Le conflit entre l’Iran et Israël a éclaté au grand jour au cours du week-end du 14 avril. Elle a aussi été une démonstration de la défense aérienne israélienne : certaines interceptions de missiles balistiques iraniens ont eu lieu au-delà de l’atmosphère.

C’est sans doute l’une des manifestations les plus visibles du conflit entre l’Iran et Israël qui se mènent une guerre de l’ombre depuis des années. Dans la nuit du 12 au 13 avril, Téhéran a lancé des centaines de drones et de missiles contre Tel-Aviv — avec la complicité des houthis, au Yémen, qui ont lancé leurs propres projectiles.

Officiellement, la république islamique a inscrit son attaque dans le cadre d’un droit à la légitime défense. Le pays a déclaré que sa riposte était une réponse à la frappe aérienne israélienne qui a visé le 1er avril son consulat à Damas, en Syrie. Il est trop tôt pour déterminer si Israël va répliquer, de manière très visible ou en coulisses — même s’il semblerait que la position officielle soit à la « riposte ».

L’absence de réponse est aussi une éventualité, pour éviter une escalade : la retenue de Tel-Aviv ne serait pas injustifiable. Après tout, Israël a réussi à neutraliser la contre-attaque militaire grâce à un très performant système de défense aérienne, et l’appui de plusieurs pays alliés — dont les États-Unis, le Royaume-Uni, la France et la Jordanie.

Le bilan est effectivement très favorable : selon l’armée israélienne, le taux d’interception des missiles et des drones a atteint 99 %. Une trentaine de blessés est à déplorer, dont un en état critique. Du côté des infrastructures, deux bases militaires israéliennes ont été légèrement endommagées, ainsi qu’un avion de transport militaire.

Une interception exo-atmosphérique

C’est lors de cette attaque qu’une interception exceptionnelle a eu lieu — en effet, les moyens de défense israéliens se sont distingués en détruisant au moins un projectile adverse dans l’espace. Une vidéo filmée de nuit circule depuis la mi-avril sur les réseaux sociaux ; elle montre une explosion très lointaine, semblable à un petit feu d’artifice.

« Des images uniques montrent une interception exo-atmosphérique lors d’une attaque de missiles balistiques iraniens, probablement par le système de défense antiaérienne Arrow 3 », écrit sur X (ex-Twitter) le journaliste Emanuel Fabian. Dans la première vidéo, on peut entendre l’exclamation de surprise de personnes aux alentours.

D’après les forces israéliennes, l’attaque a mobilisé trois types d’engins :

  • des drones de type Shahed-136, dont des exemplaires ont été envoyés par l’Iran en Russie pour qu’ils servent à attaquer l’Ukraine (Moscou a également réalisé des copies). Environ 170 drones ont été recensés dans l’attaque ;
  • des missiles de croisière (environ une trentaine), dont la particularité est de voler dans l’atmosphère, à une altitude plus ou moins marquée ;
  • des missiles balistiques (environ 120), dont le déplacement suit une trajectoire parabolique (« en cloche »). Ici, le missile par très haut dans le ciel, peut franchir la limite de l’atmosphère, avant de retomber sur Terre vers sa destination.

C’est justement un de ces missiles balistiques qui a été intercepté dans la zone exo-atmosphérique.

Cette formule désigne en fait tout ce qui se trouve au-delà des 100 km d’altitude. Par convention, on considère que l’atmosphère s’arrête ici : c’est la ligne de Kármán. Elle a été choisie parce que c’est là que les effets aérodynamiques cessent : la portance d’un aéronef en vol n’est plus assurée (il n’y a évidemment pas de démarcation aussi nette).

On ignore quel modèle de missile iranien a été intercepté dans l’espace exo-atmosphérique (on présume qu’il y en a eu d’autres, compte tenu de l’ampleur de l’attaque). Selon l’agence de presse iranienne ISNA, citée par Times of Israel, neuf types de missiles iraniens peuvent atteindre Israël, dont le Sejil, le Kheibar Shekan et le Haj Qasem.

