Elu à l’Académie Française, le philosophe Alain Finkielkraut est probablement l’intellectuel français le plus sceptique sur les progrès induits par Internet pour l’humanité. Florilège.

Jeudi, l’Académie Française a fait d’Alain Finkielkraut un immortel. Le philosophe de 64 ans a été élu au premier tour par 16 voix contre 28, faisant ainsi son entrée dans la prestigieuse institution fondée il y a bientôt quatre siècles, en 1635. Et il ne fera pas déshonneur à l’image volontairement réactionnaire de l’Académie — ce qui d’un certain point de vue est sans doute utile, voire nécessaire, pour apporter une réflexion contradictoire à une société moderne qui ne prend plus le temps de prendre son temps et qui accueille toute évolution technologique et sociétale comme à la fois inexorable et progressiste.

Dès l’éclatement de la première bulle Internet, en 2001, Alain Finkielkraut avait publié avec Paul Soriano un ouvrage intitulé « Internet, l’inquiétante extase » (chez Mille et une nuits), dans lequel il prenait le contre-pied du discours ambiant sur les évidents bienfaits de la mise en réseau des être humains, et de la liberté offerte par le Net. Une « fatale liberté« , prédisait-il, en craignant que l’homme ne se rende paradoxalement esclave de ses instincts de libertés — un discours alarmiste auquel on peut donner un certain crédit en voyant le milliard d’êtres humains qui confient leur vie privée à une entreprise privée comme Facebook.

Mais depuis la publication de cet ouvrage, encore raisonnable, Alain Finkielkraut a multiplié les sorties parfois les plus absurdes et non argumentées contre Internet, en particulier dans les médias. Il refuse d’y moindre le moindre apport à l’humanité, si ce n’est dans la rapidité qu’il offre notamment aux chercheurs et aux universitaires pour compléter leurs travaux. 

« Pour moi, Internet c’est une malédiction » avait-il ainsi résumé sur BFM TV en janvier dernier, fustigeant une prétendue liberté totale offerte par le réseau mondial (ce qui était peut-être vrai dans les années 1970 et 1980 mais qui l’a été beaucoup moins à partir des années 1990). « Il est interdit d’interdire, on le voit sur Internet. Alors qu’a contrario, l’Etat de droit, c’est un état où il est permis d’interdire » :

En 2009, Alain Finkielkraut avait critiqué le fait qu’Internet permettait d’abolir une certaine forme de confidentialité. « Ce que je constate, c’est que sur Internet, on passe de plus en plus de photos, d’images volées.  C’est une des règles d’internet. Telle ou telle conférence est tenue dans un cercle plus ou moins privé, et paf, on le diffuse sur Internet« , avait-il dénoncé sur le plateau d’Arrêt sur Images. « Est-ce qu’Internet n’est pas cette poubelle-là ?« , demandait-il :

La même année, Finkielkraut dira qu’Internet, « c’est l’instrument privilégié du n’importe quoi« , allant jusqu’à prétendre que ceux qui utilisent internet pour y dire des choses censées le font « à contre-emploi« .

« J’ai peut-être tendance à voir davantage les inconvénients d’Internet parce que… je ne sais pas moi… je ne sais pas quoi vous répondre« , dira-t-il en 2011 à un journaliste l’interrogeant sur les avantages d’Internet par rapport aux médias traditionnels. »Je n’ai aucune confiance dans les digital natives. Ou plutôt, je pense à eux avec un sentiment d’inquiétude et de compassion« .

Enfin, on se souviendra qu’au lendemain de la décision du Conseil constitutionnel sur la loi Hadopi, de ne pas laisser une autorité administrative suspendre l’accès à internet des citoyens sans le moindre procès, Alain Finkielkraut avait trouvé la décision des sages « absolument stupide« . Ils ne faisaient pourtant que défendre les principes essentiels du respect de la présomption d’innocence, et de la liberté d’expression et de communication :

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