La pression est de plus en plus forte sur Alibaba et son fondateur, Jack Ma. Alors que ce dernier a disparu de la circulation depuis quelques semaines, et que le régulateur bancaire met la pression sur les activités de son groupe, c’est désormais la carte de la nationalisation de la société qui pourrait être abattue.

Où est passé Jack Ma ? Cette question, que la presse s’est mise à se poser au cours des derniers jours, sur l’apparente disparition du fondateur et dirigeant d’Alibaba, était en fin de compte un indice sur le sort que la Chine inflige à son enfant prodigue. En effet, le milliardaire chinois, qui s’est récemment montré critique sur la conduite de l’économie et du Parti communiste chinois, est en train de tomber de son piédestal.

C’est ce que montrent les derniers développements venus de Chine. Selon des informations rapportées par l’International Business Times le 8 janvier 2021, Beijing prévoit de nationaliser Alibaba, qui est l’un des poids lourds du commerce électronique, très puissant en Chine — c’est en quelque sorte le pendant local d’Amazon. Ant, la filiale financière, devrait elle aussi passer sous contrôle du PCC.

Reprise en main du pouvoir

Cette reprise en main de Beijing sur le chef d’entreprise et ses activités constitue de toute évidence un signal à l’égard d’autres géants du net qui ne seraient pas tout à fait alignés avec les projets du Parti. Aujourd’hui, c’est Alibaba qui est visé : mais d’autres groupes comme Baidu, JD.com, Tencent, Xiaomi pourraient aussi découvrir l’interventionnisme de Beijing s’ils dérivent trop.

Un premier avertissement à l’encontre de Jack Ma, qui n’aurait pas du tout été enlevé, mais serait incité à faire profil bas, a été observé en novembre dernier lorsque l’introduction en bourse d’Ant a été suspendue. Par ailleurs, un projet de révision de la réglementation bancaire a été découvert le jour même où Jack Ma et deux cadres d’Ant ont été convoqués dans les bureaux du régulateur bancaire.

Selon le Wall Street Journal, ce n’est pas le régulateur bancaire qui a pris seul la décision de donner un coup d’arrêt à la branche de services financiers d’Alibaba. L’ordre est venu de bien plus haut : de Xi Jinping lui-même. Comme l’analysait Antoine Bondaz, spécialiste de la Chine, sur Twitter : « Xi Jinping est le seul au sommet et au centre, Jack Ma ne doit en aucun cas faire de l’ombre à Xi et critiquer le Parti ».

Jack Ma

Jack Ma, en octobre 2018.

Source : Paul Kagame

L’intervention du président de la République populaire de Chine donne à toute cette affaire un caractère très sensible. Selon le Financial Times, les médias chinois auraient reçu pour instruction de se censurer sur les soucis de Jack Ma. La nationalisation évoquée d’Alibaba traduit également un rappel à l’ordre brutal : Jack Ma se plaignait du contrôle de l’économie par le PCC ? Le PCC confisque Alibaba. Le message est clair.

Selon le correspondant du Monde à Beijing, plusieurs motifs auraient conduit les autorités à agir de la sorte : outre les propos de l’entrepreneur et la puissance un peu trop grande des groupes Internet chinois, il y aurait aussi le fait que certaines de ces sociétés détiennent un « trésor numérique » avec les données bancaires et numériques de la population, qu’elles ne souhaitaient pas partager avec le régulateur ou les banques publiques. Par ailleurs, elles étaient aussi suspectées de « pousse-au-crime », en ne se donnant pas vraiment les moyens d’empêcher l’endettement de la population.

Il reste à voir si les échos sur une nationalisation d’Alibaba se concrétiseront effectivement. Car d’autres enjeux pèsent dans la balance, notamment sur un plan économique, alors que la Chine est dans une course au développement afin, notamment, de pouvoir rattraper et dépasser le PIB des États-Unis. Or pour y parvenir, il apparaît que l’économie doit avoir les coudées franches, sans régulation excessive.

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