À leur manière, les arbres communiquent. Ils échangent des informations entre eux, et avec les microbes, les insectes ou les oiseaux. C’est ce qu’explique le chercheur en écologie Bastien Castagneyrol dans The Conversation.

Les arbres peuvent communiquer. Pas comme dans le film Avatar bien sûr, mais à leur manière, ils échangent des informations entre eux, et avec les microbes, les insectes ou encore les oiseaux qui vivent dans leurs branches et autour de leurs racines. La plupart du temps, ils communiquent pour se défendre contre les attaques des insectes herbivores ou des champignons parasites.

Mettons-nous d’abord d’accord sur le sens des mots, c’est toujours utile en science. Pour qu’il y ait communication entre deux organismes (entre deux arbres, ou en un arbre et un oiseau) il faut qu’un signal soit émis par l’émetteur (l’arbre), qu’il soit véhiculé par un canal de communication jusqu’à un récepteur (un autre arbre, ou un oiseau), et que le récepteur modifie son comportement à son avantage et à l’avantage de l’émetteur.

Chez les arbres, le signal qui sert à la communication est un signal chimique porté par de petites molécules. Ce signal passe soit dans l’air, soit par les racines et les microscopiques filaments de champignons qui les prolongent et qui peuvent brancher les arbres entre-eux (on appelle mycorhizes ces champignons associés aux racines des arbres). Pour faire simple, disons que les arbres utilisent à la fois le wifi pour communiquer entre eux et avec certains animaux, et la fibre pour communiquer avec les autres arbres.

Les arbres « bavardent » entre eux…

La communication des arbres joue un rôle essentiel dans leur réponse aux agressions par les insectes herbivores. Quand une chenille mange une feuille, elle la déchire et laisse dans la blessure un petit peu de salive. La feuille est capable de reconnaître cette blessure et peut savoir qu’elle a été causée par un herbivore. Dans ce cas, il se produit une cascade de réactions chimiques dans la feuille attaquée. Cette cascade aboutit à la production de ce que l’on appelle des composés organiques volatils (COV).

Les COV sont des messagers chimiques qui diffusent dans l’air. Ce sont eux qui portent le signal « ALERTE ! On est attaqués ! ». Quand une feuille qui n’a pas été attaquée perçoit ce message, elle prépare un arsenal de défense avant l’arrivée de l’agresseur, juste au cas où : elle commence à accumuler les produits qui lui permettront de produire des molécules toxiques pour les herbivores. Et ça marche ! En réalisant des expériences sur le saule, des chercheurs ont montré que si l’on donne à manger à des chenilles deux types de feuilles, certaines qui ont reçu un message d’alerte et d’autres pas, les feuilles préparées à l’attaque subissaient 20 à 40 % de dégâts en moins.

… Et, aussi avec leurs « gardes du corps »

Mais ce n’est pas tout : les COV permettent également aux arbres de recruter des gardes du corps. La scientifique Elina Mäntylä et ses collègues l’ont par exemple montré avec des mésanges. Ils ont préparé deux lots de branches de pins et ont déposé sur l’un des deux des larves de tenthrèdes (des insectes herbivores mangeurs d’aiguilles de pin). Ils ont ensuite enlevé les larves en enfermant les branches dans des tubes de plastiques opaques, dont l’extrémité était fermée avec du tissu. Ils ont ensuite observé le comportement de mésanges qu’ils avaient soigneusement capturé pour l’expérience.

Les arbres « parlent » entre eux, mais pas seulement. // Source : Canva
Les arbres « parlent » entre eux, mais pas seulement. // Source : Canva

Pourquoi des mésanges ? Parce que ce sont des oiseaux insectivores qui raffolent des larves de tenthrèdes ! Vous le devinez, les mésanges étaient principalement attirées par les tubes qui contenaient les branches qui avaient été attaquées par les insectes. Pourtant, elles ne pouvaient pas voir ce qu’il y avait à l’intérieur. C’est donc qu’elles ont perçu un signal émis par les seules branches attaquées : le COV.

Dans ce cas, le bénéfice pour l’émetteur est clair : l’agresseur peut être éliminé. Le bénéfice pour le récepteur est également clair : l’émetteur lui signale la présence de nourriture. C’est bien de la communication, entre un arbre, et un oiseau.

Ce « Wi-Fi chimique » marche surtout entre arbres voisins

Les scientifiques peuvent créer des conditions d’expérimentation qui démontrent la réalité de la communication chez les arbres. Mais si l’attaque d’une feuille par une chenille déclenche l’émission d’un signal chimique par l’arbre agressé, quand on imagine la quantité de feuilles et de chenilles présentes dans une forêt, on peut facilement appréhender la cacophonie olfactive dans laquelle baignent les arbres et leurs alliés. Dans ces conditions, quelle est l’importance de cette communication dans les écosystèmes forestiers ?

Dans une étude menée sur le hêtre, des chercheurs ont montré que la communication chimique n’est efficace que dans un rayon de 5 mètres autour de la source des COV. Si on ajoute à ça le fait que les COV sont pour la plupart de toutes petites molécules qui se dégradent rapidement dans l’air, on se doute que si les arbres communiquent entre eux par ce « wifi chimique », c’est juste avec leur voisin le plus proche.

Il y a quelques indices pour dire que l’on pourrait exploiter ce « bavardage » des arbres pour protéger les forêts contre les attaques d’insectes herbivores, mais comme souvent en écologie, il faut faire attention de ne pas trop extrapoler les découvertes qui sont faites au laboratoire, il faut prendre le temps de vérifier que « ça marche » aussi en dehors du laboratoire, dans un monde réel beaucoup, beaucoup plus complexe. De belles découvertes en perspective !

The conversation logo

Bastien Castagneyrol, Chercheur en écologie, Inrae

Cet article est republié à partir de The Conversation sous licence Creative Commons. Lire l’article original.

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