'occasion d'un déplacement à l'Institut du Monde Arabe, le président François Hollande a déjà dévoilé l'ambition du plan, qui portera notamment sur la lutte contre l'embrigadement de jeunes combattants sur Internet.

"La France déploiera tout un arsenal, en utilisant toutes les techniques, y compris la cybersécurité", a ainsi expliqué François Hollande.

"Insistant en outre sur la «vigilance» dont les services doivent faire preuve face au «terrorisme via Internet» qui sert de «vecteur pour de nombreux recruteurs», Bernard Cazeneuve entend muscler davantage encore la surveillance du «cyberdjihadisme» et des sites extrémistes où s'entremêlent fantasmes, recettes explosives de petits chimistes ainsi que toute une logorrhée sur la mort en martyr", confirme Le Figaro.

Ce pourrait signer le retour du délit de visite régulière de sites internet terroristes, qui avait été proposé par des députés UMP dans le cadre de la loi relative à la sécurité et à la lutte contre le terrorisme du 21 décembre 2012. Le texte punissait de deux ans de prison et 30 000 euros d'amende "le fait de consulter habituellement un service de communication au public en ligne mettant à disposition des messages provoquant directement à des actes de terrorisme ou faisant l'apologie de ces actes au moyen notamment d'images montrant la commission d'infractions d'atteinte volontaire".

Finalement, l'amendement avait été rejeté par la majorité socialiste, qui avait entendu les critiques et notamment les grandes réserves émises par le Conseil National du Numérique (CNNum). Mais le débat n'a pas été clos pour autant.

Internet au coeur du terrorisme…

Dès mai 2013, l'ancien ministre de l'intérieur Manuel Valls avait dit son souhait d'intensifier la traque des terroristes potentiels sur Internet, en utilisant toutes les "traces exploitables" possibles. "Internet est un moyen discret de communication qui laisse toutefois des traces exploitables par les services spécialisés. Donc, cela doit être une priorité pour nous", avait-il expliqué à Libération.

Dans un rapport publié dans les jours suivants, la commission d'enquête parlementaire sur le fonctionnement des services de renseignement français avait mis en exergue le rôle prépondérant joué par Internet dans le recrutement des extrémistes prêts à passer à l'acte. "Face à la diversité des profils terroristes auxquels les services sont confrontés, internet demeure un facteur déterminant : c’est probablement, avec le passage au sein d’un établissement pénitentiaire, le seul dénominateur commun aux terroristes agissant sur le sol français", soulignait la commission. Témoignant de son activité, le juge anti-terroriste Jean-Marc Trévidic avait également affirmé que désormais "tous nos jeunes [mis en cause] sont embrigadés par le biais de l’internet".

… Mais c'est quoi le terrorisme ?

Un mois après la publication du rapport, Manuel Valls et l'ancienne ministre de la justice avaient signé un arrêté autorisant les policiers à s'infiltrer sur les sites internet de propagande terroriste. Mais jusqu'à présent, aucun texte n'est venu confirmer la volonté de cibler les internautes qui visitent des sites sur lesquels les discours des djihadistes peuvent avoir de l'écho. 

Car même si l'objectif est louable, c'est bien la liberté de communication qui est en jeu, et la liberté d'information. C'est une chose de condamner des actions terroristes ou des actes préparatoires concrets (achats de matériels de conception d'une bombe, réservation de billets d'avion dans des destinations de djihad,…), ça en est une autre d'interdire à des citoyens libres de se renseigner à la source sur les activités ou l'opinion politique de ces groupes terroristes, sans y participer eux-mêmes.

D'autant que le terrorisme est une notion à géométrie variable qu'il n'est pas toujours simple d'appréhender. Par exemple, il a fallu attendre juillet 2013 pour que la branche armée du Hezbollah au Liban soit inscrite sur la liste des Organisations considérées comme terroristes par le Conseil de l'Union européenne. Dans la France occupée, les Résistants étaient considérés comme des terroristes par l'occupant. En Palestine, Israël considère comme "terroristes" les actions que le Hamas considère comme de la résistance (c'est d'ailleurs la signification de l'acronyme Hamas : "Mouvement de résistance islamique").

Or où s'arrêtent les actes de terrorisme, et où commencent les actions de guerre (qu'elle soit dirigée contre une puissance étrangère ou qu'il s'agisse d'une guerre civile) ?

Juridiquement, l'article 412-1 du code pénal détermine une série de crimes et délits considérés comme des actes de terrorisme (meurtres, enlèvements, détournements d'avions, dégradations, vente d'armes, blanchiment d'argent), en précisant qu'ils atteignent cette qualification lorsqu'ils sont commis "intentionnellement en relation avec une entreprise individuelle ou collective ayant pour but de troubler gravement l'ordre public par l'intimidation ou la terreur". Autant dire que la qualification est sujette à interprétation et qu'elle dépend beaucoup du contexte, notamment historique.


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