Amputé d’une patte, ce gypaète barbu baptisé Mia peut remarcher et atterrir grâce à une prothèse directement rattachée à son squelette. La femelle vautour a refait ses premiers pas trois semaines après l’opération.

C’est une première : une équipe de l’université de médecine de Vienne a implanté, avec succès, une prothèse pour remplacer le membre blessé d’un gypaète barbu. La femelle vautour baptisée Mia est ainsi devenue le « premier oiseau bionique du monde ». La réussite de l’opération présentée dans Nature le 11 juin est une bonne nouvelle, car pour un oiseau de ce type, la perte d’un membre le met en grave danger.

Mia, en l’occurrence, s’était abîmé la patte très sérieusement. La cause de la blessure ? De la laine de mouton — utilisée pour construire son nid — s’était entremêlée autour de sa patte droite et avait entrainé une ischémie puis une nécrose du membre. La blessure était si grave qu’il avait fallu amputer l’oiseau. Le problème, explique l’équipe, c’est que les pattes sont des membres vitaux pour un vautour : « Il en a besoin pour marcher et atterrir, mais également pour attraper ses proies ». Un oiseau qui perd un membre aussi stratégique est voué à mourir de faim. Et même si Mia faisait l’objet de soins spécifiques au sein du refuge animalier où elle se trouvait, sa santé déclinait rapidement.

Le vautour Mia est le premier oiseau équipé d'une prothèse bionique. // Source : Hochgeschurz, S., Bergmeister, K.D., Brånemark, R. et al.

Le vautour Mia est le premier oiseau équipé d'une prothèse bionique.

Source : Hochgeschurz, S., Bergmeister, K.D., Brånemark, R. et al.

Les prothèses classiques ne fonctionnent pas sur un oiseau

« La distribution asymétrique du poids sur les pattes entraine le développement de pododermatite et d’hyperkératose sur l’autre patte », expliquent les scientifiques dans Nature. Une ulcération chronique au niveau de la blessure de Mia avait du reste entrainé l’infection de tissus plus profonds et des os. Aucun soin standard ne permettait de guérir la femelle gypaète qui perdait du poids à mesure que son état s’aggravait.

Construire et fixer une prothèse sur l’oiseau était cependant un vrai défi technique. « Les prothèses classiques ne fonctionnent pas sur des membres dotés de plumes et soumis à des tensions importantes chaque jour. » Ce type d’oiseau se sert de ces membres pour transporter ses proies.

Il est par ailleurs souvent complexe de créer des prothèses dont l’usage parait intuitif et naturel. Même si c’est évidemment tout l’objectif, aussi bien pour les humains que les animaux, les humains parviennent davantage à adapter leur fonctionnement à l’appareil si nécessaire. Les animaux, à l’inverse, auront beaucoup de mal à utiliser une prothèse qui fonctionnerait très différemment du membre qu’ils ont perdu.

La prothèse est reliée à l’os de l’oiseau

C’est pour cela que Mia a été confiée par le sanctuaire des chouettes et oiseaux de proie de Haringsee (Autriche) à l’équipe d’Oskar Aszmann de l’université de médecine de Vienne. « Nous avons conçu et fabriqué un implant osseux spécifique qui pouvait être relié au moignon de manière chirurgicale », explique celui-ci. Le principe de cette nouvelle technique dénommée « ostéo-intégration » est en effet que des parties extérieures de la prothèse soient directement connectées à l’os afin que l’attache soit solide. « Cette technique offre un bon degré d’embodiment (ndlr : la cognition incarnée) étant donné que l’ostéo-percéption fournit un retour d’information direct et intuitif. C’est ce qui permet [à l’oiseau] d’utiliser de manière naturelle cette extrémité pour marcher ou se nourrir.»

Cette technique n’a pu être utilisée que parce que plusieurs conditions étaient remplies. Tout d’abord, il fallait étudier la physiologie de l’os afin de vérifier qu’une telle opération était possible. « La longueur de l’os et la géométrie de la cavité médullaire ont également été contrôlées afin de vérifier qu’il était possible de placer un implant en titane de longueur et de diamètre suffisant », explique l’équipe. Il était enfin nécessaire que la peau de la zone opérée soit suffisamment vascularisée, souple et plane pour autoriser des manipulations chirurgicales et une guérison satisfaisante.

La femme gypaète peut de nouveau marcher et atterrir sur ses pattes

A noter que les oiseaux devant subir une opération sous anesthésie ont des taux de mortalité plus élevés (environ 1,76 %) que les humains (0,02–0,05%) ou les chiens (0,17 %). Pour limiter les risques, l’équipe a donc également préparé méticuleusement sa procédure, et prévu des poches de sang adéquates pour répondre à d’éventuels besoins de transfusion. Rattachée à l’os par une attache en titane, la prothèse est composée de plusieurs couches de matériaux mous — qui absorbent les chocs lors de l’atterrissage — et d’une surface de caoutchouc rugueux qui garantit une bonne adhésion au sol et donc une meilleure stabilité. Cette prothèse est par ailleurs étanche à l’eau et à la poussière.

L’opération de Mia, en elle-même, a été menée par Rickard Branemark du centre de recherche sur l’ostéo-intégration de San Francisco, dans le département de recherche biomécanique de MedUni Vienna, dirigé par Bruno Podesser. La rééducation et les traitements ont été réalisés au centre Haringsee. Les résultats sont très positifs :  « L’oiseau a effectué ses premières tentatives de marche à peine trois semaines après l’opération », note l’équipe. Même si elle ne peut se servir que de sa patte intacte pour agripper quelque chose, la femelle vautour parvient désormais à marcher et atterrir sur ses deux pattes. Dix-huit mois après l’opération, Mia ne montre aucun «signe de douleurs ou de limitations physique» et a repris le poids qu’elle avait perdu.


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