Écouter de la musique électronique modifierait nos temps de réaction et nous plongerait dans un état second, selon des neuroscientifiques de l’université de Barcelone. L’occasion de faire le point sur les recherches qui montrent que l’électro est bien plus qu’un simple « boom boom » dans nos oreilles.

« Cathartique », c’est le mot choisi par un jeune berlinois interrogé par le compte TikTok Nachtclubsberlin pour décrire son rapport à la musique électronique. « Écouter de la musique forte, entouré d’autres personnes, ça me donne l’impression de toucher à la liberté », décrit-il. 

Sentiment d’euphorie, proximité avec les autres, exploration de soi… Les bienfaits de l’électro sont souvent vantés par ses amateurs, de plus en plus nombreux. Depuis le début de l’année, 25 % des chansons les plus téléchargées dans le monde sont des sons d’électro. Et pour une bonne raison : l’attrait pour la musique électronique s’explique scientifiquement.

L’électro nous plongerait dans un état second

Selon une étude de neuroscience publiée en janvier 2024 par des chercheurs de l’université de Barcelone, la musique électronique altérerait notre état de conscience. Lorsque l’on écoute de la musique répétitive et sans paroles – comme la techno, la house ou encore la EDM (electronic dance music) – nos ondes cérébrales se synchronisent au rythme de la musique, déclenchant des effets apaisants ou excitants, en fonction du tempo, sur notre cerveau

En étudiant ce phénomène de plus près, l’équipe de chercheurs espagnols a montré que nos capacités cognitives peuvent même être modifiées à l’écoute de certains morceaux. Pour établir cela, vingt individus ont entendu six extraits de musique électronique à des tempos différents (allant de 99 bpm à 171 bpm) alors que l’activité de leur cerveau était mesurée.

Dès qu’ils se rendaient compte que c’était la fin de l’extrait, ils devaient cliquer sur une souris d’ordinateur située devant eux, et rapporter leur état émotionnel à l’aide d’un questionnaire. D’après les résultats, lorsqu’un participant était synchronisé à la musique, son temps de réaction baissait et il disait se sentir plus « connecté » et « uni » à son environnement. 

Un concert à la lumière verte // Source : Pxhere
Un concert à la lumière verte // Source : Pxhere

Selon Raquel Aparicio-Terrés, qui a mené ces recherches et qui souhaite que le phénomène soit étudié davantage, « si de futures études confirment que le rythme de la musique électronique facilite les changements cognitifs, cela pourrait expliquer pourquoi l’électro est populaire dans les grands rassemblements tels que les festivals ou les raves », puisque ce genre pourrait « potentiellement renforcer les sentiments de connexion avec les autres. »

Un rythme qui favorise la sécrétion de dopamine

Les chercheurs catalans ne sont pas les premiers à s’intéresser à l’impact de la techno, la house et l’EDM sur notre cerveau. Un lien entre musique électronique et sécrétion de dopamine a également été démontré. Cette hormone du plaisir immédiat est libérée lors d’expériences agréables ou gratifiantes, provoquant une sensation de satisfaction. Or, la musique est connue pour favoriser sa décharge, au même titre que des fonctions plus vitales pour notre survie, comme la nourriture, le sexe, ou encore l’argent. 

Valérie N. Salimpoor, docteure en neuroscience qui a piloté de nombreuses recherches pour comprendre le lien entre plaisir et musique, explique que lorsqu’on écoute des mélodies que l’on trouve agréables, « la création de dopamine se produit à deux moments distincts, et dans deux zones du cerveau différentes ». D’abord, l’hormone s’active durant le moment le plus fort de la chanson. Dans un morceau de musique électronique, c’est lors du drop. La partie du cerveau qui s’active alors est le nucleus accumbens, une zone cérébrale essentielle pour réguler le système de récompense, le plaisir et l’addiction. 

Une scène de concert // Source : Pxhere
Une scène de concert // Source : Pxhere

« Le deuxième moment où l’on remarque une sécrétion de dopamine, » explique Dr. Salimpoor, « c’est durant la phase d’anticipation, avant le drop. » Là, c’est le noyau caudé qui s’active, la partie du cerveau liée à la prédiction et au séquençage de l’information. « C’est dans la phase d’anticipation qu’on sécrète le plus de dopamine », dit la neuroscientifique, « parce que notre cerveau reconnaît suffisamment d’éléments de la chanson pour la trouver agréable à écouter, tout en se laissant surprendre par les incohérences rythmiques et les moments inattendus dans le morceau

La musique électronique est particulièrement favorable à la création de dopamine dans la phase d’anticipation d’un morceau : la basse régulière est prévisible, mais il y a aussi des sons plus aléatoires qui permettent aux auditeurs de se laisser surprendre. Cela explique aussi que certains se disent « addicts » à la techno : plus on écoute ce style de musique, plus on a tendance à l’aimer parce qu’on anticipe mieux la suite de la chanson. On est donc plus « agréablement » surpris lorsque quelque chose dans le son ne correspond pas à nos attentes. 

Un style musical associé aux environnements festifs

On ne peut pas parler d’électro sans parler de culture rave, et des « 4Ds » : dance, drums, sleep deprivation and drugs – la danse, le rythme tambouriné, le manque de sommeil et la consommation de drogue. Puisque l’électro est généralement associée aux ambiances festives, les « 4Ds » sont parfois étudiés dans leur ensemble par les scientifiques qui cherchent à expliquer son attrait. Par exemple, le fait de danser en groupe lorsqu’on écoute de l’EDM augmenterait la sensation de plaisir, d’après cette étude norvégienne

L’utilisation de drogues a également été étudiée par des scientifiques anglais pour le journal Frontiers in Psychology. 552 fans d’électro ont répondu à un questionnaire sur leurs habitudes et leurs comportements en festivals ou en raves. Grâce à cela, les chercheurs ont pu conclure que « l’utilisation des 4Ds » dans un environnement de fête pouvait « contribuer à la formation de liens sociaux significatifs », ce qui a des effets positifs sur le comportement des raveurs.

Ces observations pourraient d’ailleurs expliquer pourquoi la musique électronique est particulièrement prisée de certains groupes minoritaires, notamment les personnes LGBTQ+ qui disent se sentir « safe » dans les espaces de fêtes où il y a un fort sentiment de communauté et où l’on peut s’exprimer librement. 

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