Depuis les débuts de la pandémie, nous utilisons quotidiennement des équipements de protection personnelle (PPE) : des masques, essentiellement, mais aussi des gants dans certaines professions. Comme nous l’avions souligné dans une enquête Numerama, ces protections sont entourées de mauvaises pratiques : trop souvent à usage unique, elles deviennent rapidement des déchets et sont fréquemment jetées dans la rue, dans les toilettes. « Il y a déjà de gros soucis à cause des masques et des lingettes jetées dans les toilettes : durant l’épuration il y a toujours des pertes, alors cela se retrouve dans les cours d’eau puis dans les océans », nous signalait Julie Sauvêtre, chargée de projet chez Zero Waste France.
Que des masques chirurgicaux ou des gants se retrouvent en grande quantité dans la nature pose un véritable problème de pollution, puisque ceux-ci sont en polypropylène, un matériau plastique. N’étant pas biodégradables, ces masques vont mettre plusieurs années voire décennies à se dégrader, et ce faisant, vont s’éparpiller en microparticules. « Cette lente dégradation en microparticules va imprégner le sol et créer une pollution à long terme, dangereuse pour les écosystèmes ainsi que pour notre santé », nous expliquait Julie Sauvêtre.
Dans un papier de recherche publié fin mars 2021, et sur un site internet associé (CovidLitter), des scientifiques se sont plus spécifiquement penchés sur l’impact de ces nouveaux déchets sur la vie animale sauvage.
Ce travail de recherche s’inscrit dans la continuité d’autres travaux constatant que les mauvaises pratiques avec ces équipements génèrent une ample pollution. En août 2020, plusieurs chercheurs et chercheuses alertaient sur « un désastre environnemental qui pourrait perdurer sur des générations ». En décembre 2020, Oceans Asia estimait à 1,56 milliard le nombre de masques chirurgicaux finissant dans les océans à l’échelle de l’année 2020.
« Une nouvelle menace pour la vie animale »
Les auteurs de l’étude dédiée à la biodiversité considèrent que les protections personnelles en plastique, mal utilisées et mal jetées qui plus est, constituent « une nouvelle menace pour la vie animale, car les matériaux conçus pour assurer notre sécurité nuisent en fait aux animaux qui nous entourent ». Se pose d’abord le problème de l’ingestion : les auteurs ont par exemple répertorié un Manchot de Magellan, mort, dans l’estomac duquel a été retrouvé un masque non digéré — car non digérable.
Ils rapportent aussi de nombreux cas où des animaux se sont enchevêtrés dans des masques ou des gants ; et se sont retrouvés piégés dedans, s’y étouffant. Les scientifiques répertorient par exemple un Merle d’Amérique mort étranglé dans un masque ; ou des poissons qui se sont étouffés dans des gants (image ci-dessous, à droite). Ils montrent par ailleurs que des oiseaux ont utilisé des masques chirurgicaux comme matériel de nidification (image ci-dessous, à gauche), ce qui rend encore plus probable que les oiseaux s’y piègent mortellement.
D’autres animaux sont concernés, tels que les chauve-souris, les crabes ou les hérissons. Lorsque l’interaction problématique a lieu entre ces animaux sauvages et ces équipements, les animaux finissent morts, en mauvais point, ou très largement handicapés dans leurs mouvements.
Les auteurs de l’étude recommandent donc une meilleure surveillance des déchets issus de la pandémie, mais aussi quelques bonnes pratiques au quotidien. Ils rappellent aussi qu’il est parfois conseillé de couper les gants, et les élastiques des masques, afin de minimiser les risques que les animaux s’y retrouvent piégés. Cette solution n’évite toutefois pas la dégradation en microparticules. Ils recommandent donc surtout l’usage prioritaire d’équipements réutilisables, et que les fabricants prennent en compte les dangers de pollution dans la conception même des équipements.
À vrai dire, le problème des déchets issus de la pandémie n’est pas isolé, puisqu’il s’inscrit dans la continuité de la pollution plastique qui a lieu depuis des décennies, et qui s’accumule tout particulièrement dans les océans, en menaçant la biodiversité, au point que certains scientifiques appellent notre époque « l’ère du plastique ». « Pour le fameux ‘monde d’après’ dont tout le monde parle, essayons de faire cohabiter des solutions à la crise sanitaire et des solutions à la crise environnementale », nous affirmait à ce titre Julie Sauvêtre de Zero Waste France dans un précédent article.
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