L’agriculture intensive a un effet cocktail : tous les risques qui reposent sur les abeilles représentent un danger combiné plus grave que l’impact de chacun de ces risques pris individuellement. Résultat, les pollinisateurs sont plus que jamais en danger d’extinction.

Il n’est un secret pour personne que les abeilles font partie des espèces les plus menacées par la pollution et le changement climatique. « Le nombre d’abeilles diminue dans le monde entier. Au cours des dernières périodes hivernales, la mortalité des colonies d’abeilles domestiques en Europe se situait autour de 20 % », rappelle Greenpeace. Les facteurs sont multiples et, parmi eux, l’agriculture intensive qui implique l’usage de pesticides agressifs, qui peuvent aller par exemple jusqu’à attaquer le cerveau de bébés abeilles. À quel point est-ce un danger pour les abeilles ?

Un groupe de quatre scientifiques a publié, dans Nature, le 4 août 2021, une méta-analyse de 90 études parues sur le sujet ces vingt dernières années. « Nous avons constaté un effet synergique global entre plusieurs facteurs de stress sur la mortalité des abeilles », expliquent-ils.

Les abeilles et les autres pollinisateurs jouent un rôle déterminant dans la bonne santé des écosystèmes. // Source : Pexels

Les abeilles et les autres pollinisateurs jouent un rôle déterminant dans la bonne santé des écosystèmes.

Source : Pexels

Comment les facteurs de stress se combinent

Trois « facteurs de stress » sont mis en exergue : les produits agrochimiques, ainsi que les divers impacts de la pollution sur la nourriture, et/ou la présence de plus en plus accrue de parasites. Ces trois menaces — agrochimique, nutritionnelle, pathogène — sont toutes en grande partie provoquées par les perturbations humaines. Et elles sont létales (ou sublétales — c’est-à-dire entraînant la mort par ricochet, dans une sorte de processus de cause à effet).

Dans un commentaire complémentaire publié dans les colonnes de Nature, l’écologue Adam J. Vanbergen développe la raison d’être et l’impact de ces trois facteurs :

  • Stress agrochimique : les fongicides et pesticides utilisées pour « protéger » les plantes cultivées confronte les insectes pollinisateurs à un « défi physiologique » en raison d’une « exposition aigüe » ;
  • Stress nutritionnel : les pollinisateurs subissent également un stress nutritionnel « dû à l’absence de fleurs sauvages fournissant du pollen et du nectar dans les monocultures intensives à grande échelle » ;
  • Stress pathogène : le « transport industriel » et l’utilisation de colonies d’abeilles domestiques (Apis mellifera) « gérées à haute densité pour la pollinisation des cultures » ont tendance à « accroître l’exposition des pollinisateurs aux parasites ou aux agents pathogènes », en entraînant ainsi la « propagation de maladies » au-delà de ces colonies, jusqu’aux pollinisateurs sauvages.
Les trois facteurs de stress sur les pollinisateurs, et notamment les abeilles. // Source : Infographie de Nature

Les trois facteurs de stress sur les pollinisateurs, et notamment les abeilles.

Source : Infographie de Nature

La méta-analyse nouvellement publiée montre justement que ces facteurs de stress relèvent d’un danger synergétique, une sorte d’effet cocktail généré par l’agriculture intensive : leur impact combiné — les trois facteurs pris ensemble — est plus fort que l’impact individuel de chaque facteur. C’était d’ailleurs déjà ce que suggérait un rapport de l’IPBES, qui indiquait en 2017 que « les nombreux facteurs qui ont un impact direct sur la santé, la diversité et l’abondance des pollinisateurs, de l’échelle du gène à celle du biome, peuvent combiner leurs effets et augmenter ainsi la pression globale sur les pollinisateurs ». L’IPBES indiquait alors que ce constat était établi, mais encore incomplet. La méta-analyse vient donc sourcer définitivement ce problème.

Pour les auteurs, il faut dorénavant que les politiques publiques d’évaluation des risques environnementaux prennent en considération ce danger combiné. « En définitive, nos résultats démontrent que le processus réglementaire dans sa forme actuelle ne protège pas les abeilles des conséquences indésirables d’une exposition complexe aux produits agrochimiques  », conclut l’équipe de recherche. « Si l’on n’y remédie pas et que l’on continue à exposer les abeilles à de multiples facteurs de stress d’origine anthropique dans le cadre de l’agriculture, le déclin des abeilles et de leurs services de pollinisation se poursuivra, au détriment de la santé des humains et des écosystèmes. »

Il faut effectivement rappeler que les abeilles, et les autres pollinisateurs jouent un rôle essentiel dans la bonne santé des écosystèmes. Des milliers d’espèces pollinisent ainsi les fleurs, un maillon déterminant pour la reproduction des plantes. C’est toute la biodiversité qui bénéficie de ce processus, par effet cascade. Lorsque les pollinisateurs disparaissent, cet effet cascade bénéfique peut s’inverser dramatiquement.

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