Plusieurs anciens cadres de l’entreprise ont été entendus lors de gardes à vue le mardi 3 octobre et mercredi 4 octobre 2023. Ils ont été interrogés dans le cadre d’une enquête portant sur les cas de harcèlement sexuel au sein d’Ubisoft, que Numerama avait contribué à révéler en 2021.

C’est un choc dans le monde du jeu vidéo. Plusieurs anciens cadres d’Ubisoft, entreprise phare du milieu vidéoludique français, ont été placés en garde à vue et entendus par la police dans le cadre d’une enquête pour harcèlement. D’après les informations de Libération et du syndicat Solidaires, trois ex-employés ont été placés en garde à vue mardi 3 octobre 2023, suivis de deux autres le lendemain, le mercredi 4 octobre.

Ces gardes à vue interviennent trois ans après une vague de dénonciations sur X (anciennement Twitter) sur les agissements de certains cadres et dirigeants d’Ubisoft, et de plusieurs enquêtes, menées par Numerama et par Libération. Une plainte pour « harcèlement sexuel institutionnel » avait également été déposée un an plus tard, en 2021, par des victimes de ces agissements et par le syndicat Solidaires contre les anciens dirigeants et contre Ubisoft. Selon Libération, la police « aurait recueilli durant plus d’un an les témoignages d’une cinquantaine d’employés et ex-employés. »

Capture d'écran du message de Solidaires sur X // Source : X / Solidaires
Capture d’écran du message de Solidaires sur X // Source : X / Solidaires

Une ambiance toxique favorisée par les cadres de l’entreprise

D’après les informations de Numerama, parmi les personnes placées en garde à vue, on retrouve notamment Serge Hascoët, ex-chef du prestigieux service « Édito » d’Ubisoft, ainsi que son ancien bras droit, Tommy François, vice-président de l’Édito. Ils ont été entendus hier soir, et d’après Libération, leur garde à vue aurait duré jusqu’à minuit et demi. La procédure viserait également trois personnes du service des ressources humaines.

Serge Hascoët et Tommy François étaient particulièrement visés par les révélations de Numerama et de Libération. Tommy François aurait notamment agressé sexuellement des employées d’Ubisoft lors de soirées organisées par l’entreprise, embrassant de force plusieurs femmes. Il aurait également été connu pour avoir institué une ambiance de « boy’s club » au sein du service Édito, où les blagues lourdes et les jeux de « chat-bite » auraient été monnaie courante.

Les témoins interrogés par Numerama ont également décrit Serge Hascöet comme une personne favorisant cette ambiance toxique. Le chef de service aurait régulièrement fait des commentaires sur la vie sexuelle des rares femmes employées au pôle Édito, aurait utilisé son influence pour obtenir de nombreux avantages financiers, et aurait surtout protégé Tommy François.

Les agissements des deux hommes ont longtemps été couverts par ce que nos témoins décrivaient comme un « mur des RH ». Le service de ressources humaines aurait failli à sa mission, ne protégeant pas les victimes, et leur proposant plutôt de quitter l’entreprise plutôt que de faire changer le comportement des cadres responsables des agissements.

Une partie de l'équipe de l'édito à Ubisoft en 2014. À gauche, Tommy François, au milieu, Serge Hascoët // Source : Capture d'écran Twitter/ Floutage Numerama
Une partie de l’équipe de l’édito à Ubisoft en 2014. À gauche, Tommy François, au milieu, Serge Hascoët // Source : Capture d’écran Twitter/ Floutage Numerama

Suite aux révélations de Numerama et de Libération, les deux hommes avaient été poussés vers la sortie. Contactée par Numerama à propos de l’affaire, l’entreprise a répondu que « Ubisoft n’a pas connaissance de ce qui a été partagé, et ne peut donc pas commenter ».

« La police judiciaire et le parquet prennent ce dossier très au sérieux », a déclaré Maude Beckers, l’avocate des victimes, contactée par Numerama. « Le placement en garde à vue de 5 personnes, dont deux personnes de renoms d’Ubisoft, est un signal fort sur le fait que le harcèlement moral et les violences sexistes et sexuelles en entreprise sont des délits graves. Les responsabilités individuelles des personnes ayant commis des faits d’agression et de harcèlement ne doit cependant pas faire oublier la responsabilité plus générale de l’entreprise Ubisoft, de sa direction et des ressources humaines, qui, informés à plusieurs reprises, n’ont pas agit conformément à leurs obligations d’employeur, laissant ainsi s’installer et dégénérer un harcèlement et des violences systémiques dont les femmes étaient les premières victimes. La personne morale et les représentants des ressources humaines ont ainsi également vocation à devoir être poursuivis en justice ».

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