Julian Assange échappe pour l’instant à l’extradition vers les USA. Un tribunal britannique vient de rejeter le transfert de l’Australien, connu pour son implication dans Wikileaks, parce que son départ aux USA nuirait lourdement à sa santé mentale, déjà très dégradée. Mais le verdict est moins satisfaisant qu’il n’y paraît.

Il n’y aura pas d’extradition de Julian Assange vers les États-Unis, du moins pas dans l’immédiat. Lundi 4 janvier, une magistrate britannique a rejeté les efforts américains de mettre la main sur le fondateur et principal animateur de Wikileaks, non pas tant en raison du statut de journaliste auquel aurait droit l’intéressé, mais en raison de son état de santé, qui s’avère particulièrement dégradé.

La présidente du tribunal a considéré dans son verdict que Julian Assange était fortement susceptible de mettre fin à ses jours et qu’il subisse outre-Atlantique une incarcération très difficile, selon le compte-rendu de l’audience d’un journaliste sur Twitter. Une telle extradition serait oppressante pour Julian Assange en raison de sa santé mentale, mais aussi parce que les services de renseignement américains lui sont hostiles.

Pour autant, la bataille judiciaire autour de l’Australien de 49 ans n’est pas achevée. Les États-Unis ont la possibilité de faire appel du verdict. Par ailleurs, indique l’AFP, il doit se tenir une autre audience dans l’après-midi du 4 janvier pour déterminer s’il peut être libéré. Si le verdict est favorable, Julian Assange pourrait alors sortir de prison dès le 5 janvier, sous caution.

L’issue judiciaire survenue dans la matinée du 4 janvier a donné lieu à plusieurs réactions positives, à l’image du lanceur d’alerte Edward Snowden, qui a remercié « tous ceux qui ont fait campagne contre l’une des menaces les plus dangereuses pour la liberté de la presse depuis des décennies ». De son côté, Amnesty International puissante ONG dédiée à la défense des droits humains, « se félicite » de ce verdict.

Agnes Callamard, qui est une experte française en matière de droits humains et rapporteure spéciale du Conseil des droits de l’homme de l’ONU sur les exécutions extrajudiciaires, sommaires ou arbitraires, a elle aussi réagi sur Twitter, décrivant cette annonce comme une « superbe nouvelle » : « C’est la seule décision valable en vertu du droit international des droits de l’homme.»

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Un succès judiciaire en trompe-l’œil

La victoire, réelle, obtenue par Julian Assange est toutefois un trompe-l’œil. En effet, ce ne sont pas les qualités journalistiques du fondateur de Wikileaks qui ont pesé, mais bien sa situation personnelle. « La magistrate a accepté pratiquement toutes les allégations contre Assange, ce qui en fait un cas dangereux pour la liberté de la presse », relève ainsi Kevin Gosztola, qui a suivi le verdict.

« Bien que la demande d’extradition ait été rejetée, cet arrêt est très inquiétant. Parce que quelqu’un d’autre pourrait facilement être poursuivi et condamné à l’avenir », ajoute-t-il. Même son de cloche chez Jérémie Zimmermann, le fondateur de La Quadrature du Net : « une victoire pour Assange, une grande défaite pour la liberté d’expression, la liberté de la presse et notre droit à l’information et à la communication. »

« une victoire pour Assange, une grande défaite pour la liberté d’expression et de la presse ».

C’est aussi ce que constate Agnes Callamard dans un approfondissement du sujet sur Twitter. « En résumé, il semble qu’elle soit largement fondée sur des motifs liés à la santé mentale, aux risques de suicide et aux conditions de détention aux États-Unis. Elle a rejeté les considérations relatives à la liberté de la presse », fait-elle observer. L’état de Julian Assange a d’ailleurs été validé par des examens médicaux.

Ainsi, la juge a repris à son compte les conclusions des médecins « selon lesquelles Julian Assange souffre d’un trouble dépressif récurrent, parfois accompagné d’hallucinations, souvent avec des idées suicidaires ruminantes et qu’il se trouve sur le spectre de l’autisme », signale Agnes Callamard. Son départ aux États-Unis aggraverait son état et il y a un « risque substantiel » qu’il cherche à en finir.

Un symbole de la liberté de la presse

Pour de nombreuses associations, ce qu’a fait Julian Assange n’est pas si différent ce que ferait un journaliste d’investigation. « Les charges contre lui reposent quasi exclusivement sur des activités que mènent au quotidien tous les journalistes d’investigation : publier des informations auparavant tenues secrètes », écrivait encore ce matin La Ligue des Droits de l’Homme, tout en demandant sa libération immédiate.

« Les informations que Julian Assange a publiées sont d’intérêt public et ont contribué au droit à l’information du plus grand nombre », a-t-elle ajouté « L’extradition de Julian Assange vers les États-Unis violerait gravement les droits de l’Homme. Nous demandons la libération immédiate de Julian Assange et à l’abandon des charges pesant sur ce dernier », a-t-elle insisté.

Cette position est plus généralement partagée par de nombreuses autres ONG, mais aussi sociétés de presse, comme Reporters Sans Frontières, Human Rights Watch, le Guardian, le New York Times, le National Union of Journalists, le Committee to Protect Journalists, la Fédération internationale des journalistes, l’Union américaine pour les libertés civiles, Der Spiegel, El Pais, le Washington Post ou encore le Wall Street Journal.

Julian Assange

L’interpellation très médiatisée de Julian Assange, quand il a été sorti manu militari de l’ambassage équatorienne à Londres. // Source : The Guardian

Julien Assange, qui était auparavant sous la menace d’une extradition vers la Suède pour une affaire d’agression sexuelle (l’action en justice s’est éteinte fin 2019, Stockholm ayant indiqué que « tous les actes d’enquête ont été épuisés sans apporter les preuves requises pour une condamnation »), et donc détenu dans ce cadre, était ensuite sous le coup d’une extradition vers les USA pour ses activités avec Wikileaks.

En effet, Washington réclame depuis longtemps l’Australien pour son implication dans la publication de centaines de milliers de documents confidentiels issus du gouvernement américain — notamment des télégrammes diplomatiques, mais aussi des fichiers sur les guerres américaines en Afghanistan et en Irak. C’est notamment après ces faits d’armes que Julian Assange est devenu un symbole de la liberté d’information.

Julian Assange a été arrêté par la police anglaise en avril 2019, quand l’Équateur a décidé de lever la protection diplomatique dont il jouissait depuis sept ans en s’étant réfugié dans l’ambassade. À plusieurs reprises, la question d’un asile politique de Julian Assange en France s’est posée. Un appel en ce sens a encore été lancé par La Ligue des Droits de l’homme, pour qui « la France s’honorerait à lui accorder à l’asile politique ». Cependant avec constance, Paris a toujours refusé d’aller dans cette direction.


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