Les industriels dont les produits sont soumis à la redevance pour copie privée vont demander au Conseil constitutionnel et à la Cour de Justice de l’Union Européenne de sanctionner la nouvelle loi copie privée. Alors qu’il est interdit de faire payer la rémunération aux professionnels qui ne font pas de copie privée sur les supports qu’ils achètent, le gouvernement a choisi de détourner l’interdiction par un très lourd système de remboursement.

Plus rien ne va pour la rémunération copie privée. Si les ayants droit ont réussi à sauvegarder le niveau des perceptions grâce à la complicité active du gouvernement et des parlementaires, ça n’est qu’au prix d’une nouvelle escalade dans le conflit que se livrent les bénéficiaires de la taxe copie privée et les industriels qui en reportent le coût sur les consommateurs.

Adoptée fin décembre, la nouvelle loi copie privée votée d’un commun accord entre la majorité et l’opposition ressemble en effet à un formidable bras d’honneur adressé à la justice qui avait annulé les barèmes de rémunération de la copie privée. Les juges avaient en effet reconnu que les professionnels ne devaient pas payer la « taxe copie privée » alors qu’ils font un autre usage des supports taxés, et le gouvernement a donc mis au point avec les ayants droit une incroyable usine à gaz qui exige des professionnels qu’ils avancent les fonds pour ensuite se faire rembourser, s’ils prennent la peine de renvoyer un très lourd dossier de remboursement. Tout est fait pour ne pas prendre en compte les jugements français et européens, et en éviter les conséquences.

L’animosité est telle désormais que lors des rencontres BIS 2012 à Nantes, l’administratrice de la Sacem Catherine Kerr-Vignale n’a pas hésité à employer le mot « ennemis » pour désigner les industriels qu’elle affronte à la commission copie privée, qui fixe les niveaux de rémunération. Si depuis 1985 les lois copie privée ont toujours fait l’objet d’une unanimité parlementaire, leur application devient aujourd’hui impossible. Beaucoup trop tirée depuis des années, la corde menace de céder.

Il n’est donc pas surprenant d’apprendre, dans un numéro à paraître vendredi de la lettre Edition Multimédi@, que les industriels veulent faire annuler la nouvelle loi. « Le Syndicat des industries de matériels audiovisuels (Simavelec), la Fédération française des télécoms (FFT), le SFIB (technologies de l’information), le Gitep TICS (télécommunications), le Secimavi (fabricants et importateurs d’appareils électroniques grand public), le Syndicat national des supports d’image et d’information (SNSII), soutenus par la Fédération du e-commerce et de la vente à distance (Fevad), veulent faire annuler cette loi tant au niveau français qu’européen« , révèlent nos confrères.

Au niveau français, les industriels veulent saisir le Conseil Constitutionnel qui n’a pas été consulté sur la loi du 21 décembre dernier, grâce à une question prioritaire de constitutionnalité (QPC) qui permet aux sages d’examiner la légalité d’une loi déjà promulguée. Ils estiment notamment qu’il n’est pas conforme à la constitution de demander à ceux qui en sont exonérés d’acquitter tout de même une rémunération, pour ensuite se la faire rembourser à la demande.

Au niveau européen, les industriels veulent saisir la Cour de Justice de l’Union Européenne, qui avec son arrêt Padawan du 21 octobre 2010 est à l’origine de la nouvelle loi. C’est en effet la CJUE qui avait prévenu que les industriels ne devaient pas payer de rémunération sur les supports qu’ils acquièrent pour autre chose que de la copie privée d’œuvres protégées par le droit d’auteur. Or en détournant l’arrêt par un système de remboursement, les industriels estiment que la France engage sa responsabilité devant les institutions européennes.


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