Le fournisseur d’accès à Internet belge Scarlet, condamné en 2007 à filtrer les réseaux P2P de toute chanson protégée par le droit d’auteur, jette l’éponge. En appel, il explique au tribunal que le filtrage est techniquement impossible et que la Sacem belge a induit la justice en erreur.

C’était une première au monde, dont la généralisation est crainte par tous ceux qui redoutent une atteinte à la neutralité du réseau. En juillet 2007, après trois années de combat judiciaire, le fournisseur d’accès à Internet belge Scarlet a été condamné à bloquer sur son réseau l’échange de toutes les chansons dont le catalogue est administré par la Sabam, l’équivalent belge de la Sacem. Le FAI, qui a immédiatement fait appel de la décision, avait six mois pour s’y conformer, sous peine d’astreinte de 2.500 euros par jour en cas d’irrespect de l’ordre judiciare.

Lors d’une audience organisée lundi par le tribunal de première instance de Bruxelles pour faire le point sur la situation, Scarlet a assuré le juge qu’il était dans l’incapacité technique de respecter la décision. Il a expliqué avoir d’abord tenté de ralentir le traffic P2P pour décourager les P2Pistes, mais sans effet sur le nombre d’œuvres piratées. Et exclut la possibilité de bloquer l’ensemble du traffic P2P, qui serait contraire au principe de la neutralité du net qui interdit de discriminer un protocole par ailleurs utilisé légalement pour l’échange de fichiers légitimes.

Surtout, Scarlet est passé à l’offensive, en attaquant la Sabam. La société de gestion collective avait en effet convaincu le juge qu’une solution de reconnaissance de l’empreinte musicale de la société Audible Magic était déjà expérimentée avec succès par le FAI américain Verizon et par un FAI asiatique. Grâce à cette technologie, il devait être possible pour le fournisseur d’accès de reconnaître à la volée les morceaux échangés et de bloquer les échanges. C’est sur la base de ce rapport d’expert présenté par la Sabam que le tribunal avait estimé que, contrairement à ce que prétendait le FAI, le filtrage était possible techniquement.

Or renseignements pris, Verizon a nié toute mise en place des solutions d’Audible Magic sur son réseau, et la Sabam est incapable de dire de quel FAI asiatique il s’agissait. En réalité, la solution de l’américain est totalement inefficace sur des transferts décentralisés en P2P (elle est utilisée en revanche par YouTube, qui est centralisé).

« Nous avons induit le tribunal en erreur« , a reconnu l’avocat des plaignants, « mais la Sabam a suivi l’expert dans le choix d’Audible Magic, donc nous avons agi de bonne foi« , a-t-il assuré. Toutefois, la société de gestion collective ne veut pas lâcher le morceau. Elle veut que Scarlet bloque purement et simplement tout traffic P2P, sans regarder spéciquement quels contenus sont filtrés. « L’argument [de l’impossibilité technique] avancé par Scarlet ne concerne pas l’impossibilité du blocage, mais ses conséquences« , avance la Sabam, qui estime que ses droits sont plus importants que ceux des abonnés à Internet qui utilisent le P2P de manière totalement légitime.


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