L’UFC-Que Choisir publie mardi 26 septembre un rapport qui dénonce la fracture numérique croissante en France au niveau des accès à Internet. L’association réclame une révision du plan France Très Haut Débit et de mettre la priorité sur les zones rurales.

La fracture numérique n’est pas seulement une réalité entre les pays du Nord et ceux du Sud. Une même cassure existe dans chaque pays développé, généralement entre les zones urbaines et les régions rurales. Ce constat n’est pas nouveau, notamment pour la France, mais une étude conduite par l’UFC-Que Choisir vient actualiser les données du problème, en s’attardant sur la transition vers le très haut débit.

Internet des villes, Internet des champs

L’association pointe ainsi le fait que « le meilleur du très haut débit est accessible pour moins de 1 % des habitants en Creuse ou en Dordogne, alors qu’il l’est pour plus de 90 % des habitants à Paris ou dans les Hauts-de-Seine ». Surprenant ? Pas vraiment : les opérateurs concentrent avant tout leurs efforts dans les coins très peuplés, là où le réservoir des clients potentiels est le plus grand, plutôt que dans des lieux plus isolés.

Or, ce n’est pas dans les villes que le coup de collier devrait avoir lieu, celles-ci ayant déjà bien souvent un accès à un Internet de qualité, même s’il ne s’agit « que » de l’ADSL ; en effet, en quoi serait-il urgent de faire passer à 30, 50 ou 100 Mbit/s un abonné qui a déjà du 12 Mbit/s avec l’ADSL2 voire du 24 Mbit/s avec de l’ADSL2+ ? Ce devrait être là où les lignes proposent des débits nettement plus bas.

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CC Magnus

Accès médiocre pour 11 % d’internautes

Mais ce n’est pas tout. Si le fait de ne pas avoir le très haut débit est une chose, avoir du haut débit tout court en est une autre. Or, l’association pointe qu’un peu plus d’un internaute français sur dix (11,1 %) n’a même pas accès à « Internet de qualité », c’est-à-dire un accès au réseau suffisant pour profiter de certains usages, comme la visiophonie (on ne parle même pas d’un accès à la télévision en 4K).

Pour ces internautes, la ligne Internet n’est pas en mesure de délivrer un débit supérieur à 3 Mbit/s. Un seuil qui n’a pas été choisi au hasard, puisque celui-ci « reste en cohérence avec celui indiqué dans le cahier des charges du plan France Très Haut Débit qui considère qu’un haut débit de qualité nécessite un débit minimal compris entre 3 et 4 Mbit/s ». C’est même la borne basse qui a été retenue, la plus facile à atteindre.

Plan France Très Haut Débit

Pour répondre à ce problème a été mis en place un plan afin d’encadrer le déploiement du très haut débit en France, avec comme objectif de couvrir tout le territoire d’ici 2022. Ce plan, qui comporte notamment un volet très important de fibre optique (80 % des cas de figure devront passer par ce type de raccordement) a été repris par Emmanuel Macron, le président voulant même resserrer le calendrier.

Le chef de l’État a toutefois apporté une nuance : pas question de ne miser que sur le filaire ; il faut aussi profiter du très haut débit mobile, à savoir la 4G et la future 5G. « On ne mettra pas [la fibre] partout jusqu’au dernier kilomètre dans le dernier hameau », a-t-il prévenu ce printemps. « Il faudra des années, parfois des décennies ». D’où l’idée d’une solution mixte avec la 4G.

Cesser de faire de la fibre optique jusqu’à l’abonné le totem du très haut débit

Une idée qui pourrait convenir à l’UFC-Que Choisir ? En tout cas, l’association plaide pour que l’État « cesse de faire de la fibre optique jusqu’à l’abonné le totem du très haut débit ». Il faudrait plutôt « qu’il consacre ses ressources financières à une réduction rapide de la fracture numérique en permettant à tous de bénéficier d’un Internet de qualité », sans plus de précision.

Une chose est sûre pour les auteurs de l’étude : le plan actuel est « purement chimérique ». Seulement 49,7 % de la population est couverte en très haut débit début 2017, notent-ils, et il faudrait en réalité attendre 2035, soit treize ans de retard, pour le voir aboutir. C’est « tout simplement illusoire », considère l’UFC-Que choisir, vu le déploiement actuel observé dans les réseaux.

CC Alexandre Delbos

CC Alexandre Delbos

L’association n’est pas la seule entité à avoir brocardé le plan France Très Haut Débit. Si elle s’est mise du point de vue des « internautes des champs », en notant que « l’exclusion numérique frappe majoritairement les plus petites communes de France », un rapport de la Cour des comptes a pour sa part taclé le volet financier du programme, estimant que ce n’est pas 20 milliards d’euros qu’il va coûter, mais 34,9.

Le nouveau gouvernement est d’ailleurs lui aussi préoccupé puisqu’il a fini par convoquer les opérateurs pour faire un point sur le déploiement de la 4G et du très haut débit fixe et les inviter, concernant le mobile, à amplifier leurs efforts pour résorber les zones blanches en 4G. À ce sujet, le régulateur des télécoms juge qu’il faut sans doute alléger la pression financière sur les opérateurs pour les pousser à faire mieux.

Dans son programme, Emmanuel Macron envisage cet aspect : l’État peut fixer « des conditions économiques favorables sur les redevances d’utilisation des fréquences hertziennes » pour qu’en échange les opérateurs éliminent « les zones sans réseau », « en doublant le nombre d’antennes mobiles ». Et si les objectifs ne sont pas tenus, alors « les opérateurs pourront être sanctionnés financièrement ».

Mettre l’accent sur les zones rurales

En attendant, « compte tenu de ses constats désolants », l’UFC-Que Choisir demande plusieurs choses : outre la réorientation du plan France Très Haut Débit pour s’éloigner du tout (ou presque) en fibre optique, elle suggère aux opérateurs, à l’État et aux collectivités territoriales de faire des efforts supplémentaires en investissement afin de se rapprocher des objectifs définis par le plan

L’UFC demande également aux autorités de privilégier désormais les zones rurales — donc délaissées — et au régulateur des télécoms de conduire une analyse sur l’évolution à long terme des tarifs d’accès à l’Internet fixe au regard des coûts de déploiement et d’accès aux réseaux de fibre optique jusqu’à l’abonné ainsi que de l’évolution du coût d’accès à la boucle locale cuivre (ADSL).

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