Le changement climatique est une métamorphose globale, profonde, sur une échelle de temps longue. Mais ses conséquences sont bien visibles, et de plus en plus. En Antarctique, la neige prend quelques fois une impressionnante teinte rouge sang, en raison d’une algue qui prospère lorsque la glace se réchauffe et fond. Le rouge n’est pas la seule couleur symptomatique du changement climatique : l’Antarctique devient essentiellement de plus en plus « verte ».
Dans un article paru le 20 mai dans Nature, des scientifiques britanniques de Cambridge dressent la première carte de ces algues vertes, et à leur ampleur réelle dans la région polaire. Ces algues ont pour particularité d’être individuellement microscopiques, mais lorsqu’elles prolifèrent en masse, elles sont immanquables. Leurs tâches vertes peuvent même être vues depuis les images satellites, récupérées par les scientifiques pour cette étude cartographique inédite.
La masse globale d’algues vertes va augmenter
Les données obtenues par ces chercheurs de Cambridge montrent que l’efflorescence de ces micro-algues advient partout où les températures sont les plus élevées — c’est-à-dire là où elles dépassent zéro degré pendant l’été austral. Ces algues vertes sont effectivement très présentes au niveau de la péninsule de l’Antarctique, là des records de chaleur ont été enregistrés. « À mesure que l’Antarctique se réchauffe, nous prévoyons que la masse globale d’algues des neiges augmentera », prévient Andrew Gray, l’auteur principal de l’étude, dans un commentaire.
Le changement climatique n’est pas le seul facteur qui influence ces algues. La biodiversité marine — oiseaux et mammifères — a un impact, puisque leurs excréments nourrissent les algues. La moitié des zones d’efflorescence sont donc à moins de 100 kilomètres d’un rivage et 60 % de ces zones sont dans un rayon de 5 kilomètres autour d’une colonie de pingouins.
Une prolifération sur 1,9 kilomètre carré
La carte montre que les algues ont proliféré sur une étendue de 1,9 kilomètre carré. Puisqu’elles sont photosynthétiques, elles puisent du carbone dans l’air : en l’occurrence, les chercheurs estiment que cette biomasse absorbe quelques 479 tonnes de dioxyde de carbone par an. Elles jouent donc un rôle important dans le cycle du carbone, dans l’écosystème de l’Antarctique.
À partir de leur cartographie, les chercheurs expliquent que le réchauffement de la région fait fondre la neige sur les îlôts inférieurs, au Sud. De fait, les algues ne pourront plus y prospérer, car elles ont besoin de la neige. Parallèlement, à mesure que la région se réchauffe, les algues prospéreront toujours davantage plus au Nord, dans les zones plus hautes. Cette cartographie est « une avancée significative dans notre compréhension de la vie terrestre en Antarctique, et de la façon dont elle pourrait changer dans les années à venir avec le réchauffement du climat, expliquent les chercheurs. Les algues des neiges sont un élément clé de la capacité du continent à capturer par photosynthèse le dioxyde de carbone présent dans l’atmosphère ».
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