En Chine, Hong Kong et Macao sont les deux seuls territoires à disposer d'un accès à Internet moins censuré. Dans un avenir proche, le pouvoir central pourrait alléger la censure à Shanghai. Mais les habitants ne devraient pas a priori bénéficier de cette évolution, qui vise, selon la presse locale, à séduire les investisseurs étrangers.

Ce n'est pas une surprise, le pouvoir central chinois s'accommode très mal des libertés induites par Internet. Pékin considère en effet que le stabilité de son régime politique passe par un contrôle accru de la liberté d'expression, vue comme un danger. C'est pour cette raison que le net est  verrouillé à l'excès et qu'une "grande muraille électronique" a été érigée pour tenir à distance les informations provenant de l'étranger.

Jusqu'à aujourd'hui, deux territoires chinois bénéficient d'un régime particulier : il s'agit de Hong Kong et Macao, les deux seules régions administratives spéciales. Leurs habitants sont soumis à d'autres règles, plus souples que celles en vigueur dans le reste du territoire. Certes, la situation n'est pas pour autant idyllique et la liberté y est toute relative. La presse locale demeure fermement tenue en main.

Alléger la censure à Shanghai

Mais selon les informations du South China Morning Post, la situation pourrait grandement s'améliorer en Chine. Pékin aurait en effet l'intention d'alléger la censure à Shanghai et dans son agglomération. Selon la source anonyme du quotidien chinois, cet assouplissement permettrait en particulier d'accéder à des sites jugés problématiques, comme Facebook, Twitter ou le New York Times.

Évidemment, se pose la question des motivations : pourquoi le pouvoir central accepterait-il de réviser sa politique ? Xi Jinping aurait-il été séduit par les appels du pied venus d'Occident, lui incitant à s'ouvrir à plus de démocratie et à respecter plus fortement les droits de l'Homme ? Rien de tout cela : si cet allégement de la censure se concrétise, ce sera d'abord pour des raisons économiques.

En effet, Shanghai doit devenir la "première zone de libre échange" de Chine à être située sur le continent (Hong Kong et Macao sont d'abord un groupement d'îles autour d'une péninsule). Or, Pékin a manifestement conscience que la chape de plomb recouvrant Internet peut être un frein pour les investisseurs étrangers, même si les avantages juridiques et fiscaux peuvent être très convaincants.

Les Chinois n'en profiteront probablement pas

Le South China Morning Post ne précise pas clairement si le changement profitera effectivement aux habitants de Shanghai ou s'il sera limité aux étrangers (donc seuls des lieux très particuliers auront accès à un Internet sans censure particulière, dans des hôtels ou au sein de certaines entreprises par exemple). Car Shanghai est une ville très peuplée.

Une levée soudaine de la censure paraît donc incohérente avec la politique générale de Pékin avec Internet. Les réseaux sociaux fragilisent déjà l'édifice érigé par les pontes du gouvernement pour censurer l'information. Les 23 millions de Chinois vivant à Shanghai ne devraient donc pas en bénéficier, même si le territoire concerné est particulièrement réduit.

L'information rapportée par le South China Morning Post a en tout cas du sens avec les perspectives actuelles de l'économie chinoise. Après une croissance du PIB autour de 10 % depuis 1979, suite aux réformes de Deng Xiaoping, les performances de la machine économique connaissent une décélération progressive depuis la crise financière survenue en 2007.

Une mesure pour rendre la Chine attractive aux investisseurs ?

Or, le contrat social tacite passé entre le pouvoir central chinois et la population consiste à troquer les libertés individuelles contre une économie dynamique permettant aux Chinois de profiter de cet essor, sortir de la pauvreté et connaître une hausse du niveau de vie. Or, une croissance trop basse ne permet pas à Pékin de remplir pleinement sa part, ce qui alimente le ressentiment et favorise les troubles.

Il n'est donc pas improbable de penser que les projets du gouvernement concernant Shanghai visent à relancer la machine économique, en donnant un peu plus aux investisseurs étrangers pour les inciter à venir ou revenir (plusieurs entreprises, qui avaient délocalisé en Chine, sont récemment parties dans d'autres pays suite à l'élévation du niveau de vie des Chinois).

Toute la question qui se pose est de savoir si Shanghai sera la seule ville du continent ou si cette mesure est un test en prévision d'une généralisation à d'autres zones urbaines. La démarche rappelle en tout cas celle de Deng Xiaoping, qui avait établi quatre zones économiques spéciales en 1979 pour attirer les investisseurs étrangers. Avec les conséquences que l'on sait.

( photos : CC BY-SARies )


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