Dernier volet d’une trilogie amorcée il y a cinq ans, Shadow of the Tomb Raider campe un peu trop sur les arguments acquis jusque-là.

Pendant de nombreuses années, Lara Croft était bien plus que l’héroïne d’une saga qui allait devenir culte. Elle était une icône hypersexualisée, célèbre pour son mini-short, sa poitrine généreuse qui a fait la une de Libé et ses deux flingues. Aujourd’hui, elle ne correspond plus tout à fait à cette description, résidu d’une autre époque où le sexisme des jeux vidéo, destinés à un public qu’on voulait masculin, n’était pas remis en question. Depuis le reboot opéré par Square Enix en 2013 et sobrement intitulé Tomb Raider, Lara est devenue une jeune adulte et la licence a enfin mûri. Une aventurière était née.

L’éditeur japonais a capitalisé sur ce nouveau départ, pétri de qualités, pour donner naissance à une trilogie. Après Tomb Raider et Rise of the Tomb Raider, voici donc venu le temps de Shadow of the Tomb Raider, l’opus chargé de conclure avec brio l’épopée d’une Lara qui assume son héritage, son statut et son destin. Pour boucler la boucle d’une ceinture sur laquelle viendront éventuellement se loger deux pistolets, un de chaque côté.

La maturité technologique

Dans le cycle des consoles actuelles, Shadow of the Tomb Raider arrive à point nommé et cela permet à Lara de se mettre sur son 31. La maturité technologique sur laquelle sont désormais assises la PS4 et la Xbox One offre à Eidos Montréal, studio qui a repris le flambeau à Crystal Dynamics, l’opportunité d’accoucher d’un rendu visuel aux petits oignons. Un rendu qui, surtout, rend honneur aux décors traversés, du village mexicain, durant la Fête des Morts (chouette ambiance), à la richesse des décors du Pérou, en passant par des forêts sombres et étriquées. On n’oubliera pas non plus de mentionner les environnements sous-marins d’un réalisme saisissant.

Un rendu visuel aux petits oignons

Cet écrin choyé doit beaucoup à une technologie qu’on adore mettre en avant : le HDR. Eidos Montréal a mis le paquet dessus et, grâce à ce choix, Shadow of the Tomb Raider n’est jamais très loin du top démo. Bien plus qu’un faire-valoir à agiter sur la pochette, le HDR accentue un peu plus le contraste entre le ton résolument plus mature sinon dark et la luxuriance des territoires, sans oublier l’accentuation de la brillance des trésors/reflets ou encore de la puissance des effets lumineux. Le gain en résolution autorisé sur Xbox One X s’en lèche les pixels — même si l’on pourra opter pour le mode centré sur la fluidité (60 fps).

Au rang des quelques défauts, on soulignera les quelques inconsistances du framerate au moment où les décors sont chargés. Une observation qui arrive principalement dans les villages remplis de personnages.

Shadow of the Tomb Raider // Source : Square Enix

Shadow of the Tomb Raider

Source : Square Enix

Des moments intenses

Dans Shadow of the Tomb Raider, Lara Croft doit finir ce qu’elle a commencé, en l’occurrence mettre fin aux agissements des Trinitaires, une mission à laquelle viennent se greffer des motivations plus personnelles liées à sa famille. Le tout sous fond d’apocalypse maya déclenchée par… Lara elle-même. Obligée de faire face à ses responsabilités, l’aventurière croit alors être la seule en mesure d’empêcher la fin du monde. Un fardeau qui l’amènera à faire des sacrifices et à se dépasser, inéluctablement, jusqu’à surmonter les obstacles, coûte que coûte.

De rares moments intenses

Eidos Montréal, qui n’a pas pu compter sur la plume de Rhianna Pratchett, scénariste de Tomb Raider et Rise of the Tomb Raider, s’est concentré sur la narration. Une manière pour le studio de penser d’abord à bien conclure la trilogie du côté de l’intrigue générale. Hélas, hormis quelques dialogues qui sortent du lot, Shadow of the Tomb Raider s’inscrit dans une forme de classicisme campant un peu trop sur les acquis de ses prédécesseurs. Et l’effort sur l’écriture est tel qu’il prend le pas sur le reste, à commencer par l’action.

On s’attendait à une expérience ô combien spectaculaire, le souvenir de l’introduction de Rise of the Tomb Raider bien ancré dans nos mémoires (l’ascension d’une montagne enneigée en plein blizzard). À l’arrivée, on se retrouve plus volontiers face à de rares moments intenses, certes ébouriffants mais trop épars pour marquer les esprits sur la durée. D’autant qu’ils sont, pour certains, trop caricaturaux, sinon pas suffisamment originaux. Dommage.

