Les observations permises par le nanosatellite HaloSat aident à mieux comprendre le halo galactique, où se cache peut-être la matière ordinaire manquante. Mais se pose un obstacle pour la suite de ces observations.

Le nanosatellite HaloSat a été déployé en juillet 2018 autour de l’ISS. L’objectif : observer plus en détail le halo galactique, composé principalement d’astres anciens et de matières gazeuses, à la périphérie d’une galaxie — dont la Voie lactée. On y fait aussi référence en tant que « milieu circumgalactique » (littéralement : le lieu qui entoure la galaxie). Deux ans après les débuts de la mission, les observations portent déjà leurs fruits. Dans un article publié le 19 octobre 2020 dans Nature Astronomy, des astrophysiciens de l’université de l’Iowa détaillent la nature de ce milieu circumgalactique.

Les auteurs montrent que toute une région de ce milieu est particulièrement dense, et que celle-ci émet une haute concentration en rayons X. Or, on sait que les émissions de rayons X sont plus fortes là où la formation d’étoiles est plus vigoureuse. Pour Philip Kaaret, l’un des auteurs de l’article de recherche, cité par la Nasa, « cela suggère que le milieu circumgalactique est lié à la formation d’étoiles, et il est probable que nous voyons du gaz qui, auparavant, tombait dans la Voie lactée, faisait des étoiles, et qui est maintenant recyclé dans le milieu circumgalactique ».

Le nanosatellite HaloSat. // Source : Blue Canyon Technologies

Le nanosatellite HaloSat.

Source : Blue Canyon Technologies

Ces astrophysiciens montrent donc que la Voie lactée (comme probablement ses cousines) est entourée par un halo circulaire qui est constamment alimenté par les matériaux éjectés lors de la naissance et de la mort des étoiles. « Il semblerait que la Voie lactée et les autres galaxies ne soient pas des systèmes fermés. Ils interagissent, en rejetant de la matière en dehors du milieu circumgalactique, puis en la faisant revenir », commente Philip Kaaret.

Le halo galactique serait-il une sorte de… centre de recyclage cosmique ? La réponse à cette question est cruciale pour résoudre un mystère lié à la présence dans cette région, ou non, de la matière baryonique manquante. Ce n’est donc pas une petite question : il s’agit de reconstituer ce qui compose notre Univers. Mais qu’est-ce donc que la matière baryonique manquante, pourquoi la cherche-t-on dans le halo galactique, et pourquoi la configuration de cette région importe-t-elle tant ?

La matière baryonique manquante ?

La matière baryonique est la matière ordinaire qui compose l’Univers observable. Formée de baryons, elle compose tout ce qui nous entoure. Pourtant, il manque des baryons dans les calculs basés sur l’Univers observable, ce qui signifie que de la moitié de la matière ordinaire est manquante. Que ces baryons manquants soient portés disparus depuis la naissance de l’Univers, il y a 14 milliards d’années, pose un énorme problème en physique et en cosmologie. Où sont-ils donc ? Là est l’une des questions auxquelles doit répondre HaloSat en regardant le halo galactique. Les soupçons sur les bayons manquants sont pointés vers cette région depuis 2017, en raison de plusieurs études en prépublication mettant cette hypothèse en évidence (1, 2).

À partir des observations fournies par HaloSat, l’idée est de comprendre la configuration exacte de ce milieu circumgalactique pour qu’il soit enfin possible de déterminer si les baryons manquants s’y trouvent ou non. Si le milieu circumgalactique est un lieu grand, léger et vaste, alors la probabilité pour qu’il puisse renfermer la masse manquante est très forte ; en revanche s’il est fin et condensé (comme bouffi), la probabilité est beaucoup plus faible. En clair : mesurer l’étendue, la masse ou encore l’épaisseur du halo galactique, c’est essayer de savoir si ce lieu pourrait oui ou non être l’hôte des particules que l’on cherche.

La nouvelle étude publiée dans Nature Astronomy apporte un obstacle… tout en ouvrant la voie pour une solution :

  • Si le halo galactique est un milieu extrêmement fin et dense comme le montrent ces observations, et que cette densité provient de matière recyclée, cela signifie que ce lieu est trop mince et inadapté pour contenir tous les baryons manquants (il n’y a pas la place pour la matière baryonique) ;
  • En revanche, cette densité se constate par une forte émission de rayons X… émissions qui peuvent tout à fait être à l’origine d’une sorte de voile éblouissant, qui rendrait le reste du halo invisible. Les parties moins denses du halo, si elles existent, sont plus faibles en rayons X, et peuvent être alors cannibalisées dans les observations par les parties denses émettant le plus de rayons X. Le halo galactique pourrait donc être beaucoup plus étendu et ainsi contenir la matière baryonique manquante.

« Ces baryons manquants sont forcément quelque part, relève Philip  Kaaret. Ils sont dans des halos autour de galaxies individuelles comme notre Voie lactée ou ils sont situés dans des filaments qui s’étendent entre les galaxies. » La découverte d’une telle densité dans le milieu circumgalactique permet en tout cas de tirer un constat technique pour la suite de ces questionnements : le nanosatellite HaloSat ne semble pas suffire, d’après les auteurs, pour regarder au-delà du voile de rayons X émis par cette région galactique. « Il s’avère donc qu’avec HaloSat seulement, nous ne pouvons pas vraiment dire si ce halo étendu  existe ou non. »


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