En gestation depuis des années, l’application Alicem connaît ces dernières semaines une forte attention médiatique. Il faut dire que le projet fait couler beaucoup d’encre, car il fait appel à la reconnaissance faciale : ce système biométrique pour smartphone offre à la population de se connecter aux services publics, en s’assurant de l’identité de chaque personne avec un haut degré de certitude.
Mais la reconnaissance faciale n’est pas une technique anodine. Parce qu’elle se base sur les traits du visage et porte en elle des enjeux critiques de protection des données et des libertés individuelles, son utilisation et son éventuel développement doivent être strictement et correctement encadrés. C’est dans ce contexte que le secrétaire d’État en charge du numérique, Cédric O, a décidé de se mêler à la discussion.
Des « fantasmes » sur Alicem
L’intéressé s’est en effet prêté à l’exercice de l’interview avec Le Monde, ce 14 octobre, pour tenter d’apaiser les esprits et de dissiper ce qu’il qualifie de « fantasmes ». S’il est vrai que la reconnaissance faciale sert lors de la configuration d’Alicem (avec une procédure statique comparant une photo avec celle du passeport biométrique et une autre dynamique, basée sur une vidéo), elle ne sert plus par la suite.
Le secrétaire d’État note d’ailleurs que la personne voulant se servir d’Alicem devra de toute façon « explicitement donner son consentement au préalable ». Pour autant, cela ne veut pas nécessairement dire que ce consentement sera conforme au Règlement général sur la protection des données (RGPD), comme le laisse entendre Cédric O. Pour être valide, le consentement doit aussi être libre.
Or, il a été constaté par la Commission nationale de l’informatique et des libertés (CNIL) et par La Quadrature du Net (ce qui constitue d’ailleurs le motif de son recours devant le Conseil d’État) que le consentement n’était pas « libre » : il le serait si plusieurs choix lors de la création du compte Alicem étaient proposés, en plus de la reconnaissance faciale, et s’ils ne sont pas biométriques ; mais ce n’est pas le cas.
Aujourd’hui, Alicem ne fonctionne qu’avec l’analyse des traits du visage, au grand regret de la CNIL. Elle avait pourtant listé des alternatives en complément ou en remplacement de la biométrie : face-à-face en mairie ou en préfecture, appel vidéo en direct avec un agent spécialisé ou même une vérification manuelle de la vidéo et de la photo générées lors de la création du compte.
Aucune de ces solutions n’est pourtant proposée. Pourtant, le secrétaire d’État assure qu’en matière d’identité numérique, « nous ne prévoyons à ce jour aucun mécanisme qui obligerait à passer par la reconnaissance faciale ». Mais l’intéressé suggère que d’autres approches seront peut-être proposées à l’avenir. Sur la version de test disponible depuis juin 2019, ce n’est en tout cas pas d’actualité.
Une sortie retardée ?
Pour la suite, cela reste à voir. Cédric O affirme que le gouvernement est « ouvert à des techniques alternatives d’authentification forte », sans dire quelles pourraient être ces autres solutions. Si celles-ci sont trouvées et satisfont les critères de fiabilité en matière d’authentification, « il y aura, le cas échéant, des mécanismes d’enrôlement qui ne passent pas par la reconnaissance faciale », assure-t-il.
Quant au lancement à proprement parler d’Alicem, celui-ci pourrait se faire plus tard que prévu. Questionné sur l’échéance de novembre, Cédric O l’a jugée « prématurée ». Il préfère attendre le retour du Conseil national du numérique, saisi sur le sujet, ainsi que les travaux de deux députées sur l’identité numérique. Par ailleurs, l’action de La Quadrature du Net pourrait y mettre un terme, si le décret est annulé.
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