Jul aurait-il pu deviner que la sortie de son dernier single, Toi et moi, allait recevoir un accueil aussi mouvementé sur les réseaux sociaux ? Peut-être. Le rappeur marseillais en a vu d’autres dans sa carrière. Mais une fois n’est pas coutume, certaines critiques qui ont ciblé la présentation de son dernier titre, teasé sur X (ex-Twitter) le 31 juillet 2025, ont suggéré la même chose : il s’agirait d’une chanson générée par intelligence artificielle.

« Ce son est fait à l’IA ? », interroge par exemple un internaute, en sollicitant Grok, le chatbot de X. « C’est de l’IA », lance un autre, plus catégorique. Un troisième cherche même à mettre dans la boucle le régulateur des médias (Arcom) et la répression des fraudes (DGCCRF). Il considère que Jul a eu un manquement juridique en omettant de préciser que sa musique a bien été générée par IA — et qu’il faudra donc le rappeler à l’ordre.
Ces reproches, que l’on a retrouvés sous d’autres publications ultérieures du chanteur, notamment dans ce tweet avec un message vocal dans lequel il semble avoir une voix trafiquée, n’étaient cependant pas étayés par des arguments permettant de démontrer une éventuelle supercherie. Dans les crédits de la chanson, aucune mention d’IA n’est en tout cas mentionnée. L’artiste crédité est Jul, et Kakouprod et Jul sont désignés à la composition.


Des critiques soutenues par des arguments
Les choses ont toutefois pris une autre dimension quand est intervenu dans le débat Lnkhey, un ingénieur du son et beatmaker — c’est-à-dire la personne qui compose la rythmique (le « beat ») sur les morceaux, notamment dans le hip-hop. « Jul qui sort un son entièrement fait en IA SUNO et tout le monde s’en fout, cette industrie est fichue », a-t-il asséné, dès le 1er août, jour de sortie du titre Toi et moi.
Mais il ne suffit pas de le dire pour que ce soit vrai. Aussi, à l’appui de ses affirmations, Lnkhey s’est fendu d’une vidéo de presque trois minutes dans laquelle il entend emporter la conviction des sceptiques. Le musicien vient alors à énumérer plusieurs signaux qui sont autant d’indices d’un morceau qui serait typiquement créé par IA — en l’occurrence, par l’outil SUNO, qui sert justement à générer artificiellement des chansons.

Parmi les soucis relevés : la qualité du son qui est très faible (on parle ici de la qualité du spectre audio, pas du titre lui-même), l’absence de véritable silence à certains moments de la chanson (alors qu’une IA ajouterait toujours un petit bruit de fond), des changements de certains instruments (comme la guitare) qui passent sans raison d’un son mono à un son stéréo, ou encore des chœurs dont les voix apparaissent robotisées et désarticulées.
Et pour montrer qu’il n’affabule pas, Lnkhey prend des extraits du titre de Jul pour mettre en lumière les anomalies relevées. Ici, en isolant une guitare, là en montrant qu’un silence n’est pas vraiment silencieux, et ainsi de suite. Et de préciser que son analyse s’est fondée sur le fichier disponible sur les sites de streaming musicaux, censé être de haute qualité sonore, et non pas sur celui qui circule sur X, beaucoup plus dégradé.
L’intéressé sait de quoi il parle. En tout cas, cet univers de la musique créée par IA lui est familier : comme le notait Le Figaro à l’été 2023, le beatmaker s’était fait remarquer en générant un morceau créé par IA et s’appuyant sur la voix d’Angèle. Il s’était alors servi d’un logiciel de reproduction de la voix, RVC, et avait utilisé un échantillon vocal de la chanteuse d’une durée de 10 minutes. L’IA a ensuite pris le relais, jusqu’à étonner Angèle elle-même.
Une opération marketing de Jul ?
Reste une question : et si Toi et moi était une opération marketing, un coup de com’ ? Une manière de faire parler de lui avec un buzz, qu’il soit bon ou mauvais. L’hypothèse n’est pas absurde : sur Instagram, il a publié plusieurs vocaux à la voix trafiquée peu avant la sortie du titre, et après. On le voit aussi dans un visuel manifestement généré par IA, avec la présence d’un mot-clé significatif : #IASPORTS.
Toujours est-il que si l’emploi de l’intelligence artificielle est avéré, cela va ajouter de la complexité au débat sur la place de l’IA dans la création musicale. Il existait déjà des titres entièrement générés artificiellement, par des groupes totalement factices, comme The Velvet Sundown. Maintenant, les vrais artistes semblent aussi s’y mettre. De quoi casser un peu plus la tête des plateformes… et des auditeurs pour démêler le vrai du faux.
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