C’est le feuilleton scientifique de cet été 2023 : la possible découverte d’une supraconductivité à température ambiante. Le matériau : LK-99. Le problème, c’est qu’aucune tentative sérieuse de reproduction des résultats initiaux a pu aboutir, et ils ont même été infirmés par quelques travaux. Les scientifiques sont, à l’heure actuelle, peu enthousiastes.

Depuis fin juillet 2023, le monde scientifique est en ébullition : une équipe sud-coréenne a annoncé avoir peut-être découvert le premier matériau supraconducteur à température ambiante. Ce serait une petite révolution, car ces matériaux n’opposent aucune résistance électrique, ce qui réduit considérablement les pertes énergétiques. Mais, ceux que l’on connaît n’entrent dans cet état de supraconductivité qu’à une température très basse, pas loin du zéro absolu.

Même si les travaux initiaux n’ont pas encore été publiés dans une revue, de nombreuses équipes à travers le monde cherchent à reproduire les résultats pour confirmer ou infirmer l’éventualité que LK-99 soit vraiment un matériau supraconducteur. Début août, les résultats étaient très ambivalents. Dorénavant, les commentaires de scientifiques spécialistes du domaine se font davantage pessimistes, depuis de nouvelles publications peu engageantes. C’est la fin ?

LK-99 ne semble vraiment pas supraconducteur…

« La bonne nouvelle, c’est que davantage de résultats ont été rapportés. La mauvaise nouvelle, c’est la même chose », a tweeté le laboratoire Condensed Matter Theory Center, affilié à l’université du Maryland, le 8 août 2023. Deux études sont évoquées en particulier. La première, mise en ligne le 6 août et menée à la Peking University (Chine), conclut que « nos mesures n’indiquent pas la présence de l’effet Meissner, ni d’une résistance nulle, dans nos échantillons, ce qui nous amène à penser que nos échantillons ne présentent pas de supraconductivité ». Selon les auteurs, les caractéristiques singulières de LK-99 proviendraient de propriétés dites « ferromagnétiques » du matériau.

La vidéo issue de l'expérimentation initiale de LK-99.  // Source : Hyun-Tak Kim
La vidéo issue de l’expérimentation initiale de LK-99. // Source : Hyun-Tak Kim

La seconde, diffusée le 7 août, a été produite par un laboratoire indien. Comme son titre l’indique, il conclut à l’absence de superconductivité chez LK-99, qui se caractériserait surtout par une forme de diamagnétisme (la réaction compensée à un champ magnétique externe).

Le Condensed Matter Theory Center fait tomber le couperet : « Avec beaucoup de tristesse, nous croyons maintenant que la partie est terminée », écrit le laboratoire dans un tweet. « Le LK-99 n’est PAS un supraconducteur, même à température ambiante (ou à très basse température). C’est un matériau de mauvaise qualité très fortement résistif. Point à la ligne. Inutile de se battre avec la vérité. Les données ont parlé. »

« La révolution de la supraconductivité à température ambiante devra attendre un autre jour »

Alex Kaplan

Alex Kaplan, diplômé de physique à Princeton qui s’est récemment fait connaître en vulgarisant ce feuilleton sur Twitter, en arrive à une conclusion assez proche. À partir des derniers travaux, il estime que le LK-99 est « probablement un simple matériau ferromagnétique, ce qui explique ses propriétés de lévitation ». Avant d’ajouter que « la révolution de la supraconductivité à température ambiante devra attendre un autre jour ».

Pour Ivana Evans, qui est une chimiste spécialisée sur ces domaines, cette issue — l’absence de superconductivité — était « prévisible » du fait d’un certain emballement. Même l’ingénieur Andrew Cote, qui s’était fait remarquer en essayant de reproduire ce matériau, et en documentant cette aventure sur Twitter et Twitch, se dit « de plus en plus sceptique à l’égard de LK-99 ». Pour lui, il manque des données cruciales, qui ne parviennent pas à apparaître dans les nombreuses tentatives de reproduction — et les simulations, qui étaient encourageantes, ne suffisent pas. « Si ce matériau était le Saint-Graal de la science des matériaux, il semble probable qu’au moins certains des résultats manquants se seraient déjà manifestés », écrit-il. Son hypothèse, dorénavant, est que LK-99 serait plus précisément un semi-conducteur diamagnétique.

Un troisième papier mis en ligne le 8 août montre quant à lui que son échantillon de LK-99 n’a pas montrer une résistance électrique nulle, et il conclut que le matériau ne présente tout simplement pas de superconductivité mais quelques points dans le comportement.

Alors, tout cela pour rien ? Même si la supraconductivité à température ambiante pour LK-99 venait à être définitivement exclue (ce qui semble être bientôt le cas), ce n’était pas du temps perdu. La physicienne Inna Vishik confie ainsi que, si elle était dubitative dès le départ, elle a ensuite ressenti une « curiosité prudente ».

« Il pourrait s’agir d’un matériau intéressant, bien qu’une résistivité non nulle ne soit pas de bon augure pour les affirmations relatives à la supraconductivité », écrit-elle. Dans tous les cas, cet enthousiasme aura été positif, estime Inna Vishik. « Plus que tout, je me réjouis que le monde parle de la physique de la matière condensée, lise les prépublications et fasse même de la science citoyenne dans ce domaine ! Dans notre quête de RTSC [matériau supraconducteur à température ambiante], nous pourrions découvrir des matériaux merveilleux encore plus utiles. »

Tout comprendre à la supraconductivité et à cette effervescence, dans notre vidéo Numerama :

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