Le feuilleton scientifique autour de Vénus et la phosphine semble loin d’être fini. La robustesse de cette détection annoncée en septembre dernier a été mise en cause à plusieurs reprises. Il faut dire que cette découverte avait été annoncée avec un certain retentissement médiatique, qui a pu encourager la croyance que des « signes de vie » avaient été détectés sur Vénus (alors que ce n’est pas le cas). De nouveaux rebondissements sont à noter, a repéré l’astrochimiste Hervé Cottin qui suit cette histoire de près, le 19 novembre 2020 sur Twitter.
L’équipe de scientifiques qui a rapporté initialement la détection vient de répondre dans une nouvelle étude déposée sur arXiv le 16 novembre 2020. Ceci signifie que son contenu est à considérer avec prudence, puisqu’il n’a pas été, pour l’instant, relu par des pairs et publié dans une revue reconnue — comme c’était le cas de leur étude initiale qui elle était bien parue dans Nature Astronomy.
Entre temps, il faut aussi noter que deux études qui remettaient en cause la détection, dans les observations d’ALMA d’une part, et dans les observations du JCMT d’autre part, ont été acceptées pour publication dans les revues Astronomy & Astrophysics et MNRAS (respectivement). Elles s’ajoutent donc à une précédente étude publiée en octobre, elle aussi dans Astronomy & Astrophysics, qui indiquait que la détection de phosphine sur Vénus n’était pas confirmée dans l’infrarouge. Autrement dit, l’édifice remettant en cause « l’histoire des bactéries dans les nuages », pour reprendre l’expression de Hervé Cottin, devient encore un peu plus solide.
À quelles critiques répondent-ils ?
Dans cette nouvelle étude, les auteurs à l’origine de la détection initiale répondent à d’autres travaux, soumis à Nature Astronomy le 27 octobre 2020 (et pas encore publiés). Dans ce texte, une équipe de scientifiques affirme assez clairement ne pas avoir trouvé de phosphine dans l’atmosphère de Vénus. Voici les conclusions de ce document déposé en ligne sur arXiv :
- Sur les données issues d’ALMA : leurs auteurs notent qu’avec un traitement différent, les données ne produisent pas la signature de la phosphine.
- Si la bande détectée avec le JCMT existe bien, elle pourrait être expliquée par la présence du dioxyde de soufre ce qui, dans l’environnement de la planète Vénus, serait bien moins surprenant que la phosphine.
Quelles sont leurs réponses ?
Voici ce que répond l’équipe d’origine face à cela :
- Elle confirme à nouveau la présence de phosphine, tout en disant que le signal est plus faible qu’annoncé au départ : 5 ppb, au lieu de 20 ppb initialement. Les abondances indiquées seraient désormais compatibles avec l’absence de détection dans le domaine infrarouge.
- Ils ne vont pas dans le sens de l’hypothèse selon laquelle ce qui aurait été observé puisse être du dioxyde de soufre (à supposer, encore une fois, que quelque chose ait été observé).
Il y a une différence notable avec la première détection, dans cette réponse : les auteurs décrivent maintenant leur découverte de la phosphine sur Vénus comme une « tentative », comme le note Nature dans un communiqué. On peut donc encore légitimement s’interroger sur la robustesse de la détection, qui pourrait être, en quelque sorte, provisoire (les auteurs écrivent, dans une formulation délicate à traduire en français, « we tentatively recover PH3 in Venus’ atmosphere with ALMA »).
« En résumé, les données d’ALMA retraitées montrent que les lignes de PH3 sont plus faibles que celles rapportées [initialement] », écrivent les auteurs de l’étude initiale, dans cette réponse. Car il y a une autre nouveauté : après la publication initiale, on s’est aperçu qu’il y avait un problème dans les données brutes collectées par ALMA. Elles ont donc dû être re-traitées et leur correction a été publiée le 16 novembre. Soit le jour où la réponse des auteurs a été publiée sur arXiv — ce qui peut sembler plutôt rapide. « Nous avons travaillé comme des fous », assure Jane Greaves, professeure d’astronomie à l’université de Cardiff, et principale autrice de l’étude sur la détection de phosphine (et la réponse), citée par Nature.
L’hypothèse de la présence de la phosphine dans l’atmosphère de Vénus reste donc controversée. Pour l’instant, son existence n’est toujours pas confirmée.
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