Le prélèvement à la source est devenu réalité à partir du 1er janvier 2019. Numerama vous propose de passer en revue les principales questions que cette réforme fiscale soulève.

Depuis le 1er janvier 2019, le prélèvement de l’impôt à la source est entré en vigueur. Cette réforme fiscale, qui consiste à prendre l’impôt directement sur les salaires, les retraites et les allocations mois après mois, suscite beaucoup d’interrogations parmi les contribuables. Nous résumons ici en sept points les principales informations à connaître.

Pourquoi le prélèvement à la source ?

La motivation qui se trouve au cœur de la réforme est d’en finir avec le décalage d’un an entre la perception du salaire et le paiement de l’impôt. Le gouvernement juge que cette désynchronisation provoque des difficultés pour le contribuable.

Par exemple, un salarié qui avait une bonne situation en 2017 et se retrouve au chômage en 2018 doit payer ses impôts de 2017 en 2018. C’est absurde : alors que l’intéressé a vu sa situation évoluer de façon défavorable, il se retrouve à devoir payer des impôts calculés sur la période précédente, où tout allait bien, l’année où ses moyens financiers se sont réduits de manière significative.

Avec le paiement en temps réel, le système de prélèvement se cale sur les revenus actuels perçus par le contribuable. Il s’adapte aux éventuelles fluctuations qui peuvent survenir au cours d’une vie, que l’intéressé parte à la retraite, se retrouve au chômage, décroche une augmentation significative du salaire, se marie ou contracte un PACS. En outre, l’effort est réparti sur 12 mois, ce qui évite de sortir une grosse somme d’un coup.

Quand le prélèvement a lieu ?

La mise en place de la réforme est fixée au 1er janvier 2019. À cette date, l’impôt sur les revenus de 2019 se paie progressivement, chaque mois de l’année, au moment où le salaire (ou bien les revenus) est touché. Le montant de l’impôt est fondé sur un taux qui correspond à la déclaration d’impôt 2018 pour les revenus de l’année précédente. Le prélèvement est indiqué sur la fiche de paie avec quatre indicateurs : le salaire net avant impôt, le salaire net imposable, le salaire net d’impôt et le taux.

Si les impôts de 2019 sont payés en 2019 et si les impôts de 2017 ont été payés en 2018, quid des impôts de 2018 ? L’ardoise ne sera pas réglée. Il est prévu une année blanche, qui se matérialise via un crédit d’impôt calculé par le fisc et basé sur la déclaration des revenus de 2018. Il s’agit d’éviter un double prélèvement en 2019 (impôts de 2018 + impôts de 2019) qui mettrait en difficulté de nombreux foyers.

Attention : les revenus exceptionnels en 2018 sont imposés.

Quels revenus sont concernés ?

Toute la population est soumise à cette réforme fiscale, dès l’instant où des revenus sont perçus. Cela concerne donc naturellement les salaires (du secteur privé et du secteur public), mais aussi les pensions de retraite, les revenus fonciers, les revenus agricoles, ainsi que les revenus des indépendants et les indemnisations pour le chômage.

Le prélèvement à la source ne met pas fin aux réductions et aux crédits d’impôt. Libre à vous de faire un don à une association, d’employer quelqu’un à domicile pour garder votre enfant ou faire le ménage, ou d’effectuer des travaux de rénovation énergétique : les abattements qui y sont associés seront pris en compte, notamment via un système d’avance et de solde basé sur l’année précédente.

Le taux peut-il évoluer ?

Oui. En déclarant vos revenus, vous avez eu à choisir entre un taux neutre (« non personnalisé ») ou un taux individualisé. Celui-ci était gelé en 2018, mais il est possible de le moduler, sous certaines conditions, cette année. Il faut se rendre sur le site impots.gouv.fr pour effectuer cette démarche. Ce n’est pas auprès de son employeur qu’il faut s’adresser.

Par exemple, un couple peut opter pour un taux individualisé pour éviter que le train de vie de l’un des deux conjoints ne se reflète dans le taux de l’autre, s’il y a un trop grand écart de salaire. Le fisc calcule le taux selon les dernières informations en sa possession et une mise à jour est prévue en septembre de chaque année, sur la base de la situation de l’année d’avant. L’impôt pourra alors potentiellement baisser ou augmenter.

Quel est l’inconvénient principal ?

En ce qui concerne le contribuable, le souci principal réside dans le nouveau statut de l’employeur. Dans un système de prélèvement à la source, il devient le collecteur de l’impôt et est donc amené à connaître le taux d’imposition de ses salariés. Il peut même être dans la situation où c’est à lui de le calculer sur l’ensemble des revenus, ce qui est une brèche en termes de confidentialité.

Dans ce cas, l’employeur « sait si son salarié perçoit d’autres revenus, venus de l’épargne ou de l’immobilier, et il connaît le salaire de son conjoint. […] Cela peut avoir des conséquences sur la politique salariale — pourquoi augmenter quelqu’un dont le conjoint est très aisé ? », écrivait Le Figaro. Des garde-fous visent à limiter ce souci : taux soumis au secret professionnel, taux individualisé par conjoint, ou encore choix du taux non personnalisé.

Quant à la déclaration de revenus, elle demeure réservée à l’administration fiscale. L’employeur n’en a pas connaissance.

Impôts

Le site des impôts.

Quelles sont les craintes ?

Deux craintes principales existent : la première serait un effet psychologique négatif sur les ménages qui pourrait pénaliser par ricochet la croissance française. Les ménages, en ayant une feuille de paie en apparence plus faible (car le montant dû aux impôts est décompté immédiatement), pourraient avoir l’impression d’une baisse de pouvoir d’achat. Cela pourrait les conduire à thésauriser au lieu de consommer.

La seconde est celle du bug informatique. Le fiasco du système Louvois a parfois été brandi comme exemple de catastrophe que ce type réforme d’ampleur peut générer. Cela étant, la Direction générale des Finances publiques dit avoir conduit des tests approfondis sur des dizaines de millions de cas pendant un an. Tous les cas de figure défectueux repérés lors de cette phase ont été résolus, affirme Bercy.

Pourquoi ça a failli capoter ?

Initiée par le quinquennat précédent mais pilotée par le gouvernement d’Édouard Philippe, à travers Gérald Darmanin, le ministre de l’Action et des Comptes publics, la réforme a connu un trou d’air à l’été 2018, quand Emmanuel Macron, a dit attendre des « réponses précises […] avant de donner une directive finale ». Ce faisant, le président de la République a laissé planer un doute sur l’avenir de cette réforme.

Le même jour, Gérald Darmanin confirmait pourtant l’application de cette réforme au 1er janvier 2019, ce qui semblait refléter une incertitude au sommet de l’exécutif sur le tempo à donner à cette mesure. Finalement, ce cafouillage a été réglé quelques jours plus tard par Édouard Philippe : « Nous avons travaillé d’arrache-pied depuis des mois pour faire en sorte que cela soit possible ». Depuis, c’est devenu réalité.

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