Ces trois missiles sont de la famille des projectiles balistiques. Parmi eux, le Sejil est annoncé comme capable de circuler ponctuellement dans l’espace, avec un plafond jusqu’à 450 à 500 km. Sa portée est estimée de 1 500 à 2 500 km (plusieurs versions existent), ce qui est suffisant pour couvrir la distance séparant les deux pays.

Une interception par le missile Arrow 3… ou le RIM-161 SM-3 ?

Arrow 3
Un test d’Arrow 3 en 2013. // Source : United States Missile Defense Agency

On sait qu’Israël dispose d’un missile anti-balistique maison, l’Arrow 3, dont le système permet « d’engager des missiles balistiques à plus longue portée, à plus haute altitude (exo-atmosphérique) et avec plus de précision. » Dans les années 2010, des tests avaient été menés pour intercepter des menaces dans l’espace. Ils avaient été décrits comme concluants.

C’est probablement cet équipement — développé avec un appui important des États-Unis, mais aussi de Boeing, une entreprise américaine — qui a servi à contrer les menaces à plus de 100 km d’altitude. Le New York Times rapporte son utilisation notable lors de l’attaque iranienne, selon un porte-parole de l’armée israélienne.

D’ailleurs, l’Arrow 3 a aussi un intérêt pour intercepter des charges qui ne sont pas conventionnelles. L’Arrow 3 pourrait aussi contrer des missiles nucléaires en vol, qui suivent aussi une trajectoire balistique. Un atout non négligeable, alors que l’Iran est justement accusé d’avoir un programme secret sur du nucléaire militaire.

Un aperçu des guerres de demain ?

RIM-161 SM-3
Le RIM-161 SM-3. // Source : U.S. Navy

Il existe toutefois une autre possibilité : celle d’un tir de missile RIM-161 SM-3 (Standard Missile). C’est la piste évoquée par Tyler Rogoway, le rédacteur en chef de The War Zone. Son magazine a publié un article titré : tout porte à croire que l’intercepteur SM-3 de la marine contre les missiles balistiques iraniens fera ses débuts au combat.

Des « signes indiquent que le SM-3 a pu être utilisé. De nombreuses vidéos ont été diffusées […], montrant ce qui semble être des interceptions exo-atmosphériques au-dessus d’Israël, avec des panaches visibles qui pourraient provenir de projectiles se séparant du reste d’un intercepteur ou de l’impact réel du projectile avec le missile ciblé », écrit le site.

Pour Tyler Rogoway, « nous pourrions assister ici aux débuts opérationnels du SM-3 de la marine. Nous devrons attendre les détails, mais les capacités d’interception à mi-course qu’ils apportent auraient pu être essentielles pour renforcer la défense antimissile balistique d’Israël. » Or, le SM-3 est surtout employé par l’armée américaine.

Le SM-3 s’inscrit dans le système de combat Aegis et l’interception de missiles adverses est exactement la raison pour laquelle Aegis a été conçu, note Tyler Rogoway. Aegis, élargie à la menace balistique équipe de l’US Navy. Il s’avère que l’USS Carney et l’USS Arleigh Burke, deux navires américains, ont été mobilisés pour abattre des missiles.

Le succès de cette neutralisation générale illustre en tout cas l’efficacité redoutable de la défense aérienne israélienne, qui compte notamment deux systèmes, le Dôme de fer et la Fronde de David — renforcée ici par quelques pays alliés, ainsi que certains avions de chasse de l’armée de l’air d’Israël.

Spectaculaire, ce combat spatial entre missiles n’est toutefois pas inédit. En novembre 2023, Israël aurait déjà réussi à intercepter un missile yéménite au-delà de l’atmosphère terrestre. Un évènement qui pourrait être une première dans l’histoire militaire mondiale, selon Le Figaro. En tout cas, un évènement qui préfigure sans doute les guerres à venir.

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