Ce jeudi 5 mars 2020, la France est en découvert climatique. Pour la première fois, un « jour du dérèglement » est déclaré et il reviendra les années suivantes. Cette journée vient d’être mise en place par L’Affaire du Siècle, rassemblement de quatre organisations : Notre Affaire à Tous, la Fondation Nicolas Hulot pour la Nature et l’Homme, Greenpeace et Oxfam. En 2019, elles avaient conjointement décidé de déposer un recours contre l’État français pour « inaction climatique ». L’instauration de ce jour du dérèglement est dans cette optique : dénoncer l’inadéquation entre les objectifs des politiques publiques et la réalité scientifique.
La France a inscrit dans la loi une stratégie budgétisée pour faire baisser les émissions de gaz à effet de serre, dans le but d’atteindre la neutralité carbone en 2050, conformément à ce que fixe l’Accord de Paris. Le jour du dérèglement vient marquer le moment où la France est en découvert climatique, c’est-à-dire une rupture avec le seuil de neutralité carbone. « Afin d’être neutre en carbone d’ici 2050, il y a un plafond à respecter. Celui-ci correspond à ce que la biosphère française peut absorber », explique à Numerama Célia Gautier, responsable Climat-énergie à la Fondation Nicolas Hulot. En 2020, à partir du 5 mars, la biosphère française — c’est-à-dire les forêts, les sols, les océans — n’est plus en capacité naturelle d’absorber les émissions de gaz à effet de serre émises par la France. « À partir d’aujourd’hui, tout ce que la France émet aggrave la crise climatique », déplore Célia Gautier.
Pour en arriver à cette date, L’Affaire du Siècle se base sur des estimations annuelles. Et vous pouvez reproduire le calcul chez vous. D’après les projections réalisées par le cabinet de conseil indépendant Carbone 4, duquel les organisations environnementales impliquées sont partenaires, l’année 2020 se traduira par l’émission de 449 millions de tonnes de CO2 dans l’atmosphère. Or, le plafond à partir duquel on considère une neutralité carbone est de 80 millions de tonnes. Vous pouvez donc faire 449 divisé par 366 jours ; puis vous multipliez le résultat par 65 (le nombre de jours entre le 1er janvier et le 5 mars). Vous tomberez alors sur 80.
Tenir l’État responsable de ses engagements
Depuis quelques années déjà, on parle déjà chaque année d’un « jour du dépassement ». Il n’est pas à confondre avec la nouvelle journée mise en place par L’Affaire du Siècle. «Le jour du dépassement calculé par Global Footprint Network est un indicateur de l’empreinte écologique humaine globale sur Terre. C’est le moment où l’Homme prélève davantage de ressources que ce que la planète produit en une année. Le jour du dérèglement en revanche se concentre exclusivement sur le climat, à savoir les émissions carbone, et pour la France », nous indique Célia Gautier. Le jour du dérèglement est donc plus spécifique. « Mais il y a la même idée de dette », ajoute-t-elle.
Le risque est d’atteindre la neutralité carbone en 2085 au lieu de 2050 : ce serait trop tardif
Le jour du dérèglement se base sur les objectifs officiels de la France, inscrits dans la loi. Il est donc directement relié à la mission que s’est fixée L’Affaire du Siècle : « tenir l’État responsable de ses engagements », relève Célia Gautier. Avec cette journée, le « dérapage entre les trajectoires prévues par l’État et la réalité » apparaît de manière plus visible. Le projet ultime, si les politiques climatiques s’avéraient respectées et efficaces, serait de pouvoir décaler le jour du dérèglement à la date du 31 décembre de l’année. Mais si l’on continue au rythme actuel avec des plafonds « encore trop élevés », alors, comme nous le précise Célia Gautier, la neutralité carbone ne pourra pas être atteinte avant 2085, au lieu de 2050. Et à ce moment-là, « on aura épuisé les possibilités d’agir et les solutions ».
Le jour du dérèglement se pose donc premièrement en constat scientifique, celui que la biosphère, à partir d’un stade précis dans l’année, ne peut plus absorber les émissions de gaz à effet de serre que le pays génère. Mais cette journée correspond aussi à un message politique de responsabilisation, afin d’illustrer les insuffisances dans les politiques publiques liées au climat.
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