L'examen du jugement rendu par le jury californien qui a condamné Samsung montre des erreurs qui devraient permettre au sud-coréen d'obtenir son annulation. Pressés d'en finir après des semaines d'audience, les jurés ne paraissent pas avoir rempli leur devoir avec la rigueur nécessaire.

Samedi, un jury américain composé de neuf jurés a décidé de condamner Samsung à payer 1 milliard de dollars à Apple, en jugeant que le fabricant sud-coréen avait effectivement copié les appareils de la firme de Cupertino et violé un certain nombre de brevets. Mais outre le danger qu'un tel jugement fait peser sur une économie largement fondée sur la libre concurrence, sa validité juridique est largement mise en doute par les experts qui l'ont examiné. Il semble en effet que le jury a fortement manqué de rigueur et que Samsung aura de sérieux arguments à faire valoir pour contester leur verdict, si tant est que le juge ne décide pas lui-même d'ordonner un nouvel examen de l'affaire.

Le site Groklaw, qui fait référence dans la communauté juridique américaine, pointe du doigt le comportement des neuf jurés, qui paraissent avoir été un peu trop pressés de rentrer chez eux. A la surprise générale, ils n'ont en effet mis que 3 jours à rendre un verdict qui exigeait qu'ils répondent à 700 questions (un avocat explique pourtant qu'il lui faudrait plus de trois jours pour ne serait-ce que comprendre le jugement). Et dans leur grande expérience judiciaire, les neuf citoyens américains désignés par tirage au sort parmi la population ont décidé qu'il ne leur était pas nécessaire de lire les 109 pages d'instructions (.pdf) communiquées par le tribunal. Free style.

Les jurés semblent s'être largement reposés sur celui qui, parmi eux, avait été désigné président. Or l'homme en question, Velvin Hogan, est lui-même titulaire de brevets, ce qui pose questions sur son impartialité (c'est lui qui aurait convaincu le jury qu'il n'était pas nécessaire de lire les instructions). "Hogan détient des brevets, donc il nous a guidé à travers son expérience", reconnaît ainsi un des jurés interrogés par Cnet. Mais pire, le juré explique que lors des débats, le jury a décidé "pour aller plus vite" de zapper la question de l'antériorité de l'état de l'art, qui est essentielle à la condamnation d'un contrefacteur. On ne peut condamner quelqu'un pour la violation d'un brevet portant sur une technologie qui, en fait, existait déjà avant le dépôt du brevet. 

Parfois, le jugement manque même totalement de cohérence. Ainsi, Samsung a été condamné à payer plus de 2 millions de dommages et intérêts pour son téléphone Samsung Intercept… dont le jury reconnaît pourtant qu'il ne viole aucune des propriétés intellectuelles d'Apple. De quoi faire peser un doute sérieux sur le bien-fondé des autres condamnations concernant les autres appareils.

Enfin, il y a aussi des erreurs en droit. Dans une interview, Velvin Hogan explique ce qui a motivé l'octroi d'un peu plus de 1 milliard de dollars de dommages et intérêt à Apple : "Nous voulions nous assurer que le message envoyé ne serait pas juste une tape sur la main. Nous voulions nous assurer qu'il serait suffisamment lourd pour être douloureux, mais pas de façon déraisonnable". Or, le jury n'a pas à peser les dommages et intérêts en fonction du message qu'il veut envoyer. S'ils avaient lu la page 49 des instructions, ils auraient lu que "vous devriez garder à l'esprit que les dommages et intérêts que vous accordez sont destinés à compenser le titulaire du brevet et pas à punir le contrefacteur", et que la somme doit permettre de "mettre le titulaire du brevet approximativement dans la même situation financière que celle dans laquelle il aurait été si la violation n'avait pas eu lieu".

Apple ne peut donc pas encore crier victoire, loin s'en faut. Le feuilleton devrait se prolonger encore de nombreux mois, si ce n'est de nombreuses années.


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