Un tout nouveau coronavirus fait l’objet d’une épidémie en Chine et commence à se répandre dans d’autres pays. La situation sanitaire est très largement commentée dans les médias, mais faut-il vraiment s’inquiéter ? Une spécialiste en virologie nous répond.

Tout a commencé il y a une dizaine de jours, début janvier 2020 : un communiqué de l’Organisation mondiale de la santé rapportait l’émergence d’une petite épidémie, en Chine. Elle a pris racine dans le centre du pays, à Wuhan. La cause est un « nouveau » virus, jamais identifié auparavant. Depuis cette première annonce, la situation a pris de l’ampleur. La dangerosité de l’épidémie semble plus grave que prévu. Dans ce contexte, la multiplication des informations alarmistes peut inquiéter, d’autant que les actualités sur ce sujet se retrouvent systématiquement en une de vos agrégateurs préférés. Mais jusqu’à quel point est-ce justifié ? Que sait-on réellement de ce virus et de sa gravité ? Nous faisons le point à l’aide de Tania Louis, docteure en biologie et virologue, afin de comprendre la situation.

Même si le virus est nouveau, les symptômes sont bien identifiés : il s’agit plus précisément d’une épidémie de pneumonies s’exprimant par des difficultés respiratoires, de la toux, ainsi que de la fièvre. Ce mercredi 22 janvier 2020, ce sont près de 300 cas d’infections qui ont été enregistrés, dans de états variables, parfois graves. Neuf patients sont morts. L’épidémie se répand dans plusieurs villes en Chine et a dépassé les frontières du pays, puisque des cas ont été récemment diagnostiqués à Thaïlande, au Japon, en Australie ; un cas vient également d’être recensé aux États-Unis.

Shangai est également touchée par le nouveau coronavirus. // Source : Pixabay

Shangai est également touchée par le nouveau coronavirus.

Source : Pixabay

Le virus est-il mortel ?

Le virus, nommé 2019-nCov, est plus spécifiquement un coronavirus. Au sein de cette famille, on peut y trouver aussi bien de simples rhumes que le syndrome respiratoire aigu sévère (SRAS). C’est l’ombre de ce dernier qui inquiète, car les similarités sont nombreuses entre le mystérieux virus chinois et le SRAS. Or, ce syndrome avait déclenché une épidémie mortelle en 2002 / 2003 : 8 000 cas d’infection dont 700 décès.

Pour autant, la proximité entre les deux virus ne signifie pas qu’ils ont le même niveau de gravité. « Les virus ne sont pas catégorisés en fonction de leur impact sur l’organisme qu’ils infectent, mais en fonction de la proximité structurale, génétique… c’est pour cela que, dans la même famille, il va y avoir des virus aux conséquences très différentes », précise Tania Louis à Numerama. Elle cite l’exemple de la grippe : la grippe espagnole a été une grave pandémie mondiale, là où la grippe saisonnière fait peu de morts. Pourtant, « leurs souches sont plus proches entre ces deux grippes que ne le sont nCov et le SRAS ».

La dangerosité d’un virus se mesure à la proportion de létalité

Dans le cas de nCov, le virus a déjà provoqué neuf morts, à la date de ce 22 janvier, mais il est crucial de rappeler que cela ne donne pas encore d’indice réel sur l’ampleur de sa dangerosité. Comme nous l’indique la virologue Tania Louis, la gravité d’un virus se mesure à la « proportion de létalité », soit le nombre de décès par rapport au nombre d’infectés (1 décès pour 1 000 infectés signerait une faible létalité).

Or, pour l’instant, le nombre réel d’infectés n’est pas un chiffre connu. Ce nombre augmente sans cesse (près de 300 à l’heure actuelle) aussi et surtout, car la détection s’améliore. Une étude publiée vendredi 17 janvier suggère qu’il y aurait en fait des milliers d’infectés. Selon cette analyse, il serait probable que de nombreuses personnes aient été infectées sans s’en rendre compte : « les symptômes respiratoires, proches d’un rhume, ne sont pas si spécifiques, surtout en plein hiver ».

