Des organisations proches du logiciel libre lancent une campagne de sensibilisation appelant à rendre public le code source financé par le contribuable.

Lorsque de l’argent public est employé pour développer des logiciels, le code source qui leur est associé devrait-il être rendu public ? Oui, répondent en cœur trente-cinq organisations proches du mouvement du logiciel libre. Et parce que ce point de vue n’est de toute évidence pas partagé par tout le monde, elles ont lancé une campagne pour expliquer au public les enjeux de cette demande.

Baptisée « Argent public, code public », l’initiative appelle le législateur européen à créer le cadre juridique adéquat qui imposera la diffusion publique sous une licence de logiciel libre et open source de tout logiciel qui est « financé par le contribuable pour le secteur public », commente la Free Software Foundation Europe, l’organisme à l’origine de la mobilisation.

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Avec le soutien des autres associations comme le Chaos Computer Club, Debian, l’April, l’Open Rights Group et LibreOffice, la FSFE a donc rédigé une lettre ouverte plaidant pour « l’amélioration des procédures de marchés publics pour les logiciels », que vous pouvez soutenir en la signant. À l’heure où nous écrivons ces lignes, le compteur indique un peu plus de 5 500 soutiens.

Mais pourquoi faudrait-il ouvrir le code source des logiciels financés entièrement ou en partie par de l’argent public pour les administrations ? Quatre grands arguments sont avancés par les organisations :

  • Économies fiscales : des applications similaires n’ont pas besoin d’être programmées à partir de zéro à chaque fois.
  • Coopération : les efforts sur les projets d’envergure permettent de partager l’expertise et les coûts.
  • Service public : les applications payées par la collectivité devraient être accessibles à tous.
  • Favoriser l’innovation : avec des processus transparents, les autres n’ont pas besoin de réinventer la roue.

Sans doute conscients que les idéaux du logiciel libre ne sont peut-être pas ceux qui auront le plus d’effet auprès des internautes et du législateur, les organisations insistent avant tout sur l’aspect économique : « les institutions publiques dépensent chaque année des millions d’euros dans le développement de nouveaux logiciels sur mesure pour leurs besoins ».

Or en ces temps de difficultés budgétaires, un tel argument a de quoi faire mouche.

Rester indépendant d’une poignée d’entreprises

L’autre angle sur lequel insiste l’opération est celui de la dépendance à quelques sociétés : « nous avons besoin de logiciels qui aident les administrations publiques à reprendre le plein contrôle de leur infrastructure numérique et stratégique, leur permettant de devenir et rester indépendant d’une poignée d’entreprises ». L’enjeu de la souveraineté n’est pas loin.

Une dépendance qui peut en outre nuire à la concurrence alors qu’elle doit justement favoriser l’émergence de la meilleure solution, pour les administrations : la campagne pointe ainsi du doigt des entreprises, sans toutefois les nommer, qui « utilisent des licences restrictives pour entraver la concurrence », enfreignant de fait la règlementation de l’Union européenne, qui cherche à assurer un cadre juste et équitable.

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Ouverture en France

En France, la loi pour une République numérique promulguée le 7 octobre 2016 inclut dans son article article 2 l’ouverture par défaut des codes sources composant les logiciels des administrations, dans la mesure où ils sont considérés comme des fichiers administratifs à part entière et qu’ils peuvent donc, de ce fait, être communiqués à quiconque en fait la requête.

Ainsi, le code employé pour le calcul de l’impôt sur le revenu de 2015 va être rendu public par exemple.

La disposition législative contient toutefois une exception : la communication au public ne peut se faire s’il y a un risque d’atteinte « à la sécurité des systèmes d’information des administrations ». Comme nous le pointions alors, c’est une restriction assez vague : tout doute, réel ou imaginaire, sur les risques de piratage induits par la publication d’un code source, permettrait de refuser de communiquer le code source d’un logiciel créé par ou pour l’administration.

Or, la sécurité par l’obscurité est pourtant rarement une bonne idée ; la communication des codes sources permettrait bien souvent de renforcer la sécurité, en profitant des failles découvertes par la communauté des chercheurs en sécurité informatique. C’est justement un autre aspect sur lequel les signataires mettent le doigt : la sécurité par l’obscurité, c’est-à-dire en cachant le code, n’est pas l’approche la plus efficace.


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