Le trou noir supermassif M87* a été imagé en 2019. Pourtant, aussi saisissant que peut sembler ce cliché, il ne suffit pas pour percer tous les secrets de l’objet. Il a fallu explorer des années de données pour découvrir que la luminosité du trou noir varie dans le temps.

Il reste à ce jour l’unique trou noir jamais imagé par les scientifiques : en avril 2019, la photo de M87*, le trou noir supermassif au centre de la galaxie Messier 87, a été présentée. La prouesse a été réalisée grâce à l’Event Horizon Telescope (EHT), un vaste réseau de radiotélescopes terrestres. Mais cette image, aussi impressionnante soit-elle, ne suffit pas à révéler tous les mystères de l’énigmatique objet céleste.

Les scientifiques de la collaboration ont replongé dans des données d’archives sur ce trou noir (des campagnes d’observation menées en 2009, 2011, 2012 et 2013), et découvert que la luminosité de M87* était variable. Ils ont présenté leurs travaux dans la revue The Astrophysical Journal le 23 septembre 2020.

Un « croissant » qui semble vaciller

La forme de « croissant » du trou noir, que l’on a pu découvrir sur l’image publiée l’an dernier, semble persister dans le temps. « Nous avons constaté que le diamètre de l’anneau ajusté est stable tout au long de ces observations, ce qui plaide fortement en faveur de son association avec l’ombre d’un trou noir supermassif », peut-on lire dans l’étude. Par contre, l’orientation du trou noir varie, comme si ce « croissant » vacillait.

Évolution de l'apparence de M87*. // Source : EHT

Évolution de l'apparence de M87*.

Source : EHT

L’image présentée en avril 2019 correspond à une fenêtre de temps très réduite, à peine une semaine d’observations menées en avril 2017. C’est trop peu pour pouvoir observer de nombreux changements. C’est pourquoi les scientifiques ont voulu découvrir si la morphologie de M87* vue en avril 2017 correspondait à des données plus anciennes. Néanmoins, la quantité de données récoltées entre 2009 et 2013 était insuffisante pour obtenir une image (pour donner un ordre d’idées, l’avion avait été préféré à Internet pour transférer les données qui ont permis d’obtenir l’image du trou noir).

Pour connaître l’évolution de l’apparence de M87* au cours du temps, les chercheurs ont eu recours à une modélisation. L’analyse a été élargie aux observations menées entre 2009 et 2017. Ainsi, les scientifiques ont pu voir que le diamètre du trou noir, qui représente 6,5 milliards de fois la masse du Soleil, semblait correspondre à ce qui était attendu, par rapport à la théorie de la relativité générale. Cet anneau asymétrique, que l’on a vu en image, doit certainement exister sur des échelles de temps de plusieurs années.

« Rien ne remplace une décennie de données »

Pour les auteurs, cette variabilité de M87* offre l’opportunité de mieux cerner certaines caractéristiques du trou noir, comme sa rotation, par exemple. Étudier la manière dont la matière est agglomérée par un trou noir, aussi près de l’horizon des événements (la frontière du trou noir), est essentiel pour mieux cerner les énigmatiques phénomènes provoqués par les trous noirs — les jets qu’ils émettent, par exemple.

« Lorsque nous avons mesuré pour la première fois la taille de M87* en 2009, nous n’aurions pas pu prévoir que cela nous donnerait un premier aperçu de la dynamique des trous noirs, explique l’astrophysicien Shepherd S. Doeleman, directeur du projet de l’Event Horizon Telescope, dans un communiqué. Si vous voulez voir un trou noir évoluer sur une décennie, rien ne remplace une décennie de données. »

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