Les entreprises et les gouvernements ont-ils tiré trop fort sur la corde des salaires, en étant tellement préoccupés par la recherche des bénéfices et de la capacité d'investissement qu'ils n'ont pas vu qu'ils en asphyxiaient l'économie tout entière ? C'est l'hypothèse qu'aurait soutenue le président de Google Eric Schmidt lors d'une déclaration au forum économique de Davos, rapportée par Business Insider.
Reprenant au moins pour partie la logique keynésiasiste de l'économie, qui était passée de mode, Eric Schmidt aurait mis en garde les acteurs de l'économie libérale sur la stagnation voire la baisse des niveaux de rémunération de la classe moyenne, qui se révèle contre-productive pour l'ensemble de la chaîne économique, et pour Google. Pour lui, ce serait même l'une des principales causes du ralentissement global de la croissance, et de la durée particulièrement longue de la crise.
En effet, les salaires sont l'oxygène de l'économie. Ce sont eux qui permettent aux employés d'acheter les produits qui permettent aux entreprises d'en créer de nouveaux et donc de recruter les employés qui devront concevoir, fabriquer, transporter et vendre ces produits. Or si les salaires stagnent, il n'y a aucune raison que la croissance reparte.
Concrètement pour Google, ça ne sert à rien d'avoir un modèle économique basé sur la publicité, si les clients visés par les annonceurs n'ont pas les moyens de s'offrir les produits et services vantés par les publicités.
Dans son rapport mondial sur les salaires 2012/2013, l'Organisation Mondiale du Travail (OIT) pointait aussi du doigt le rétrécissement de "la part des salariés dans le revenu national", et l'impact sur l'économie.
"Dans 16 économies développées, la part moyenne du travail est tombée de 75% du revenu national au milieu des années 1970 à 65% dans les années qui ont précédé la crise. Elle a ensuite quelque peu rebondi pour décliner à nouveau après 2009", constatait l'OIT :
La relance de l'économie par la hausse des salaires semble ainsi d'une logique implacable, mais c'est admettre que les entreprises doivent au moins temporairement rogner sur leurs marges bénéficiaires pour moins rémunérer les actionnaires, et mieux rémunérer les salariés. Ou c'est au minimum augmenter les investissements, donc là aussi rogner sur les dividendes, pour injecter de nouveaux consommateurs sur le marché par l'embauche d'actuels chômeurs.
Malgré tout conscients du problème, les représentants des entreprises veulent surtout actuellement que les salaires puissent augmenter par la baisse du coût du travail, hors salaire net. C'est, au moins en France, tout l'objet du débat sur la baisse des charges salariales et patronales, qui doit permettre d'augmenter le pouvoir d'achat des employés ou la capacité d'investissement sans altérer la marge des entreprises. Mais c'est aussi alors, sauf à considérer qu'une optimisation des coûts soit possible, sacrifier une part des prestations sociales, et faire qu'une partie du pouvoir d'achat soit consacrée au rachat de ces prestations dans le secteur privé. Ce qui pose alors d'autres problèmes d'inégalité d'accès aux prestations.
"Réduire les coûts du travail pour stimuler la compétitivité sur le marché de l'export semble être une option de plus en plus séduisante pour les pays frappés par la crise, mais rien ne garantit que cela évite la stagnation économique ou le déficit actuel de la balance des transactions courantes", prévenait l'OIT dans son rapport.
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