Shadow of the Tomb Raider // Source : Square Enix

Shadow of the Tomb Raider

Source : Square Enix

Le même jeu qu’en 2013

À la sortie de Rise of the Tomb Raider, d’aucuns déploraient son côté 1.5. Les critiques étaient légitimes : cette première suite ressemblait un peu trop à Tomb Raider. Malheureusement, on peut reprocher la même chose à Shadow of the Tomb Raider qui, par manque d’audace, est, au mieux, une version 1.75. Alors, bien sûr, le gameplay, fruit d’une maîtrise n’ayant rien à prouver et d’un équilibre savamment trouvé, est tout sauf désagréable. On aurait juste voulu davantage de nouveautés hormis les rares possibilités intégrées à l’escalade (la descente en rappel, très sollicitée), à l’infiltration (on peut se cacher dans des murs de feuilles ou s’enduire de boue pour passer encore plus inaperçu) et à l’exploration aquatique (plus de séquences anxiogènes).

En un mot comme en cent, on navigue trop souvent en terrains connus dans Shadow of the Tomb Raider, exception faite, éventuellement, des passages qui rendent hommage à Predator. Où Lara, aidée de l’environnement, fait de ses ennemis de véritables proies. Les plus indulgents affirmeront qu’Eidos Montréal n’a pas voulu prendre le risque de trahir le travail de Crystal Dynamics, qui avait mis la barre très (trop ?) haut avec le reboot. Sauf qu’on a tout à fait le droit d’être exigeant avec Lara Croft, laquelle aurait mérité quelques ruptures, si subtiles soient-elles, pour bousculer ses habitudes et devenir celle qu’elle aspire à être.

Shadow of the Tomb Raider // Source : Square Enix

Shadow of the Tomb Raider

Source : Square Enix

Lara Craft

Exploration (beaucoup), énigmes (un peu), gunfights (trop peu) : voilà le pain quotidien de Lara. Rien n’a changé en somme. On passe toujours par des feux de camp pour débloquer des compétences après avoir gagné des niveaux. On peut toujours améliorer ses armes à l’aide de ressources ramassées un peu partout. On peut toujours crafter des objets utiles à la survie (meilleur exemple : des flèches). On peut toujours passer son temps à ramasser les moult collectibles éparpillés dans les différentes zones semi-ouvertes de la carte.

Et puis il y a les Tombes optionnelles, qui viennent gonfler une durée de vie d’une dizaine d’heures en ligne droite — sans trop forcer. D’une facilité déconcertante jusqu’alors, voire survolée, elles promettaient d’assurer un défi un peu plus relevé dans Shadow of the Tomb Raider, que ce soit pour les localiser ou percer leur secret. Toujours est-il que ce n’est pas le sentiment qui prédomine après en avoir terminé quelques-unes. Elles sont peut-être moins ridicules et un chouïa plus complexe, mais elles sont loin de reposer sur un challenge insurmontable plus de cinq minutes. Même avec toutes les aides désactivées (on peut régler la difficulté des combats, de l’exploration et des casse-tête, indépendamment).

Pour terminer, Eidos Montréal a pensé à inclure quelques missions secondaires. Elles ont le mérite d’être bien écrites et ne pas s’inscrire dans une répétition façon quêtes FedEx, un excellent point face aux autres tâches annexes, plus rébarbatives et communes à toutes les zones. Là encore, on n’est guère surpris par cette structure présente depuis que la nouvelle Lara a remplacé l’ancienne dans nos cœurs.

Shadow of the Tomb Raider est disponible sur PlayStation 4, Xbox One et PC.

Le verdict

Shadow of the Tomb Raider // Source : Square Enix
7/10

Shadow of the Tomb Raider

Voir la fiche

À court d’idées et à bout de souffle au moment où elle en a certainement le plus besoin, Lara Croft avance un peu trop en terrains conquis dans Shadow of the Tomb Raider. En résulte une aventure loin d’être déplaisante mais pas suffisamment dépaysante par rapport au reboot de 2013. Un comble. 

On ne pourra reprocher à Eidos Montréal sa volonté de s’inscrire dans la veine des prédécesseurs, une tâche pas toujours aisée quand on doit remplacer un autre studio et que l’on souhaite apporter sa patte. Ici, il n’est pas tombé dans le piège de l’infidélité, plutôt dans celui de la facilité. Le destin de Lara était sans doute un peu trop tracé. 


Si vous avez aimé cet article, vous aimerez les suivants : ne les manquez pas en vous abonnant à Numerama sur Google News.