Mise à jour le 16 avril – C’est l’épilogue du conflit entre Starz et Torrentfreak. Le magazine Variety signale que la chaîne de télévision américaine a publié des excuses dans la journée du 15 avril après la polémique sur l’envoi d’une notification abusive à Twitter, rédigée au prétexte d’une infraction au droit d’auteur. La chaîne a admis une erreur, qui trouve sa source dans un excès de zèle d’un tiers. Le tweet de Torrentfreak qui avait été neutralisé a depuis été restauré.
Sujet du 15 avril – Est-ce une infraction au droit d’auteur que de publier une capture d’écran montrant une scène issue d’un épisode inédit d’une série TV ? Voilà la question qui se trouve au cœur d’un embrouillamini entre un site d’information spécialisé dans l’actualité sur le piratage, Torrentfreak, et Starz, une chaîne de télévision payante américaine, qui produit la série American Gods.
Rappel des faits. Le 8 avril 2019, le site Torrentfreak publie un article dans lequel on apprend que des épisodes de cette série (mais aussi des épisodes d’autres séries) sont récupérés avant leur diffusion à la télévision et partagés sans autorisation sur Internet. Le site ne précise pas le mode de partage des contenus piratés (est-ce en BitTorrent ? Via des sites de téléchargement direct ? Les deux ?).
On sait juste que, dans le cas d’American Gods, trois épisodes de la saison 2 ont fuité. Il s’agit des épisodes 5 à 7.
Pour illustrer son propos et montrer le sérieux de l’affaire, Torrentfreak publie une capture d’écran d’un épisode. La capture est de basse qualité (ses dimensions sont de 600 par 335 pixels) et une mention en surimpression est visible. Celle-ci explique qu’il s’agit d’une copie à destination des professionnels. Et naturellement, comme de nombreux autres médias, Torrenfreak relaie la nouvelle sur Twitter.
Un tweet censuré
C’est justement ce tweet qui a été attrapé par la patrouille. Celui-ci n’est plus visible : à la place figure un message déclarant que « ce Tweet de Torrentfreak a été suspendu en réponse à un signalement du détenteur du copyright ». Que contenait donc ce tweet ? Un lien de téléchargement vers l’épisode piraté ? Des détails permettant de les télécharger ? En fait, rien de tout cela.
Dans une autre actualité, Torrentfreak explique que son message ne contenait que le titre de l’article (Pirated Promo Screeners of ‘American Gods’ and Other TV-Shows Leak Online , soit en français : « Des aperçus promotionnels piratés d’American Gods et d’autres séries télévisées fuitent en ligne »), les premières lignes du sujet ainsi qu’une vignette ne reflétant même pas la capture d’écran.
Ce n’est qu’une capture
Selon la demande formulée par Starz, deux éléments ont motivé cette action : l’existence d’images sur des épisodes non diffusés, d’abord, et des informations sur leur disponibilité illégale, ensuite. Or, Torrentfreak n’a jamais diffusé des images d’épisodes, mais juste une capture d’écran, à titre d’information, qui plus est dans une définition dégradée. Ce n’est même pas un extrait vidéo.
La capture « ne représente que 0,001 % de l’épisode en question, sans audio, ce qui est généralement considéré comme une utilisation équitable », observe Torrentfreak. Cette utilisation équitable, appelée fair use en anglais, est un principe juridique américain qui vise à laisser s’exprimer certains usages, s’ils sont acceptables, sans avoir à obtenir l’autorisation préalable de l’auteur ou du producteur.
La capture ne représente que 0,001 % de l’épisode
Le site souligne également le contexte de cette publication informer le public. On retrouve ce type d’exception au droit d’auteur en France, à travers l’article 122-5 du Code de la propriété intellectuelle. Cependant, ces exceptions au droit d’auteur, qui concernent aussi les publications faites au nom de l’information, s’appliquent quand l’œuvre a été divulguée. Est-ce le cas quand les épisodes fuitent avant l’heure ?
Toujours à l’appui de sa demande, Starz déclare que la censure est aussi demandée parce qu’il y a des informations au sujet de leur disponibilité illégale. Là aussi, cette description est excessive au regard de ce contient vraiment l’article : aucun lien, aucun nom de site, aucun mode de piratage n’est donné. Torrentfreak se limite aux faits et de faire un travail classique de site d’actualité.
Faut-il analyser cet argument comme une tentative de la part de Starz de faire taire cette information ? En tout cas, cela va surtout provoquer un effet Streisand — notre article en est d’ailleurs une manifestation — et entraîner une médiatisation accrue de l’affaire, qui serait sinon passée inaperçue en dehors des cercles d’initiés.
Usage raisonnable prévu
Dans sa politique en matière de droits d’auteur, Twitter prévoit l’usage raisonnable. « Toutes les utilisations non autorisées d’éléments protégés par des droits d’auteur ne constituent pas des infractions », écrit le site américain. « Avant de nous envoyer une réclamation relative à des droits d’auteur, veuillez vérifier si l’utilisation du contenu peut être considérée comme relevant d’un usage raisonnable », est-il ajouté.
Visiblement, Starz pense qu’il s’agit d’un usage déraisonnable. Cette croyance pourrait toutefois se retourner contre la chaîne de télévision. Torrentfreak déclare envisager des voies potentiellement judiciaires si le tweet n’est pas rétabli. Dans la loi américaine, il est dit que l’auteur d’une réclamation peut être tenu pour responsable de tout dommage s’il est démontré qu’il était conscient d’avoir franchi une limite.
(sujet mis à jour le 16 avril avec le dénouement de l’affaire et la restauration du tweet)
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