1. C’est quoi, Albert ?
Albert est une intelligence artificielle (IA) générative, indique le ministère de la Transformation et de la Fonction publiques. Précisément, signale la direction interministérielle du Numérique (DINUM), Albert appartient à la catégorie des agents conversationnels (ou chatbots en anglais). L’outil est décrit comme un assistant d’information juridique.
Un chatbot est un programme informatique qui simule des conversations avec des internautes — le plus connu est sans aucun doute ChatGPT. Il se sert de l’IA pour comprendre les questions qu’on lui pose et répondre, en se fondant sur les informations sur lesquelles il a pu s’entraîner au préalable. Il peut aussi chercher des informations sur Internet.
Pour Albert, l’objectif est d’épauler les agents de l’administration française sur des questions que peuvent se poser la population. Dans ce cadre, l’outil a été façonné sur des données provenant de sources officielles, afin d’apporter des réponses fiables, et surtout plus rapidement, afin de faire gagner du temps aux Françaises et Français.
Présenté comme une solution souveraine, Albert a été développé au sein de Datalab, un incubateur qui appartient à Etalab, un département rattaché à la DINUM. Par le passé, les spécialistes de la DINUM ont déjà eu à mener des projets de souveraineté, à l’image de la messagerie Tchap et du portail de connexion aux services publics FranceConnect.
2. Pourquoi parle-t-on d’IA souveraine avec Albert ?
Dans son discours du 23 avril, et intitulé Transformer l’État : débureaucratiser, simplifier, mettre l’IA au service des Français, le Premier ministre a fortement mis l’accent sur le caractère souverain de l’intelligence artificielle. La notion est revenue à neuf reprises dans la bouche de Gabriel Attal, pour souligner que la France « ne dépendra de personne. »
La question de la souveraineté en intelligence artificielle implique d’avoir une réponse nationale à différents niveaux de la « pile » que constitue l’IA. Cela concerne en particulier les modèles de langage (le « moteur » d’un chatbot), les données sur lesquelles ils sont entraînés (le « carburant ») et la structure sur laquelle tout repose (le « véhicule »).
Dans le cas d’Albert, le dépôt GitHub d’Etalab consacré au chatbot indique que pour ce qui est du carburant, ce sont des sources de données officielles françaises qui sont utilisées. Pour la structure, c’est un hébergement maison qui est mobilisé, afin de ne pas avoir à dépendre d’acteurs étrangers, et ainsi ne pas s’exposer des difficultés ultérieures.
Reste la question des modèles de langage. Il s’avère que le chatbot Albert n’est pas livré avec un grand modèle de langage conçu spécifiquement pour faire de l’administratif. Il s’appuie sur des solutions existantes : LLaMA-2, mis au point par Meta, la maison mère de Facebook, et Mistral, une startup française très en vue dans le domaine de l’IA.
Si LLaMA-2 a été développé par Meta, et lancé en juillet 2023, il est open source. Le code source est consultable en ligne et n’importe qui à la possibilité d’itérer dessus, et de faire des modifications, selon ses besoins. La même philosophie a été suivie pour le modèle Mistral-7B. L’outil, lancé en septembre 2023, est également ouvert.
3. À quoi va servir Albert ?
Dans les grandes lignes, selon Gabriel Attal, l’intelligence artificielle dans l’État doit aboutir à des « procédures plus simples », des « délais plus rapides », des « réponses plus sécurisées » et des « politiques publiques plus efficaces. » Il ne s’agit pas non plus de remplacer les agents, mais de leur enlever des tâches répétitives.
Concernant spécifiquement Albert, son rôle sera de « pré-rédiger les réponses aux 16 millions de demandes annuelles en ligne », annonce le gouvernement. Il sera nécessaire de contrôler préalablement chaque réponse par un agent de l’État : en clair, pas question de laisser l’IA parler à un administré sans vérifier ce qu’elle raconte.
Il a aussi été évoqué d’autres tâches que l’on pourra confier à l’IA, mais ce n’est pas nécessairement Albert qui s’en chargera. D’autres outils pourront être conçus et mobilisés.
Parmi les exemples qui sont donnés, figurent :
- la retranscription automatique d’audiences judiciaires,
- la pré-instruction de dossiers environnementaux,
- la création d’évaluation pour les étudiants (ici, ce sera une IA à part, baptisée Aristote),
- la détection de feux de forêt et d’incendies,
- la gestion des ressources humaines dans la fonction publique, etc.
4. Depuis quand Albert existe-t-il ? Quand va-t-il arriver ?
Le développement d’Albert a démarré au printemps 2023, il y a près d’un an. Actuellement, le chatbot est toujours en phase de test et sa conception se poursuit en parallèle. Il est notamment mis à l’épreuve dans des guichets qui regroupent plusieurs administrations (les espaces France services), pour jauger le retour des fonctionnaires.
Selon notre confrère Émile Marzolf, les sentiments sont contrastés chez les agents — certains n’y voient aucune utilité, d’autres estiment que cela peut les aider à s’y retrouver parmi la myriade de démarches administratives. À l’état de prototype, Albert n’est pas encore prêt pour un déploiement à grande échelle.
Cela étant, le gouvernement a fixé un horizon pour les équipes de Datalab, en mentionnant un « déploiement d’une intelligence artificielle 100 % française dans les services publics d’ici à 2026. » C’est aussi à cette échéance que les espaces France services devront atteindre les 3 000 guichets — il y en avait 2 700 fin 2023.
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