Quand un bourdon ou un moustique approche l’une de vos oreilles, vous percevez l’intensification du bourdonnement, son déplacement de droite à gauche. Imaginez désormais qu’une balle de tennis de table produise un bruit et une sensation comparables lorsqu’elle se dirige vers votre côté de table. Des chercheurs et des chercheuses de l’Université de Sydney et de la start-up ARIA Research ont eu cette idée, afin de rendre accessible le sport aux personnes aveugles et malvoyantes. Ils ont présenté leurs travaux à la conférence Acoustics qui s’est tenue à Sydney en décembre 2023.
Il existe un handisport inspiré du tennis de table, appelé le showdown, dans lequel les participants essaient de marquer des points en faisant rouler une balle sur une table avec des bords. Ici, l’ouïe est un facteur clé : le roulement de la boule sur la surface permet de la localiser afin de donner un coup de raquette précis.
Sonoriser une trajectoire
Mais le projet envisagé par Phoebe Peng, étudiante récemment diplômée de l’Université de Sydney et ses collègues, est différent : il s’agit de jouer au tennis de table dans sa version classique, donc renvoyer la balle dans l’air. « La trajectoire de la balle dans l’air ne fait pas de bruit, contrairement à son roulement sur une table. Il faut donc trouver un moyen de le créer », explique l’étudiante.
Alors, pour sonoriser le mouvement de la balle dans l’espace, les chercheurs se sont servis de caméras chargées de capturer à chaque instant sa localisation dans l’espace et de haut-parleurs pour diffuser un son correspondant à sa position.
Filmer seulement le mouvement
Les caméras utilisées n’ont rien à voir avec les traditionnelles qui filment, image par image, l’intégralité de la scène qui s’offrent à elles. Les caméras utilisées par les chercheurs sont dites événementielles. « C’est-à-dire que seules les variations de l’intensité lumineuse sont capturées », indique Phoebe Peng. En d’autres termes, seul le mouvement d’une scène est filmé, le reste est absent des images.
L’image capturée n’a alors rien d’une scène de film. Il ne s’agit que d’une information binaire, une succession de 0 et de 1, qu’il faut traiter par un algorithme pour reconstruire l’image. De ces images, il faut extraire la position de la balle. « Utiliser ces caméras plutôt que les « classiques » nous permet de traiter l’image plus rapidement », explicite Phoebe Peng.
Cependant, d’une caméra n’est extraite qu’une image en deux dimensions, soit la position de la balle en deux dimensions. « C’est pourquoi nous utilisons deux caméras placées à deux endroits différents dans la pièce. En combinant leurs images, on peut reconstruire la position de la balle en trois dimensions ! » détaille Phoebe Peng. Cette étape s’appelle la triangulation.
« Jusqu’à présent, c’est plutôt sur cette partie de capture et traitement des images pour extraire la position de la balle que nous nous sommes concentrés », admet Phoebe Peng. Le reste de leur travail a été de traduire cette position instantanément en succession de « bip », qui décrivent sonorement le mouvement de la balle. « Chaque haut-parleur — dont on a calibré la position en amont — joue un son plus ou moins intense selon leur éloignement de la balle », raconte-t-elle.
Des résultats encourageants, mais limités
Pour l’heure, le succès de renvoi de la balle est limité. « Ce que nous proposons est encore simpliste et pas suffisamment précis, il est encore difficile de connaître précisément la position de la balle », avoue Phoebe Peng. Leur travail était une preuve de concept, les chercheurs voulaient savoir si un tel dispositif était faisable et pourrait, à terme, aider les personnes aveugles et malvoyantes. « Or, ce qu’on a constaté en testant notre installation les yeux bandés, c’est qu’on s’habitue assez rapidement grâce à notre ouïe. Alors c’est très encourageant pour la suite ! », se réjouit-elle.
Par la suite, les chercheurs souhaitent s’intéresser davantage à la perception du son chez l’humain, afin d’affiner leur traduction de la position de la balle : faut-il un bruit continu, faut-il faire jouer sur les fréquences. « Par exemple, il semblerait que la perception de la droite et de la gauche soit plus fine que la perception du haut et du bas avec l’ouïe », note Phoebe Peng. Ils envisagent également d’exploiter la raquette de tennis de table comme autre vecteur d’information, notamment par des vibrations. Et bien entendu, de faire tester l’installation à des personnes aveugles et malvoyantes.
Et ces limites franchies, leur idée pourrait s’exporter à d’autres sports de balle ou de ballons. Il suffit simplement que des caméras et des haut-parleurs puissent être disposés aux abords du terrain.
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