2012. Android est en train de monter en puissance et de sortir du smartphone pour s’étendre sur les tablettes tactiles et différents objets connectés. L’époque est aux rêves pour les startups qui imaginent un continent de nouveaux marchés à conquérir avec ce système d’exploitation open source, capable d’être modulé à l’envi. La version « Jellybean » 4.2 doit rattraper les erreurs de l’ignoble 3.0 et de l’instable 4.0.
2012, c’est aussi l’époque où l’on croit encore aux projets hardware sur les plateformes de financements participatifs — les nombreux échecs et entourloupes ne sont pas encore arrivés. Et ce monde pré-Star Citizen va pourtant être confronté à l’une des premières déceptions majeures de cette ère technologique : la Ouya, stylisée OUYA. Le 22 mai 2019, la marque Razer qui a fini par racheter quelques éléments logiciels et architecturaux a annoncé la mort définitive des services liés à la console au 25 juin. Les comptes seront désactivés et des jeux cesseront de fonctionner s’ils doivent avoir une validation de l’achat par un serveur distant. Une mort lente pour une console à l’agonie… depuis sa sortie.
8,5 millions de dollars pour du vent
Et pourtant, le phénomène Ouya est difficilement compréhensible. Il faut se rappeler qu’en 2012, Android est encore loin d’être ce qu’il est. Le système n’est pas adapté aux téléviseurs, pas non plus aux manettes de jeu. Côté logiciel, c’est encore pire : le système d’exploitation de Google est boudé par les développeurs qui y voient un berceau pour le piratage et ne perçoivent pas d’un bon œil la multiplication des appareils, qui ne font pas tous tourner les titres de la même manière.
Android est donc l’un des moins bons systèmes pour jouer sur mobile et quand bien même, les excellents jeux mobiles qui sont des cartons à l’époque se sont adaptés à un format et à un usage : celui du smartphone avec son petit écran tactile. Les FPS et autres jeux de course sur sont déjà des démos techniques ou autres machines à microtransactions sans véritable gameplay, avec des graphismes de l’époque — au mieux passables sur un écran de 4 pouces. L’idée de transposer tout ce catalogue non adapté de jeux vidéo sur de grands téléviseurs fait pourtant mouche et la Ouya parvient à récolter la somme record de 8,5 millions de dollars sur Kickstarter, alors même que le produit est à l’état de dépliant commercial.
Pourquoi ? Les acheteurs retiennent deux arguments. D’une part, c’est la première console de jeu avec un tant soit peu d’ambition qui est vendue à 99 dollars. Un prix très bas qui promet de faire arriver le gaming dans tous les salons, alors que les consoles des géants du jeu vidéo se monnaient plusieurs centaines de dollars. D’autre part, l’équipe derrière la Ouya promet qu’il s’agira de la première console pensée pour le jeu indépendant. En d’autres termes, plutôt que les jeux mobiles disponibles sur Android, les développeurs promettent que son magasin d’application accueillera les plus grands titres indépendants et annonce même un partenariat avec l’excellent jeu TowerFall, pour montrer patte blanche.
Problème ? Tout le positif autour de la console s’est arrêté aux promesses. Un an plus tard, les premières unités de la Ouya arrivent entre les mains de la presse et des backers : c’est la douche froide. Au-delà des finitions à revoir, notamment sur l’ignoble contrôleur, les développeurs n’ont pas su régler l’un des prérequis pour une bonne expérience vidéoludique : le lag entre l’appui sur un bouton et la réaction à l’écran (input lag). Qui plus est, le catalogue de la Ouya est loin d’être à la hauteur des rêves de ses fondateurs. The Verge résumera assez bien le concept : « La Ouya n’est ni une console viable, ni une bonne plateforme de jeu vidéo, ni même une bonne interface pour un téléviseur ». Bref, tout est à jeter.
Épilogue : les backers ne sont pas contents, Ouya Inc. est en difficulté financière, des investisseurs tentent de sauver l’entreprise qui finit par se vendre à la pièce, notamment à Razer. Et puis on n’en entend plus parler. Peut-être a-t-elle eu un effet cathartique, faisant comprendre aux clients que tout ce qui n’est pas cher et sur Kickstarter n’est pas forcément bon.
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