Mardi, la ministre de l'innovation Fleur Pellerin s'est réjouie de l'adoption du règlement sur la création d'un brevet unitaire européen, notamment parce qu'il prévoit l'installation du siège d'une juridiction spécialisée à Paris. Pendant la campagne électorale, la même Fleur Pellerin s'était dite "défavorable" à une telle juridiction.

A quoi tient la parole politique ? Pendant la campagne électorale, Fleur Pellerin – qui était alors conseillère de François Hollande pour les sujets liés à l'économie numérique, avait adressé à Candidats.fr une réponse (.pdf) claire sur le projet de brevet unitaire qui se dessinait au niveau européen :

Je suis défavorable à la création de tribunaux spécialisés confiés à des « juges experts » issus du milieu des conseils en brevets, qui est prévue par le projet de règlement. Cette hypothèse nuirait en effet à la neutralité des jugements. Cela a déjà pu être constaté aux États-Unis, avec la création des chambres spécialisées de la CAFC. Le résultat en a été l'extension abusive du périmètre de la brevetabilité à des secteurs auxquels le système des brevets n'avait pas vocation à s'appliquer.
La politique de délivrance des brevets doit être soumise à des « checks and balances ». Comme l’avait souligné Michel Rocard lors des débats au Parlement européen, il est anormal que les offices de brevets, organismes d’exécution destinés à mettre en œuvre une partie de la politique d’innovation industrielle décidée par le législateur, puissent s’arroger l’équivalent du pouvoir législatif en définissant eux-mêmes cette politique. Il serait encore plus anormal qu’ils obtiennent en sus l’équivalent du pouvoir judiciaire leur permettant de conforter les brevets qu’ils auraient eux-mêmes accordés. Je souhaite que la Cour de justice de l’union européenne (CJUE) soit le juge en dernier ressort de la politique des brevets en Europe.
Toujours dans cette réponse à Candidats.fr, Fleur Pellerin avait aussi parfaitement pointé du doigt un système de brevets devenu incontrôlé, qui "favorise les comportements prédateurs, comme avec les « patent trolls » qui n'inventent rien mais déposent des brevets pour attaquer en contrefaçon les grands éditeurs". Un problème que ne résout absolument pas le brevet unitaire, et même qu'il risque d'aggraver.
 
Or, ce mardi, celle qui est désormais ministre déléguée aux PME, à l'innovation et à l'économie numérique s'est réjouie de l'adoption du règlement sur le brevet unitaire européen, qui prévoit bien la création d'une juridiction spécialisée en 2014. Alors que l'adoption du texte annonce une catastrophe pour les PME avec une accentuation de l'inflation de brevets qui va paralyser plus encore l'innovation en élevant les craintes de procès en contrefaçon, Fleur Pellerin a estimé mardi que l'adoption du brevet unitaire par le Parlement Européen était "un jour historique pour l'innovation européenne", et même "une excellente nouvelle pour les innovateurs français et européens".
 
"Et pour la France", ajoute-t-elle. Pourquoi ? Parce que la France "va accueillir le siège de la juridiction européenne des brevets à Paris". C'est-à-dire la juridiction spécialisée qu'elle avait dit refuser.
 
Vive la cohérence et le sens des convictions. 

 

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