Souvenez-vous : nous étions en 2014 et les premiers détails sur un projet nommé Titan émergeaient sur le web. Ce nom de code avait une signification importante : c’était, disait-on, le terme que Apple employait pour désigner son pôle dédié à la conception d’une voiture — une rumeur qui court depuis 2007, au moins. Les rumeurs ont été étoffées petits à petits par des faits : recrutements, départs, indices ici et là dans les discours de tel ou tel dirigeant de la société, négociations manquées etc. À son plus fort, le projet Titan employait jusqu’à 1 000 personnes chez Apple, travaillant toutes, vraisemblablement, sur l’automobile made in Cupertino.
Cela semble faire une éternité que nous entendons parler de cette supposée Apple Car
Cela semble faire une éternité que nous entendons parler de cette supposée Apple Car ou iCar qui n’arrive pas. Et elle n’arrive pas pour une bonne raison : sur ce dossier, Apple est particulièrement hésitant. D’après un article de Bloomberg, la société serait en train de se séparer petit à petit de tout le personnel qui travaillait sur le projet Titan : de tels mouvements n’ont pas été relevés tout simplement parce qu’ils n’ont pas été rendus public et que les postes n’ont pas été remplacés. Le média américain évoque d’ailleurs tout autant des départs que des changements de poste au sein de l’entreprise.
Le projet Titan, qui aurait bel et bien chapeauté la conception d’une voiture lors de ses premiers essais, se serait aujourd’hui reconverti en une division purement logicielle qui serait en train de travailler exclusivement sur un module pour rendre les voitures autonomes. Le mouvement est intéressant parce qu’il laisse à Apple la possibilité de vendre sa brique technologique à des marques partenaires ou de pivoter à nouveau pour retourner vers l’idée de concevoir une voiture de A à Z.
Cette équipe a intérêt, d’ailleurs, à arriver rapidement à des résultats : le comité de direction lui a donné jusqu’à fin 2017 pour être sûre de la direction qu’elle souhaite prendre. Cette deadline ferait suite à plusieurs désaccords au niveau du management qui s’est pris, vraisemblablement, la réalité de plein fouet : construire une voiture qui fonctionne et qui s’inscrit sur un marché complexe n’est pas acquis, même quand on est l’entreprise la plus riche du monde.
Ce sont peut-être, d’ailleurs, les échanges avec les différents constructeurs et le changement de plans de Google qui se voit aussi désormais comme un fournisseur de brique technologique dans l’écosystème automobile, qui ont refroidi les ardeurs de Cupertino.
Faire une voiture, ce n’est pas faire un smartphone
À l’opposé de cette réalité du marché, il y a également un autre petit qui devient grand et qui a marché depuis ses débuts sur les plates bandes d’Apple : Tesla. La société d’Elon Musk, qu’on a parfois imaginé rachetée par Apple, conçoit ses voitures comme on concevrait un smartphone. Elle tient à être en avance dans tout ce qu’elle fait et conçoit l’automobile comme un gadget qui doit, en 2016, séduire aussi bien les amoureux de la voiture que les technophiles. Nous n’avons d’ailleurs jamais caché que c’est notamment grâce à Tesla que l’automobile est arrivée comme un véritable sujet sur Numerama, aussi bien dans la tech pure qu’à travers les questions de société que les avancées de la marque posent.
Quand nous testions la Model S au printemps dernier, un représentant de Tesla nous lâchait d’ailleurs que leurs clients étaient presque tous des technophiles, qui étaient déjà clients chez Apple pour leurs gadgets. Si cette phrase qui ne vaut pas grand chose a été soutenue par des études de marché plus approfondies qui ont montré à Apple que ses clients potentiels avaient déjà trouvé un Apple de la voiture en Tesla, Cupertino se retrouve dans une position délicate… d’autant que l’aventure Tesla n’est déjà pas une partie de plaisir.
En effet, la firme d’Elon Musk a une aura incroyable, construit des produits qui sont de loin les meilleurs du marché sur de très nombreux points, mais la rentabilité n’est toujours pas au rendez-vous. Cette seconde phase de développement, qui doit arriver avec la fameuse Model 3 dont on attend encore les détails, s’appuie notamment sur la construction de la Gigafactory, l’usine entièrement robotisée d’Elon Musk. Un projet titanesque qui a sûrement creusé le porte-monnaie de l’entreprise mais qui devrait l’aider à avoir un retour sur investissement à long terme. Et cette usine, Apple ne l’a pas.
Dès lors, dans un marché très difficile à conquérir et avec un jeune concurrent qui se débat déjà en proposant peu ou prou ce qu’on pourrait attendre d’une voiture Apple, on comprend que Cupertino ait des doutes. Et compte tenu des nouvelles informations de Bloomberg, l’option brique technologique a de plus en plus de sens : au fond, Apple ne fait pas dans l’ultra-luxe et encore moins des produits qui se vendent uniquement par centaines.
Faire en sorte que n’importe quelle car puisse devenir une Apple Car, voilà quelque chose qui semble plus à la portée d’Apple, aussi bien technologiquement qu’en terme de rentabilité immédiate.
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