La Suède a décidé de renoncer aux poursuites contre Julian Assange, parce que « tous les actes d’enquête ont été épuisés […] sans apporter les preuves requises pour une condamnation ». Cependant, le fondateur de Wikileaks a encore devant lui d’importants ennuis judiciaires.

Un chapitre judiciaire se referme pour Julian Assange. L’Australien de 48 ans, qui a été arrêté ce printemps par la police britannique alors qu’il se trouvait dans l’ambassade d’Équateur, n’est plus sous le coup d’une enquête en Suède. Ce mardi 19 novembre, le parquet a annoncé l’abandon des poursuites contre le fondateur de Wikileaks, qui étaient engagées depuis 2010 et relancées en mai.

« Tous les actes d’enquête ont été épuisés […] sans apporter les preuves requises pour une condamnation », déclare la procureure en chef adjointe, Eva-Marie Persson, citée par l’AFP. L’intéressé était accusé d’avoir agressé sexuellement deux femmes. Plus exactement, il aurait commis des faits de « sexe par surprise », un délit reconnu par la législation suédoise, causés à la suite de la rupture d’un préservatif.

Mais le fait que la partie suédoise décide d’abandonner tout le dossier ne veut pas dire que le patron de Wikileaks est tiré d’affaire.

Julian Assange, fondateur de Wikileaks // Source : Cancillerìa del Ecuador

Julian Assange, fondateur de Wikileaks

Source : Cancillerìa del Ecuador

Peine de prison au Royaume–Uni

D’abord, parce que l’intéressé est emprisonné depuis le 1er mai pour ne pas s’être mis en conformité avec ses obligations judiciaires au Royaume-Uni. Julian Assange s’est en effet soustrait à la justice, un fait que la justice britannique sanctionne au maximum avec un an de prison. Le tribunal londonien de Southwark a choisi une peine quasi-complète, avec un emprisonnement de 50 semaines.

Julian Assange avait décidé de se réfugier dans l’ambassade d’Équateur en 2012, au motif qu’il craignait que l’action judiciaire suédoise à son encontre ne soit en réalité qu’une manœuvre qui déboucherait in fine à son extradition vers les États-Unis. Il y restera sept ans, avant d’être délogé par les forces de l’ordre, avec l’approbation de Quito. En principe, Julian Assange sortira mi-avril 2020.

Extradition vers les USA

Ensuite, parce qu’il y a justement la perspective d’un transfert de l’Australien aux USA, à cause de son rôle au moment de la diffusion de documents confidentiels américains sur Wikileaks. Ceux-ci incluent des télégrammes de l’ambassade américaine en Islande, ainsi que des fichiers sur les guerres en Irak et en Afghanistan, dont une vidéo montrant une bavure de l’armée lors d’un raid aérien en juillet 2007.

Officiellement, les autorités américaines reprochent à Julian Assange de s’être livré à une association de malfaiteurs en vue de commettre une intrusion informatique. Dans le cadre du « Computer Fraud and Abuse Act », texte qui concerne la sécurité des systèmes d’information, le fondateur de Wikileaks fait face à une condamnation pouvant atteindre cinq ans d’emprisonnement.

Poursuites supplémentaires ensuite ?

Cette perspective judiciaire relativement faible (sa durée est plus courte que la durée totale qu’a passé Julian Assange dans l’emprise diplomatique équatorienne, même à supposer qu’il soit condamné à la peine maximale) pourrait toutefois ne pas être la seule à laquelle fera vraiment face le cybermilitant. C’est ce que suggère le professeur de droit Orin Kerr, de la faculté de droit de l’université de Californie, à Berkeley.

Pour ce spécialiste du droit, « il y a beaucoup plus de choses que le gouvernement peut apporter plus tard ». L’utilisation du Computer Fraud and Abuse Act, qui est interprété de façon « relativement agressive et quelque peu controversée » pourrait n’être qu’une mise en bouche, de façon à lancer la machinerie judiciaire. En clair, une fois aux USA, Julian Assange pourrait faire face à d’autres griefs.

Et la peine de mort ?

Ces griefs pourraient-ils conduire à la peine de mort ? Il est vrai que les États-Unis appliquent la peine de mort et n’hésitent pas à la prononcer contre des ressortissants étrangers, même si les pays dont ils viennent l’ont abrogée (pour l’Australie, la dernière exécution remonte à 1967 et elle est abolie pour tous les crimes depuis 1985). Un tel risque existe, si la loi de l’Espionage Act était mobilisée.

Cela étant, le président équatorien a déclaré le 11 avril avoir obtenu de Londres la garantie que le fondateur de Wikileaks ne serait pas extradé vers un pays où il pourrait être condamné à mort. Cet engagement a été confirmé « par écrit ». Par ailleurs, Le Royaume-Uni est tenu par des engagements internationaux, au niveau de l’Union européenne, et par sa propre législation.

Chaise électrique

Une chaise électrique dans une prison américaine.

Source : Tim Menzies

Ainsi, le Royaume-Uni est soumis à la Charte des droits fondamentaux qui, dans son article 2, prohibe non seulement la peine de mort, mais interdit aussi l’expulsion ou l’extradition d’une personne vers un pays où elle courrait un tel risque. De plus, l’Union européenne et les USA ont signé des accords qui interdisent à ces derniers de réclamer la peine de mort contre une personne extradée.

Et en cas de sortie du Royaume-Uni de l’Union européenne ? À supposer que ce scénario se déroule un jour, Londres a rappelé que son droit lui interdit d’extrader quelqu’un risquant la peine de mort (Extradition Act 2003). Les obstacles juridiques sont donc nombreux et de taille. En l’état actuel des choses, il paraît extrêmement improbable que Julian Assange se retrouve un jour sur la chaise électrique.


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