Ce n'est qu'une demi surprise. Les Etats-Unis, le Canada et la Grande-Bretagne ont annoncé leur intention de refuser de signé le traité de l'Union Internationale des Télécommunications (UIT) qui se négociait depuis deux semaines à Dubaï, affirmant que le texte adopté était porteur de dangers pour la préservation de la liberté d'expression sur Internet.

En Europe, pourtant, plusieurs négociateurs dont ceux représentants des pays parfaitement démocratiques comme le Danemark, la République Tchèque, la Suède, ou les Pays-Bas, ont réservé leur décision (la France, très discrète, n'a pas fait connaître sa position). Car dans ce dossier, d'une rare complexité, il faut se méfier des cris d'orfraie poussés par les Etats-Unis et ses alliés, ainsi que par les grandes firmes comme Google, qui défendent elles aussi leurs intérêts.

Comme nous l'avions expliqué dans un article décrivant les enjeux de la conférence mondiale de l'UIT, plusieurs pays dont l'Inde et la Chine se sont ralliés à la Russie pour demander à "avoir des droits égaux pour réguler l'internet", ce qui a été retenu dans le texte final (.pdf). Les Américains ont alors affirmé urbi et orbi qu'il s'agissait pour ces états d'obtenir les moyens de censurer Internet chez eux (comme s'ils ne censuraient pas déjà…), mais c'est en réalité la suprématie de l'ICANN, rattachée au gouvernement américain, qu'ils cherchent à défendre.

Si le traité est adopté en l'état, les pouvoirs de l'ICANN pour la gouvernance technique d'Internet seront en effet partiellement transférés à l'UIT, c'est-à-dire à une organisation de l'ONU. Le texte prévoit que les Etats doivent avoir des droits égaux pour la régulation de l'adressage, des noms de domaine, ou du routage IP. Or les Etats-Unis voient évidemment un avantage géopolitique certain à garder l'emprise technique sur Internet à travers l'ICANN, même si cette emprise est plus théorique que pratique. 


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