« Internet n’est pas une zone grise dépourvue de toute législation ». C’est en taclant Nicolas Sarkozy et son « Internet Civilisé » que le fondateur de PriceMinister Pierre Kosciusko-Morizet a remis à Eric Besson son rapport sur le futur Conseil National du Numérique (CNN), dans lequel il réfute toute mission de régulation et préconise plutôt un regard de « sages » sur les pouvoirs publics.

Conseil National du Numérique (CNN) - rapport de Pierre Koscisuko-Morizet Pierre Kosciusko-Morizet a remis ce vendredi matin son rapport (.pdf) au ministre Eric Besson sur le futur Conseil National du Numérique (CNN), dont la création est attendue dès le printemps 2011. Assiégé par de nombreux lobbys en tous genres qui ont été très nombreux à faire valoir leurs contributions (.pdf), le CNN a été bordé par le président de PriceMinister dans un sens qui paraît très satisfaisant, et très éloigné du souhait exprimé par le gouvernement dans sa lettre de mission. Il prévient d’emblée que le Conseil National du Numérique ne doit pas faire « la médiation des litiges entre les acteurs« , ni surtout servir à « l’élaboration et le contrôle des chartes de bonne conduite entre les acteurs du numérique« . Le CNN « n’a pas à être un régulateur du numérique« , prévient le rapport.

« Le régulateur naturel du secteur internet ou du numérique demeurent le Parlement, à qui il convient d’élaborer le cadre législatif applicable, et les juges à qui il revient de contrôler le respect du cadre fixé par le Parlement. Et surtout, le secteur de l’économie numérique, le monde de l’internet n’est pas  » sous-régulé  » comme peuvent l’imaginer certains interlocuteurs. L’internet n’est pas le  » far web « . L’internet n’est pas une zone grise dépourvue de toute législation. L’internet n’est pas la zone sans foi, ni loi« . Une réponse franche et directe à Nicolas Sarkozy et son souhait d’un « internet civilisé« .

Au sujet de la médiation, qui était un rôle autrefois assumé par l’ancien Forum des Droits sur Internet (FDI), le rapport explique que la médiation « repose sur une implication volontaire des deux parties en litige« , ce qui ne serait pas le cas avec une structure étatique. « Les acteurs de l’économie numérique se sentiraient alors  » tenus  » de participer à de tels mécanismes et la fonction même de la médiation se trouverait alors dénaturée« , explique PKM.

Au sujet des chartes de bonne conduite, que l’on a vu se multiplier sur le droit à l’oubli, sur la contrefaçon, sur les TV connectées, sur la publicité ciblée, etc., etc., le rapport met en garde contre un outil qui devient « un mode alternatif de régulation de l’internet« . L’Etat a tendance à peser de tout son poids, usant de le menace de lois, pour faire adopter des chartes qui devraient être volontaires mais qui dans les faits ne le sont pas. « Si on veut assurer une efficacité aux engagements souscrits par les signataires, le souhait d’une charte doit venir non pas du haut – c’est-à-dire d’un ministère ou d’une administration – mais doit venir de la base, c’est-à-dire des acteurs eux-mêmes« , prévient Pierre Kosciusko-Morizet. Or, « il ne revient pas à l’Etat ou à une structure comme le Conseil national du numérique de s’immiscer dans les engagements de nature contractuelle conclus entre des parties identifiées ».

Consulter, pas réguler

Un peu à l’image du Conseil économique et social, le CNN devra donc avoir un simple « rôle prospectif en adressant des propositions au Gouvernement sur la politique à mener » en matière de numérique, et un « rôle consultatif auprès du Gouvernement, et aussi du Parlement, des fédérations professionnelles, des Autorités administratives indépendantes« .

« Le premier rôle du Conseil national du numérique, qui est sans doute le plus important en raison de son caractère structurant pour le secteur, doit être de participer à l’élaboration et à la définition de la politique numérique du Gouvernement« , explique ainsi PKM. Le CNN devra adresser ses recommandations aux pouvoirs publics (dès la fin de l’année), consulter les acteurs, assurer un suivi des propositions, et ainsi servir de « courroie de transmission » entre les autorités et les acteurs de l’économie numérique.

Le rapport cite les exemples des lois DADVSI, Hadopi, Loppsi ou de la dernière loi de finances, qui ont été très mal reçues par les acteurs du net. « Le Conseil national du numérique aura donc pour mission, sur la base d’un projet, de donner un avis et de s’assurer que la complexité du numérique est prise en compte« . Ce devra être systématique pour tout texte législatif ou réglementaire touchant au numérique, et les avis du CNN devront être rendus publics avant le débat parlementaire. L’organe pourra aussi être saisi pour avis par les parlementaires, les fédérations professionnelles ou les autorités administratives comme l’ARJEL, l’HADOPI, l’ARCEP, le CSA, la CNIL, etc.

Le rapport préconise qu’à terme les membres du CNN soient élus, et non pas nommés par l’exécutif, pour « assurer une vraie représentativité« , de tous les acteurs du numérique, des utilisateurs aux FAI en passant par les équipementiers, les fournisseurs de contenus, ou les acteurs du e-commerce. Des députés et sénateurs pourraient également y siéger.

Reste à voir si le rapport sera véritablement suivi par Nicolas Sarkozy et le gouvernement de François Fillon…


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