Google a été condamné par le tribunal de grande instance de Paris à verser 300.000 euros de dommages et intérêts à l’éditeur La Martinière, propriétaire du Seuil. Il est reproché au groupe américain d’avoir rendu des extraits des certains des ouvrages français accessibles sur le net, grâce à son programme de numérisation, sans l’autorisation de l’éditeur. Une application très stricte du droit d’auteur, qui ne sert pas nécessairement les auteurs.

Mise à jour – le dossier ira donc en deuxième instance. L’AFP rapporte que Google France a annoncé hier vouloir saisir la cour d’appel de Paris pour renverser le jugement rendu par le tribunal de grande instance. Pour l’avocate de Google, maitre Alexandra Neri, la décision par cette première juridiction « ne fait pas avancer les droits d’auteurs, en revanche il constitue deux pas en arrière pour les droits d’accès des internautes au patrimoine littéraire français et mondial, on met la France en queue du peloton de l’internet« .

Le responsable juridique de Google France, Benjamin du Chaffaut, a réagi hier en expliquant que « Ce qu’on nous a interdit, c’est de poursuivre la numérisation, mais surtout l’affichage référencement de ces ouvrages, et uniquement les ouvrages de La Martinière. Ce n’est pas une injonction générale d’interdiction de référencer tous les ouvrages de tous les éditeurs, c’est uniquement, d’abord les ouvrages sous droit d’auteur, et ceux de La Martinière« .

Article publié le 18 décembre – L’agence Reuters rapporte que le tribunal de Paris a condamné vendredi Google au paiement de 300.000 euros de dommages et intérêts pour « contrefaçon » de livres publiés par le groupe français d’édition La Martinière, qui possède notamment la maison d’édition Le Seuil.

Le tribunal a suivi les réquisitions de l’éditeur, qui reprochait à Google d’avoir utilisé des fonds de bibliothèques américaines pour numériser des livres français. Quelques milliers d’ouvrages de La Martinière / Le Seuil étaient ainsi référencés sur Google Book Search, où les internautes pouvaient accéder à des extraits, mais pas aux livres complets. Selon l’éditeur, qui réclamait 15 millions d’euros de dommages et intérêts, la pratique violait à la fois les droits moraux sur les livres (à cause d’une prétendue mauvaise qualité de numérisation, et à cause de la diffusion d’extraits qui dénaturent l’œuvre), et surtout les droits patrimoniaux (l’argent sonnant et trébuchant issu de la vente des livres).

C’est la première fois que la justice se prononce contre le service de numérisation des livres de Google, qui fait actuellement l’objet d’études à la fois au ministère de la Culture et à Matignon. La décision devrait aussi ravir Nicolas Sarkozy, qui s’est déclaré ce mois-ci opposé au projet de numérisation du géant américain. « Nous ne nous laisserons pas dépouiller de notre patrimoine au profit d’une grande entreprise, quand bien même celle-ci serait sympathique, importante ou américaine« , a ainsi déclaré le président de la République.

Toutefois la victoire a un goût curieux. On se demande encore comment la diffusion d’extraits de livres français aux Etats-Unis peut constituer un dépouillement du patrimoine ou de la culture française. Au contraire, plus la culture française est « indexée » et « cherchable » (donc trouvable) aux Etats-Unis, plus elle bénéficie d’une exposition salutaire pour le rayonnement culturel français.

Vouloir enfermer les livres dans le coffre fort du droit d’auteur n’est pas la meilleure manière de servir la culture nationale. Ni probablement celle de vendre davantage de livres. L’éditeur américain O’Reilly, dont les livres intéressent pourtant au premier chef les « geeks », a remarqué que le piratage de ses ouvrages était bénéfique aux ventes.

La dépêche de Reuters ne dit rien des détails de la décision, et notamment du droit qu’a choisi d’appliquer le tribunal de grande instance. A-t-il appliqué le droit français au motif que le dommage vise un éditeur français, ou a-t-il appliqué le droit américain au motif que la numérisation des livres s’est faite aux Etats-Unis ?

On peut toutefois déduire de la condamnation que c’est le droit français qui a été appliqué. Aux Etats-Unis, la doctrine du « fair use » – beaucoup plus laxiste que l’exception de courte citation en France, aurait probablement abouti à la relaxe de Google.


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