Un virus actuellement moins dangereux que la rougeole

Si cette estimation en milliers d’infectés est confirmée et que l’on met ce chiffre en rapport avec le nombre de décès, la fameuse proportion de létalité est assez faible. De fait, la dangerosité du virus ne serait pas si élevée. Un autre facteur est à prendre en compte : le profil des patients. Selon les premières informations, les personnes décédées étaient globalement assez âgées. Par exemple, le quatrième patient décédé avait 89 ans et des problèmes de santé, dont un au cœur : son système immunitaire était fragilisé. Parallèlement, de nombreuses personnes ont été infectées par nCov et en sont sorties guéries. Il se pourrait même, comme indiqué précédemment, que des personnes soient infectées et le prennent pour un état grippal hivernal.

« Pour l’instant, on est sur un virus moins dangereux que la rougeole », rassure Tania Louis auprès de Numerama. À titre de comparaison, en France, la grippe a tué plus de 2 800 personnes en 2019.

La transmission humaine est-elle avérée ?

L’épidémie a démarré dans un marché de Wuhan où sont vendus des fruits de mer, des poulets, des chauves-souris et autres animaux sauvages vivants. Il semble probable que la transmission originelle se soit faite au contact d’un animal infecté. Mais lundi 20 janvier, un scientifique chinois reconnu a déclaré à la télévision que la transmission entre humains était dorénavant « avérée ».

Aucune transmission interhumaine n’a été techniquement observée au sens médical, mais un indice clé vient étayer cette thèse :  les autorités chinoises ont annoncé que quinze personnes parmi le personnel médical à Wuhan était contaminé. Ce seul constat est suffisant pour avoir la quasi-certitude d’une transmission entre humains. Raison pour laquelle le risque d’une épidémie grandissante est bien présent. Mais, là encore, la virologue Tania Louis temporise : « il y a des transmissions plus ou moins efficaces ».

Le risque le plus important : la mutation

Un détail vient toutefois noircir le tableau : le Nouvel An chinois, signe de grands déplacements parmi la population. Des personnes qui ne sont habituellement pas en contact vont être proches, se rencontrer, se frôler, se toucher, avant de repartir. Dans un contexte d’épidémie, les risques sont bien présents pour que de tels mouvements accroissent le nombre d’infectés. « Plus il y a de contaminations, plus il y a de risques que le virus devienne virulent », précise Tania Louis. C’est là que se pose le risque de la mutation, qui ferait évoluer le virus vers une structure plus résistante qu’aujourd’hui : « Un virus mute en s’habituant à son hôte ». Contenir le nombre d’infectés permet donc de réduire la dangerosité du virus.

Quelles mesures de protection ?

Dans son tout premier communiqué, l’Organisation mondiale de la santé précisait justement que « la Chine dispose de solides infrastructures et ressources de santé publique pour répondre et gérer les épidémies de maladies respiratoires. » Depuis l’épidémie SRAS en 2002 / 2003, les infrastructures régionales et mondiales sont bien mieux préparées à ce type d’épidémie. Tania Louis ajoute que l’épidémie SRAS pouvait d’ailleurs déjà être considérée comme ayant été correctement contenue à l’époque. Or, le nouveau virus est pour l’instant bien moins virulent. Le contexte est prometteur.

Le principe de précaution a permis de prendre très tôt des mesures. Les États-Unis ont annoncé un contrôle médical renforcé de toutes les personnes provenant du Wuhan, dans trois aéroports américains : San Francisco, New York JFK et Los Angeles. Dans un communiqué daté du 17 janvier, la France a également annoncé un plan de sécurité renforcée. La ministre de la Santé Agnès Buzin a indiqué, le 21 janvier, que des recommandations ont aussi été données aux aéroports.

« Il ne faut pas s’inquiéter »

Au niveau purement médical aussi, la situation est bien gérée. La séquence génomique de nCov a été identifiée, puis elle a été rapidement partagée gratuitement pour que tous les laboratoires puissent travailler dessus. Une importante bonne nouvelle, selon la virologue : « Maintenant, on peut étudier le virus en laboratoire, commencer à produire des tests diagnostic, chercher des vaccins et traitements. »

Pour Tania Louis, il est clair qu’il est encore bien trop tôt pour s’alarmer véritablement de la situation. Au contraire, la gestion de crise est bonne. « Il ne faut pas s’inquiéter. Si on a des informations qui nous arrivent, c’est justement parce qu’il y a tout un système de surveillance qui est en place : être vigilant et prendre des mesures, c’est comme ça que l’on contient une épidémie. »

L’Organisation mondiale de la santé a programmé une réunion d’urgence ce mercredi 22 janvier. La commission chinoise de la santé doit aussi diffuser une mise à jour sur la situation.


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