Pour une raison qui n’a de logique que dans l’esprit des ayants droit, les sociétés de gestion collective exigent d’être payées pour la publicité que les marchands de musique font à leurs œuvres, lorsqu’ils permettent d’en écouter des extraits. En France, la Sesam impose ainsi aux plate-formes de musique en ligne une rémunération minimale de 200 euros par mois pour avoir le droit de diffuser des extraits de 45 secondes maximum. Un tarif qui n’a pas été révisé depuis 2001. En droit français, aucune exception légale ne permet d’y échapper. La FNAC avait même été poursuivie à une époque parce qu’elle permettait à ses clients d’écouter les disques dans ses rayons.

Aux Etats-Unis, l’ASCAP et la BMI ont elles aussi tenté d’imposer de telles rémunérations sur les extraits, mais en vain. Le « Fair Use » du droit d’auteur américain autorise sans contrepartie les utilisations des œuvres lorsque c’est fait sans aucun préjudice aux ayants droit, et même en l’espèce, dans le but de les servir.

Au Canada, la Cour d’appel fédérale vient de confirmer vendredi que les extraits de 30 secondes diffusés sur iTunes et consorts sont aussi couverts par le « fair dealing » (utilisation équitable) prévue par la loi canadienne sur le droit d’auteur. Elle confirme l’avis qu’avait rendu la Commission du droit d’auteur en 2007, et auquel s’opposait la SOCAN, la Sacem locale.

L’article 29 de la loi canadienne sur le droit d’auteur limite l’utilisation équitable des œuvres aux cas d’étude privée et de recherche, de critique et de compte-rendu, ou de communication des nouvelles. Dans son avis de 2007, la Commission avait estimé que les extraits de 30 secondes entraient dans le cadre de la « recherche » autorisée par l’utilisation équitable, puisqu’ils permettent aux clients de rechercher les œuvres qu’ils souhaiteront ensuite acheter. Mais la SOCAN avait fait appel, en estimant que le législateur n’avait souhaité viser que la recherche de nature scientifique, même si ça n’était pas explicitement écrit dans la loi.

Or dans sa décision, la Cour d’appel fédérale a jugé que le législateur avait « choisi » de ne pas restreindre la « recherche« , et qu’elle pouvait donc être aussi « culturelle« . « Il a choisi de ne pas le qualifier pour que le terme puisse être appliqué au contexte dans lequel il est utilisé, et pour maintenir un équilibre entre les droits du titulaire de droits d’auteur et les intérêts des utilisateurs« , a noté la Cour. « Le consommateur recherche un objet de droit d’auteur qu’il ou elle désire et essaye de le localiser et espère s’assurer de son authenticité et de sa qualité avant de l’obtenir« .

La décision de la cour d’appel devrait ainsi considérablement étendre les droits des utilisateurs au Canada, dans l’espoir de préserver l’équilibre des droits du public avec ceux des auteurs. En France, on peut toujours attendre…


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