Stéphane Richard, qui se repose sur un blanc-seing pourtant sévère accordé par l'Autorité de la concurrence, reproche à la Commission Européenne de faire preuve d'un "acharnement" dans la vérification des conditions de peering proposées à Cogent, un transitaire concurrent de la filiale Open Transit d'Orange.

Alors que l'an dernier l'Autorité de la concurrence avait donné raison à Orange contre Cogent, ce qui avait permis à l'opérateur historique de se féliciter en interne d'une victoire contre "le dogme absolu de la neutralité du net", la Commission Européenne a décidé d'enquêter très sérieusement sur les accusations de bridage proférées par le transitaire contre Orange, Deutsche Telekom et Telefonica.

Les trois opérateurs ont reçu la semaine dernière les inspecteurs de la Commission, qui ont réalisé une perquisition pour établir la réalité des relations commerciales avec Cogent, et vérifier s'il existe un bridage actif visant à obliger les sites internet les plus consommateurs à payer pour accéder dans des conditions normales aux abonnés des FAI. La situation est sensiblement la même qu'entre YouTube et Free, blanchi par l'Arcep la semaine dernière.

L'Autorité de la concurrence avait certes refusé d'accabler Orange, vue la disproportion entre le trafic envoyé et reçu par Cogent, mais pas sans charger la barque. "France Télécom fournit à un site très populaire auprès des internautes et donc générant un trafic très important, une prestation d'accès aux abonnés d'Orange, par le biais d'Open Transit, à un prix qui apparaît sensiblement inférieur aux pratiques du marché", avait remarqué l'Autorité. "Le prix plus attractif facturé au site client par France Télécom est susceptible de favoriser indûment ce site dans son activité par rapport à ses concurrents", ajoutait-il, reprochant à Orange "l'absence de formalisation des échanges internes au groupe France Télécom entre ces deux entités". 

Etats-Unis contre Europe

En clair, l'Autorité semblait se douter qu'Orange favorisait Open Transit par rapport aux transitaires concurrents, mais n'avait pas trouvé de preuves écrites. Or ce sont bien ces preuves qu'a voulu chercher la Commission Européenne.

Interrogé par Le Figaro, le patron d'Orange Stéphane Richard s'énerve. "Ils n'ont rien trouvé", assure-t-il. "Pourtant la Commission n'a pas lésiné sur les moyens. Bruxelles a envoyé chez Orange vingt et un agents pendant quatre jours. Ils sont allés dans quatre de nos sites. Ils ont saisi mes ordinateurs et ont perquisitionné mon bureau. Tout cela est quand même violent"

L'ancien directeur de cabinet de Christine Lagarde en fait même une affaire de patriotisme européen. "Il est stupéfiant que la Commission se fasse ainsi le ­complice d'un ­acteur américain contre des ­entreprises eurpéennes qui emploient et investissent massivement en Europe", condamne-t-il. "Depuis vingt ans, Bruxelles ne sait faire qu'une seule et unique ­chose: de l'antitrust. Bruxelles semble ne pas comprendre que le monde a changé, que nous ne sommes plus les anciens monopoles historiques depuis longtemps, mais que nous sommes désormais plongés dans un monde ultraconcurrentiel, confrontés à des baisses de prix féroces alors que nous devons investir massivement dans nos réseaux".

En sus, Stéphane Richard accuse Cogent de baser son modèle économique "sur le non-paiement de l'usage des réseaux qu'il utilise massivement alors qu'il s'est développé en acheminant le trafic de Megaupload, site aujourd'hui fermé, dont chacun sait que la légalité est plus que contestable".

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