La Nasa pousse des correctifs logiciels pour ses deux sondes Voyager 1 et 2. Ces ajustements sont censés prolonger la durée de vie de ces deux engins qui évoluent aujourd’hui dans l’espace interstellaire, mais l’agence spatiale américaine admet qu’il y a un risque.

Elles ont quitté la Terre depuis quarante-six ans et, contre toute attente, elles sont toujours opérationnelles. Grâce cette longévité exceptionnelle, Voyager 1 et Voyager 2 constituent aujourd’hui une fenêtre exceptionnelle sur l’espace interstellaire. En effet, jamais une autre sonde n’avait voyagé aussi loin dans le cosmos, tout en demeurant active.

Leur présence dans le milieu interstellaire, qui désigne littéralement ce qui se trouve entre les étoiles (les sondes sont dans une région de l’espace qui n’est plus soumise directement à l’influence du Soleil), les rend précieuses pour la Nasa. Les deux sondes collectent des données inédites, du moins, à travers la poignée d’instruments encore en état de fonctionnement.

Sonde Voyager, illustration. // Source : Nasa/JPL-Caltech (image recadrée)
Les sondes Voyager sont aujourd’hui extrêmement loin de la Terre. // Source : Nasa/JPL-Caltech

De fait, la Nasa veille sur Voyager 1 et Voyager 2 comme le lait sur le feu, et la moindre anomalie est traitée avec le plus grand sérieux, mais également avec d’infinies précautions, car il ne faudrait pas que le remède soit pire que le mal. La hantise de l’agence spatiale ? Qu’un correctif logiciel écrase des instructions cruciales ou occasionne un dysfonctionnement.

C’est pourtant à cet exercice périlleux que se livre la Nasa en cette fin de mois d’octobre. Dans un point d’information partagé le week-end dernier, l’agence a présenté deux modifications logicielles qui sont destinées aux sondes Voyager. Il s’agit de limiter une accumulation de résidus dans les conduites de carburant, d’une part, et d’éviter la réitération d’un bug survenu en 2022, d’autre part.

Limiter l’encrassement des propulseurs

« Chaque mise à feu de propulseur ajoute de minuscules quantités de résidus de propergol, ce qui entraîne une accumulation progressive de matériaux au fil des décennies », explique la Nasa. Or, « dans certains tubes d’admission de propergol, l’accumulation devient importante ». La mise à jour vise à ralentir cet encrassement, en sollicitant moins souvent les propulseurs.

Un ralentissement et non pas un arrêt, car les propulseurs restent indispensables pour orienter correctement les antennes de communication des sondes avec la Terre. Les allumages doivent être brefs, pour ne consommer que le strict nécessaire. Ces manœuvres doivent tenir compte de trois directions : haut-bas, gauche-droite et autour de l’axe central, telle une roue.

La Nasa a jugé acceptable une légère dérive additionnelle des deux sondes Voyager avant d’enclencher la propulsion pour recadrer la visée vers la Terre. En clair, les deux engins vont tourner « un peu plus loin » dans une direction donnée avant qu’un coup de volant soit donné dans l’autre sens. Dans les faits, on est sur des écarts très minces — de l’ordre d’un degré seulement.

Les équipes n’ont aucune certitude quant au niveau d’encombrement des tubes de Voyager 1 et 2. Elles ignorent aussi quand ils seront complètement bouchés. Mais l’agence pense que ces précautions offrent cinq ans de répit aux deux sondes, et peut-être davantage. La Nasa affirme également avoir d’autres stratégies en stock pour allonger encore cette durée de vie.

Empêcher le retour d’un bug

La seconde intervention porte sur le contrôle de l’orientation de la sonde et ses manœuvres d’attitude (AACS, en anglais). Il s’avère que cet AACS était entré dans un mode incorrect et il a fallu plusieurs mois aux ingénieurs pour saisir la nature du problème — c’est en effet au mois d’août que la Nasa a pu donner des détails, trois mois après avoir signalé le problème.

En l’occurrence, rappelle l’agence spatiale américaine, AACS envoyait des commandes erronées, les écrivant dans la mémoire de l’ordinateur au lieu de les exécuter. « L’une de ces commandes manquées a fini par brouiller le rapport d’état de l’AACS avant qu’il ne parvienne aux ingénieurs au sol », pointe la Nasa. Cela, alors que la sonde fonctionnait normalement.

Schéma montrant comment Voyager 1 et 2 ont dépassé l'héliopause. // Source : NASA JPL
Ce schéma montre la sortie de Voyager 1 et 2 de la zone d’influence du Soleil. // Source : NASA JPL

Le patch doit désormais éviter la réitération de ce scénario, même s’il est expliqué par ailleurs que la cause profonde n’a pas pu être déterminée et qu’aucune certitude absolue n’existe sur une prochaine défaillance similaire. La Nasa espère que ce patch suffira à contenir un déraillement de l’AACS, mais cela ne se vérifiera qu’avec le temps.

Un patch à 20 milliards de kilomètres

Voyager 1 se trouve aujourd’hui à plus de 24 milliards de kilomètres de la Terre, tandis que Voyager 2 est distante de 19 milliards de km. Bien que les informations soient envoyées à la vitesse de la lumière, par ondes radio, il leur faut même plus de dix-huit heures pour franchir le vide spatial jusqu’aux antennes des deux ondes.

Ces instructions sont envoyées par étapes. Les consignes pour la propulsion l’ont été en septembre et en octobre. Pour l’AACS, c’est d’abord Voyager 2 qui est concerné, avec un envoi des données le 20 octobre suivi d’une lecture de la mémoire pour s’assurer que le code est au bon endroit. S’il n’y a pas de problème, le fonctionnement du patch sera vérifié le 28 octobre.

Si tout se passe bien avec Voyager 2, alors ce sera autour de Voyager 1. La Nasa a choisi de se servir d’une des deux sondes comme banc d’essai pour l’autre. C’est Voyager 2 qui a été choisi pour le test, car « Voyager 1 est plus éloigné de la Terre que tous les autres engins spatiaux, ce qui rend ses données plus précieuses », rappelle la Nasa.

L’agence spatiale américaine admet que l’opération est périlleuse. Même si le code a été écrit avec la plus grande précaution, et qu’il a été testé, révisé et vérifié durant des mois, Voyager 2 n’est pas à l’abri d’un pépin, « en raison de l’âge du vaisseau spatial et du temps de communication ». Et le dépannage d’une machine hors d’âge à des milliards de kilomètres de la Terre est un exercice atrocement délicat.

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